Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 29 novembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Débat sur les effectifs de la fonction publique

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Pourtant, selon l'estimation publiée le vendredi 10 novembre dernier par l'INSEE, la hausse du produit intérieur brut a été nulle au troisième trimestre de cette année, après un accroissement de 1, 2 % au deuxième trimestre et de 0, 5 % au premier trimestre.

Notre méfiance est d'autant plus aiguisée que le Gouvernement présente la réduction des effectifs de fonctionnaires comme inéluctable afin de réduire le déficit budgétaire, alors que, dans le même temps, il a fait cadeau aux entreprises de 20 milliards d'euros d'exonérations de charges sociales en 2006 !

Monsieur le ministre, la dette de l'État est-elle grevée par les effectifs des fonctionnaires ou par la multiplication des cadeaux fiscaux et autres exonérations de charges offertes aux entreprises et aux ménages les plus riches ? Cette question mérite d'être posée.

En l'occurrence, la réduction du déficit de l'État dépend de choix idéologiques clairement formulés par le Gouvernement depuis 2002. Ce dernier utilise comme arguments la réforme de l'État, la mutualisation de certaines tâches de gestion ou encore les gains de productivité dégagés, afin de justifier les réductions d'effectifs prévues dans le projet de loi de finances pour 2007.

Est-ce un hasard si le vocabulaire utilisé, tel que l'expression « gains de productivité », par exemple, se rapproche de celui qui est utilisé dans une logique de marché, propre au secteur privé ?

Est-ce un hasard également si, dans un article paru dans Le Monde en septembre dernier, donc tout récemment, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, s'interroge en ces termes : « Une dépense sert-elle l'intérêt général ? Le projet qu'elle finance peut-il être réalisé à moindre coût ? Pourrait-il être rendu par une autre administration ou - et là son propos va crescendo - confié au secteur privé ? » En quelques mots, la philosophie du Gouvernement s'agissant de la fonction publique est ici entièrement dévoilée : l'objectif visé est de confier progressivement les missions de service public au secteur privé.

France Télécom, La Poste, Areva, EDF et aujourd'hui GDF sont autant d'entreprises qui assuraient des missions de service public et qui sont aujourd'hui privatisées ou transformées en sociétés anonymes, et donc soumises aux règles des marchés financiers.

Il en est de même pour l'ANPE qui, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, a perdu son monopole du placement des demandeurs d'emploi, et qui doit aujourd'hui partager cette mission avec les agences de placement privées, sans que le chômage soit résorbé pour autant !

Le Gouvernement étiole les services publics. Par conséquent, est-il étonnant qu'il opère une coupe claire dans les effectifs ?

Moderniser la fonction publique ne signifie pas obligatoirement supprimer à l'aveugle des postes de fonctionnaires. C'est aussi améliorer les services publics et l'accueil des usagers, répondre aux besoins, garantir les missions de l'État, voire en créer de nouvelles, et donc préserver la fonction publique et son statut.

Réduire les effectifs revient à affaiblir la qualité et l'essence même du service public, au détriment de l'usager et des besoins à satisfaire.

Nous pouvons déjà constater les effets en cascade des précédentes diminutions d'effectifs. Nombreux sont les services publics de proximité qui ont dû fermer : les perceptions et les bureaux de poste font les frais des restrictions budgétaires gouvernementales, et déjà apparaissent cruellement des inégalités territoriales dans l'accès aux services.

L'éducation nationale souffre de ces réductions d'effectifs et de moyens financiers, qui suscitent des effets désastreux : des postes d'enseignants sont supprimés, puis des heures de cours, puis il devient impossible d'accueillir les élèves.

Monsieur le ministre, qu'en sera-t-il avec les 8 700 postes supprimés en 2007 dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire » ? Vous comprendrez que notre inquiétude est grande, et elle est d'ailleurs partagée par toute la sphère éducative.

D'autant que la LOLF permet aux ministères d'aller beaucoup plus loin. En vertu des nouvelles règles budgétaires, libre à eux d'embaucher moins et de consacrer les sommes ainsi économisées à du matériel informatique ou à une réfection des locaux ; l'investissement dans le capital humain devient rare !

La preuve est apportée que les effectifs de fonctionnaires constituent une variable d'ajustement budgétaire pour les ministères et, plus largement, pour le Gouvernement.

Il est regrettable que le Gouvernement ne concentre pas plutôt ses efforts sur l'amélioration de l'accès des femmes aux emplois supérieurs, sur la création de postes ou sur la réduction de la précarité.

En effet, loin de s'améliorer, l'accès des femmes aux emplois supérieurs de la fonction publique recule. Nous déplorions déjà cette situation l'année dernière, et nous regrettons de constater que, aujourd'hui encore, le Gouvernement ne prend aucune mesure concrète pour inverser cette tendance.

Les femmes, déjà durement touchées par la précarité - elles représentent, par exemple, les deux tiers des contrats courts passés dans la fonction publique - n'accèdent pas plus qu'auparavant aux emplois supérieurs.

Selon l'INSEE, dont les derniers chiffres en la matière datent certes de 2003, mais indiquent malgré tout une tendance nette, le pourcentage de femmes dans les principaux emplois de direction et d'inspection à la décision du Gouvernement a diminué : elles étaient 13, 1 % au 31 décembre 2002 et ne sont plus que 11, 9 % à la fin du mois de décembre 2003.

Monsieur le ministre, si je ne m'abuse, vous aviez à coeur de favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique. Or les chiffres que je viens de citer concernent des nominations décidées par le Gouvernement !

De manière générale, les femmes n'occupent, tous ministères confondus, que 17, 4 % des emplois de direction et d'inspection, alors qu'elles représentent un peu plus de la moitié des effectifs totaux.

La création d'un CDI, contrat à durée indéterminée, dans la fonction publique n'a pas eu d'incidence sur la lutte contre la précarité. Nous avions ici même dénoncé les effets pervers de ce type de contrat, qui ne garantit ni un emploi pérenne ni une progression de carrière et qui déroge au statut de la fonction publique. De fait, la confusion la plus totale règne sur ces contrats.

Avec le projet de loi de finances pour 2007, le Gouvernement se drape dans le manteau de la rigueur. Il fragilise ainsi le service public, puisque des pans entiers d'activités seront livrés à la concurrence marchande. Nous ne pouvons masquer notre désapprobation face à une telle accélération de la réduction des effectifs de la fonction publique.

L'argument selon lequel ces suppressions d'emplois seraient nécessaires afin de réduire le déficit de l'État n'est pas convaincant. Il est même fallacieux.

Ce sont plutôt les exonérations de charges et les allégements fiscaux consentis année après année par le Gouvernement qui grèvent d'autant les finances de l'État, alors que les sommes qui y sont consacrées offriraient une marge budgétaire bien plus importante que la réduction des effectifs de la fonction publique.

D'un côté, entre 500 et 600 millions d'euros d'économies sont réalisés en déstructurant les services publics, donc en dénigrant les besoins de tous ; de l'autre, 6 milliards d'euros d'allégements fiscaux sont accordés à travers le plafonnement de la taxe professionnelle, l'instauration du bouclier fiscal ou encore la refonte du barème de l'impôt sur le revenu.

Si l'on ajoute à cela les 20 milliards d'euros que représentent les exonérations de charge, le manque à gagner commence à être élevé. L'État et les collectivités locales perdent des recettes.

Après cette démonstration chiffrée, qui pourrait encore soutenir que les choix de ce gouvernement ne sont pas idéologiques ? S'attaquer à la fonction publique ainsi qu'il le fait, ce n'est rien moins qu'entériner sa volonté de remettre en cause à court terme l'ensemble des services publics. Il s'agit d'un choix gouvernemental, mais peut-être est-ce également une erreur.

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