On peut aussi opter pour un système de gratuité pour des jours ou des heures ciblés : c'est l'option retenue depuis plusieurs années par de nombreuses institutions.
Je reviendrai quelques instants sur les problèmes de financement de la gratuité d'accès aux musées. À ma connaissance, aucune action dans le projet de budget pour 2008 ne prend en charge le coût de l'opération. J'ai, hélas, compris que l'État renonçait à assumer ses responsabilités à l'endroit des musées !
L'érosion constante des crédits destinés au patrimoine et aux musées depuis 2003, qui ne laisse pas de me préoccuper, ne permet pas d'espérer un seul euro budgétaire pour compenser les millions d'euros nécessaires au financement de l'expérimentation.
Madame la ministre, vous allez me répondre, je suppose, que la plupart des musées nationaux ayant accédé au statut d'établissement public à caractère administratif, il leur revient de prendre en charge le financement de la gratuité.
L'autonomisation de ces établissements, décidée sous la précédente législature, les contraint à développer une politique de rentabilité au détriment d'une politique de démocratisation de ces institutions.
Ainsi assiste-t-on, dans les grandes institutions, à une politique mettant en oeuvre une hausse très souvent déraisonnable des billets des expositions - 11 euros pour certaines expositions temporaires à la National Gallery de Londres, déjà 8, 50 euros pour l'accès aux seules expositions temporaires du musée du quai Branly, 9 euros au Petit Palais -, des tarifs des cafétérias et à une diversification des tâches premières muséographiques, notamment la location d'espaces dans l'enceinte du musée pour des activités n'ayant que peu de rapport avec les collections présentées.
Je rappelle que, poussé dans cette logique de rentabilité, le Louvre a supprimé en 2004 la gratuité ciblée pratiquée de longue date envers des publics spécifiques particulièrement concernés par l'activité muséographique : les enseignants, sauf ceux qui accompagnent un groupe scolaire, et les artistes.
Quant aux étudiants de l'École du Louvre, ils sont désormais sommés de bien vouloir donner quelques heures de leur temps libre en gardiennage du musée, comme contrepartie à la gratuité d'accès accordée.
Est-ce ainsi que l'on permet aux enseignants de préparer dans de bonnes conditions les visites destinées à former leurs élèves et aux artistes de se pénétrer des oeuvres des grands maîtres ?
J'aborderai une dernière question. L'accès gratuit aux musées engendre une économie potentielle pour le visiteur ; celui-ci reporte-t-il l'économie ainsi réalisée sur un autre bien ou sur un autre service de l'économie culturelle ou touristique ?
De l'avis des économistes de la culture, il est extrêmement difficile de mesurer le report de l'économie réalisée sur le prix d'un ticket d'entrée au musée vers les investissements dans d'autres produits ou services de l'économie touristico-culturelle : restaurant, achat de produit dérivé à la sortie du musée. Il n'est donc pas certain que l'économie culturelle soit bénéficiaire de l'instauration de la gratuité dans les musées.
La gratuité ne fait donc pas tout pour la démocratisation de l'accès aux grands musées ; elle ne constitue pas une fin en soi d'éducation à la culture.
Le coût de cette politique est loin d'être anodin pour l'État et les collectivités, et celle-ci s'effectue souvent au détriment d'autres actions culturelles.
Les expériences menées depuis plusieurs années ne permettent de tirer aucune conclusion hâtive. Néanmoins, s'il fallait s'engager dans une politique cohérente de gratuité, compte tenu des difficultés de financement et du manque de certitude sur les publics bénéficiant réellement de cette démocratisation, je pense que l'on pourrait exploiter plusieurs pistes telles que le recours amplifié aux nocturnes, la réduction des tarifs pleins, qui sont souvent très chers - 9 euros au musée du Louvre, 8, 50 euros au musée du quai Branly, 8 euros au musée des Arts décoratifs -, l'instauration de forfaits permettant l'accès illimité au musée pendant une période donnée, éventuellement courte.