Lors de la discussion générale, j'avais interrogé les deux secrétaires d'Etat présents au moment de mon intervention pour connaître la position de la France à l'égard de la demande formulée par la Suisse en novembre 2004 et tendant à la révision du contenu de la convention de Berne. La Suisse a souhaité tout simplement que soit déclassifié ou « reclassifié » - chacun retiendra l'expression qui lui convient - le loup pour faire passer cette espèce animale de l'annexe 2 de la convention de Berne, concernant les animaux totalement protégés, à l'annexe 3, qui vise les animaux protégés.
Ni l'un ni l'autre des secrétaires d'Etat n'a pu me répondre. Or il est très important d'obtenir une réponse sur ce point pour pouvoir examiner utilement ces deux amendements de suppression ainsi que celui que je vais défendre dans quelques instants.
Je ne veux faire preuve, sur cette question, ni d'angélisme béat ni de dogmatisme. Je considère seulement qu'on ne peut pas laisser les citoyens qui sont sur le terrain, agriculteurs en charge de troupeaux ou élus des communes de montagne concernées, affronter les difficultés liées à la présence du loup sans que l'Etat central adopte une position claire, relayée par le préfet du département. En l'absence d'une telle prise de position, en effet, on laisse s'opposer sur place les tenants de la biodiversité et du laisser-faire, selon qui la situation se régulera naturellement, et les fervents adeptes des battues destinées à éradiquer cet animal.
Je pense qu'il est possible d'adopter une position ne relevant, encore une fois, ni de l'angélisme ni du dogmatisme.
Aujourd'hui, aucune prise de position n'a été enregistrée, à l'exception, vous avez eu raison de le souligner, monsieur le ministre, d'un arrêté autorisant le prélèvement de quatre individus de l'espèce en question.
Cette décision n'est pas en contradiction avec la convention de Berne puisque celle-ci n'interdit pas de procéder à des prélèvements ; sinon, les tirs sélectifs n'auraient pas pu être effectués. Je constate, par conséquent, que ladite convention permet aux Etats de prendre des mesures de régulation des meutes de loups.
L'arrêté autorisant l'abattage de quatre loups pris par le Gouvernement avait donc pour objet de faire comprendre à la population que l'Etat se préoccupe de ce dossier sensible, dans l'attente d'une solution de plus long terme, car le tir sélectif d'un certain nombre d'animaux ne suffit pas à répondre aux attentes.
L'été dernier, pendant la campagne électorale, les maires de toutes les communes de montagne de la Maurienne et de la Tarentaise que j'ai traversées m'ont fait part de leurs craintes quant à l'avenir de leur territoire, tout particulièrement ceux des toutes petites communes de montagne où l'activité pastorale est la seule qui permette de préserver l'environnement de l'invasion des broussailles, laquelle peut être catastrophique au regard non seulement du tourisme, mais aussi des risques d'avalanche.
Monsieur le ministre, selon que vous êtes favorable ou opposé à la demande de la Suisse, les réponses à apporter sur le terrain seront très différentes.
Si vous y êtes opposé, autrement dit si vous voulez que le loup soit moins protégé, un certain nombre de mesures pourront être adoptées en collaboration avec les gardes de l'ONC, avec des lieutenants de louveterie, pour que la régulation se fasse sous le contrôle de l'Etat.
Si, au contraire, vous ne souhaitez pas que le loup soit déclassifié, l'activité pastorale devra être réorganisée. Pourquoi pas ? Mais alors, il faut le dire.
Une telle réorganisation impliquerait d'abord que les gardiens de troupeaux achètent davantage de patous, seuls chiens de berger aujourd'hui capables de tenir le loup à l'écart des troupeaux. Elle supposerait ensuite soit que des parcages soient mis en place - dans nos massifs, en effet, l'activité pastorale ne connaît pas la tradition du parcage de nuit - soit que le Gouvernement prenne un arrêté autorisant de nouveaux tirs contingentés.
Monsieur le ministre, quelles que soient nos positions respectives personnelles, nous ne pouvons pas accepter que le Gouvernement ne nous donne pas d'orientation claire sur ce dossier.
En tout cas, pour l'heure, de votre réponse dépendent le vote du groupe socialiste sur ces amendements de suppression et le sort que nous réserverons à notre amendement suivant.