On peut regretter que, dans l’élan pour une réforme de la fiscalité locale – une réforme sur les effets de laquelle chacun ici s’interroge d’ailleurs à bon droit, en tout cas pour ce qui est de ses effets à long terme ! –, le Gouvernement ne se soit pas saisi de la question importante de la péréquation.
La péréquation, en principe, tout le monde y est favorable. Mais on en parle bien plus qu’on ne la met réellement en pratique. Pourtant, c’est un moyen efficace de compenser les inégalités entre les collectivités au regard, notamment, de leur richesse fiscale.
Vous le savez, mes chers collègues, cette notion a été inscrite en mars 2003 dans la Constitution. Ainsi, le cinquième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». De fait, pour chaque niveau de collectivité, la DGF comprend une part forfaitaire et une ou plusieurs parts de péréquation.
Toutefois, on est bien loin des ambitions affichées lors d’un débat organisé par l’Observatoire de la décentralisation. À cet égard, le professeur de finances publiques et de fiscalité Michel Bouvier rappelait qu’« au-delà de la réduction des inégalités entre collectivités locales, c’est bien la satisfaction des besoins des citoyens qui est recherchée, de même que pour les collectivités les plus défavorisées, il s’agit de compenser les différences de niveau de revenus, d’offre d’emplois ou de logement, et plus récemment de lutter contre les nuisances qui affectent plus particulièrement les zones urbaines ».
J’en conviens, ce débat est ancien, et il ne sera pas tranché aujourd'hui. Mais on peut se poser la question de l’efficacité des différentes solutions envisageables. Faut-il accompagner et soutenir les efforts des territoires qui sont encore dynamiques et se prennent en main en bâtissant des projets ? Ou, au contraire, faut-il mettre l’accent sur ceux qui, en raison de handicaps géographiques ou d’un développement sévèrement entravé par le vieillissement de leur population, ou l’ampleur des chantiers de reconversion d’une industrie en déclin, ne sont plus réellement en mesure de faire remonter des projets ? Il est certes difficile de débattre de ces questions à l’heure où l’efficacité de la dépense et la rigueur dans l’utilisation des fonds publics sont évidemment encore plus nécessaires que par le passé.
On sait bien que, dans ce pays, le pauvre, le précaire est toujours un peu considéré comme responsable de son état, mais, convenez-en avec moi, mes chers collègues, les inégalités existant entre les départements des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis ou entre ceux du Rhône et de la Haute-Loire ne tiennent pas seulement à la sagacité de leurs élus, au professionnalisme de leurs agents ou à la rigueur de leurs procédures ; sont aussi en cause les difficultés que rencontre la population, le vieillissement de leurs infrastructures et la fragilité de leurs entreprises.
Renforcer les outils de péréquation, faire en sorte que chaque collectivité contribue à ce dispositif en fonction de ses ressources et en bénéficie en fonction de ses charges, n’est-ce pas, au fond, revenir à l’esprit même de l’impôt et de ce qui le rend acceptable ?
C’est la raison pour laquelle nous demandons que le principe de péréquation soit réaffirmé ici, car il a toute sa place dans un texte qui traite de la réforme des collectivités territoriales.