Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 30 juin 2010 à 15h00
Réforme des collectivités territoriales — Articles additionnels avant le chapitre ier, amendement 303

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements, sauf pour l’amendement n° 303 sur lequel je rejoins l’analyse de M. le ministre et auquel il faut certainement réserver un sort différent.

Comme vient de l’indiquer Edmond Hervé, nous nous trouvons effectivement au cœur du débat.

Il est très désagréable, pour un élu local, de voir comment la clause de compétence générale a été désignée à la vindicte populaire comme l’emblème du privilège que s’octroyaient les élus pour intervenir sur toutes les matières. Ce n’est pas tolérable !

Personne n’a dit, monsieur le ministre, que la clause de compétence générale, telle que nous la connaissons aujourd’hui, était illimitée.

Elle est bien sûr limitée par l’intérêt local – je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler l’arrêt Commune de Villeneuve d’Ascq du Conseil d’État, qui décrit exactement ce que doit être l’intérêt local.

Elle est limitée par les compétences, quand elles sont exclusives, des autres collectivités.

Elle est limitée également pour certaines situations mettant en jeu des acteurs, non plus publics, mais privés, notamment par le droit de la concurrence.

Donc, j’y insiste, personne n’a prétendu que la clause de compétence générale était illimitée et personne, aujourd’hui, ne souhaite qu’elle le soit.

Par ailleurs, autre sentiment désagréable, j’attends toujours la preuve des économies que nous dégagerions en supprimant cette clause de compétence générale, comme le Gouvernement et l’Assemblée nationale souhaitent le faire et comme nous pourrions le faire si le Sénat votait conformes les dispositions prises par l’Assemblée nationale à l’article 35 du projet de loi.

Le comité présidé par Édouard Balladur, déjà, avait indiqué qu’il était impossible de chiffrer la moindre économie. Or ce travail n’a pas été fait.

Permettez-moi de rappeler que la clause de compétence générale n’est pas un privilège : elle est l’essence même de la décentralisation « d’avant la décentralisation ». C’est elle qui a permis à notre système unitaire, jacobin, hypercentralisé de respirer. En effet, on n’administre pas le département des Hauts-de-Seine, où il y a plus de cantons que de communes, comme on administre le département du Cantal, où il y a plus de communes que de cantons.

C’est aussi un principe de démocratie locale et un principe constitutionnel.

Nous avons évoqué tout à l’heure l’effet miroir. La démocratie locale, c’est effectivement le fait d’administrer librement une collectivité et c’est aussi le fait qu’une collectivité soit administrée par des élus constitutionnellement désignés au suffrage universel. Ce n’est pas un hasard si ces deux éléments figurent dans l’article 72 de la Constitution. En effet, quand un problème se pose, il faut que l’élu local – et c’est là que le principe de compétence générale donne tout son corps au principe de la libre administration – dispose de la liberté et de la compétence lui permettant de répondre aux justes sollicitations de ses administrés.

La clause générale de compétence, c’est, enfin, le principe d’efficacité. C’est ce qui permet, par exemple, d’agir dans un désert médical en finançant un cabinet médical, d’intervenir en cas de marée noire ou de tempête – je pense à Xynthia – ou d’installer le très haut débit, que la loi ne pouvait anticiper il y a une vingtaine d’années.

Encore une fois, monsieur le ministre, je demande que vous m’apportiez la preuve que des économies pourront être réalisées si vous supprimez la clause générale de compétence.

Nous y reviendrons à l’article 35, mais cette clause est prise en étau par trois mécanismes. En premier lieu, le principe de spécialité et d’exclusivité ravale les collectivités au simple rang d’établissement public, de syndicat intercommunal à vocation unique ou de syndicat intercommunal à vocation multiple. En deuxième lieu, l’intérêt local sera réduit à ce que la loi dira qu’il est, ce qui n’est pas acceptable. En troisième lieu, enfin, la clause générale de compétence, on la réduit et on la tord. Parce qu’on la dénature, elle va devenir une simple clause de compétence résiduelle.

Les collectivités n’agiront plus que dans le silence de la loi, et peu importe si leurs administrés souhaitent que des problèmes soient résolus.

Mes chers collègues, au lieu de réaliser des économies, de simplifier et d’introduire des éléments de souplesse, nous allons en réalité rigidifier et augmenter l’impuissance publique. C'est la raison pour laquelle je voterai, en mon âme et conscience, les amendements qui vont dans le sens d’une restitution pleine et entière de la clause générale de compétence.

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