Intervention de Philippe Marini

Réunion du 25 novembre 2008 à 10h00
Loi de finances pour 2009 — Article additionnel après l'article 22

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Le dispositif que cet amendement vise à instituer s’inscrit dans la continuité d’une mesure que nous avions adoptée l’an dernier et il est fondé sur une véritable conviction.

S’il est parfaitement légitime d’accompagner l’adaptation de l’industrie musicale à son nouvel environnement, il l’est tout autant de veiller à ce que des avantages consentis sur les fonds publics contribuent à préserver et à valoriser l’expression française.

Il serait véritablement inacceptable de supprimer toute condition de francophonie sous couvert des instructions adressées par les services de Bruxelles, qui sont aujourd'hui de moins en moins favorables à la francophonie. À cet égard, le crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques pose un problème d’ensemble.

Afin de poursuivre dans le sens de notre vote de l’an dernier, nous proposons, de manière tout à fait réaliste, que soit examiné le travail des entreprises de production phonographique annuellement pour déterminer quelle est la part d’œuvres francophones.

Par ailleurs, nous suggérons de considérer comme francophone l’interprétation dans leur langue originale d’œuvres libres de droit. Ainsi, un opéra de Verdi ou un oratorio de Vivaldi en italien, de même que des Lieder de Schubert en allemand doivent être regardés comme l’expression sincère et originale de l’œuvre libre de droits. Il n’y a aucune raison d’exprimer une méfiance par rapport à ces interprétations en langue étrangère.

Il n’en va pas de même pour l’anglophonie, voire l’anglomanie, qui envahit tout, et plus spécialement les produits destinés aux jeunes générations. Le véritable conditionnement anglo-saxon auquel celles-ci sont soumises ne cesse de s’accroître. De ce point de vue, monsieur le ministre, nous estimons nécessaire de poser quelques bornes, surtout lorsque des fonds publics sont en cause et qu’il s’agit d’un avantage fiscal.

Je sais bien que le ministère de la culture ne partage pas du tout cette position. Il a d’ailleurs avancé un certain nombre d’arguments – vous allez sans doute y faire allusion, monsieur le ministre –, auxquels on peut opposer des objections tout à fait sérieuses.

À ma connaissance, malgré des demandes réitérées, le Gouvernement n’a pas fourni le document sollicité par la Commission européenne. Pour ma part, voici comment j’interprète une telle attitude : les services du ministère de la culture sont mécontents du dispositif que nous avons adopté l’an dernier et refusent de jouer le jeu.

Le silence de la Commission européenne sur la clause de francophonie est normal, et ce pour deux raisons.

D’une part, cette clause est admise pour des crédits d’impôts d’une ampleur bien supérieure à celle du crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques, dont le montant s’élève à 10 millions d’euros, contre 50 millions d’euros pour les dépenses de production d’œuvres cinématographiques et autant pour les productions audiovisuelles, ces crédits d’impôt visant la relocalisation des productions en France, conformément à l’article 220 sexies du code général des impôts. Par conséquent, dans ce domaine, la clause de francophonie n’a pas de raison de choquer la Commission européenne, qui l’accepte bien dans des domaines plus importants.

D’autre part, et je le répète, à ma connaissance, la Commission n’a pas été saisie de la clause de francophonie ! Le Gouvernement a notifié à la Commission le texte qu’il souhaitait présenter au Parlement en loi de finances rectificatives pour 2007, sans tenir aucunement compte – je reconnais bien là le ministère de la culture – du vote du Parlement, donc de l’adoption de la clause de francophonie !

En ce qui concerne le calendrier d’entrée en vigueur de la disposition, le retard serait de la seule responsabilité du Gouvernement, notamment de votre collègue en charge de la culture, monsieur le ministre. Cela pose de graves questions sur le respect du vote du Parlement.

Que la modification proposée par la commission des finances soit adoptée ou non, le crédit d’impôt devra être de nouveau notifié à la Commission européenne, afin que celle-ci ait connaissance des dispositions votées par le Parlement.

Dans le cas contraire, je me demanderais sincèrement pourquoi le Gouvernement nous saisit encore de dispositions relatives aux crédits d’impôt dans le domaine des industries culturelles.

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