Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme les précédents intervenants, je ne puis que me féliciter de l'ambiance dans laquelle s'est déroulée notre discussion. On reconnaît bien là l'esprit de convivialité propre aux communes rurales, où l'on sait s'affronter tout en se respectant.
Pour quel résultat, cependant ?
Je dirai brièvement que sept poignées - puisque ce texte comprend sept titres - de micro-mesures, aussi utiles et équilibrées fussent-elles individuellement, ne font pas pour autant un projet de développement pour le monde rural.
Ainsi, qui peut croire que l'outil fiscal - exonérations ou réductions d'impôts - soit autre chose qu'un instrument destiné à accompagner une politique volontariste, qu'il soit susceptible de constituer le levier essentiel de la revitalisation des zones rurales les plus déshéritées ? Peut-on, notamment, faire fond sur l'outil fiscal pour conserver dans ces zones les médecins qui les quittent ? Evidemment non ! L'homéopathie politique trouve ici ses limites.
Je prendrai un autre exemple : les dispositions de l'article 37 F rendent plus difficiles les mesures unilatérales de désengagement des entreprises et organismes en principe chargés du service public. Ces dispositions ouvrent des possibilités de recours qui pourront retarder la mise en oeuvre de tels désengagements, ce qui n'est pas négligeable. Mais, au bout du compte, qu'en résultera-t-il, sinon le constat que ceux qui ont organisé la défaillance de ces services, souvent méthodiquement, ne peuvent faire autrement que de s'en aller ? Ce n'est pas en mesurant, même avec le plus grand soin, la température de l'eau, qu'on la fera remonter !
Que l'on éprouve le besoin de présenter comme des nouveautés des pratiques et des situations qui font partie du paysage depuis longtemps en dit également long sur l'ardeur novatrice du Gouvernement !
Ainsi les communes se voient-elles autorisées par le texte à suppléer les défaillances de l'initiative privée et à bénéficier du concours des services de l'Etat en matière d'urbanisme. De même, les laboratoires départementaux sont au coeur même du dispositif sanitaire du pays.
Il fallait au moins une loi pour l'apprendre, comme pour se faire expliquer, avec la rhétorique d'usage, ce qu'il faut entendre par « développement et protection de la montagne » ! Un petit chef-d'oeuvre de langue de bois !
Même les dispositions qui auraient pu être les plus novatrices sont vidées de leur portée pratique, faute d'analyse des véritables dynamiques en cause. Je pense aux articles 19 et 20 du projet de loi, relatifs au foncier périurbain, problème essentiel pour le tiers des communes rurales, communes en pleine mutation.
On continue en effet à confondre foncier agricole et espaces verts, politique de confortement d'une activité économique et protection des espaces naturels. On dessaisit les acteurs locaux les plus directement concernés, les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale, de l'une de leurs principales compétences et de ce qui devrait être leur ardente obligation : sauvegarder l'activité agricole dont dépend leur âme rurale.
Il en résulte un dispositif qui, au mieux, n'aura qu'une portée pratique marginale et qui, au pis, « fabriquera » de la friche agricole.
Enfin, peut-on développer les territoires ruraux sans un sou, ou presque, la compensation aux collectivités des exonérations fiscales ne constituant pas même une aumône ?
Il est significatif que l'amendement adopté en deuxième lecture par le Sénat visant à poser le principe de la compensation aux collectivités des charges résultant des dispositions du projet de loi n'ait pas survécu à la commission mixte paritaire.
Des touches dispersées sur une toile ne font pas forcément un tableau, même vu de loin !