Les broutards doivent être gardés sur les exploitations pendant l'hiver en attendant une éventuelle opportunité commerciale. Il faut donc les loger, ce qui pose un problème de place en bâtiment, et les alimenter. Les foins médiocres et les prix des aliments du bétail qui flambent augmentent les frais liés au stockage des animaux non vendus. Il faut compter un coût de 1, 50 euro par jour - ce qui inclut l'alimentation, plus la litière - et par animal conservé. Les avortements et mortalités de veaux observés cet automne sont autant de veaux non commercialisés en broutards l'année prochaine ou en boeufs, taurillons et génisses de viande, les années suivantes, selon que les systèmes sont naisseurs ou naisseurs engraisseurs.
Face à toutes ces difficultés, les pouvoirs publics ne sont pas restés sans s'activer, en France comme à l'échelon communautaire. Je tiens à vous exprimer, monsieur le ministre, ma reconnaissance pour le souci que vous avez en permanence manifesté sur ce dossier.
La profession agit aussi : ainsi, la FNGDS a mis en place une caisse de solidarité animale où chaque éleveur apportera une cotisation de 0, 5 euro par bovin et de 0, 10 euro par ovin dans un premier temps afin d'aider les éleveurs les plus touchés.
La Commission européenne a, elle aussi, pris le dossier à bras-le-corps et a consenti à cofinancer à hauteur de 50 % les plans nationaux de vaccination.
Vous-même, monsieur le ministre, avez rapidement saisi l'ampleur du problème et agi en conséquence. À peine nommé, vous avez mis en place, au début de l'été 2007, un plan d'intervention doté d'une enveloppe de 7 millions d'euros, permettant d'indemniser les producteurs dont des animaux sont morts des suites de l'épidémie et avez demandé à l'Europe de relever le plafond de la règle de minimis. Vous avez également lancé un appel d'offres pour la fabrication de 33 millions de vaccins.
La nouvelle vague de contamination vous a poussé à renforcer encore les mesures dans trois directions, d'abord, en accélérant le plan de vaccination. Ainsi seize départements « prioritaires » commencent à être traités contre le sérotype 8, et six autres contre le sérotype 1. D'ici au mois d'août, nous espérons que plus de 33 millions de doses de vaccin seront, comme on nous le dit, disponibles pour traiter 15 millions de bovins et plus de 10 millions de petits ruminants.
Ensuite, vous avez réévalué à la hausse l'indemnisation des éleveurs victimes de l'épidémie à hauteur de 600 euros pour les bovins adultes, 800 euros pour ceux de haute valeur génétique et, respectivement, 100 euros et 150 euros pour les ovins, soit une enveloppe globale de 4 millions d'euros. Vous avez également consenti des facilités de trésorerie pour les éleveurs en sollicitant le fonds d'allégement des charges à hauteur de 3 millions d'euros.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez fait pression pour obtenir un déblocage du débouché commercial indispensable que constitue pour nos producteurs le marché italien. Le jour même de l'activation par l'Italie de la clause de sauvegarde, le 3 mars dernier, vous avez demandé à la Commission européenne de faire respecter le droit communautaire, qui implique une procédure contradictoire menée par cette dernière, et, par conséquent, de lever cette mesure.
Vous avez, en outre, alerté directement les autorités italiennes et, à défaut de réaction de leur part, saisi une nouvelle fois la Commission, le 12 mars dernier, de la même demande.
Finalement, le 19 mars, vous avez saisi la Cour de justice de Luxembourg d'un recours en manquement vis-à-vis des autorités sanitaires italiennes, en application de l'article 227 du traité européen.
Si toutes ces actions sont indéniablement à mettre à votre actif, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie, il n'en reste pas moins que de nombreuses questions restent en suspens et continuent d'alimenter l'inquiétude des filières bovine et ovine.
Première question : pouvez-vous nous dire de façon précise quel est l'état actuel de la situation, que ce soit en termes d'animaux et de territoires contaminés, de conséquences sanitaires et économiques, d'avancement des traitements ou de mobilisation financière pour accompagner la filière ?
Deuxième question : sera-t-il possible d'accélérer les procédures afin de minimiser les pertes ?
Cela pourrait se faire de deux façons : soit en vaccinant plus rapidement ou en réduisant le délai de 30 jours entre la première vaccination et le rappel, puis de 60 jours correspondant à la phase « d'acquisition » ; en effet, compte tenu des délais de traitement, nos broutards n'obtiendront leur passeport pour l'Italie que dans trois mois et devront, en attendant, être gardés dans les exploitations, ce qui, comme je l'ai déjà relevé, n'est pas sans coût pour les éleveurs -, soit en obtenant rapidement une décision judiciaire communautaire favorable.
Or la Commission européenne dispose d'un délai de trois mois pour donner son avis sur le recours. Avez-vous des informations plus précises sur les délais dans lesquels les deux institutions européennes impliquées dans cette procédure juridictionnelle se prononceront, et quelles sont les chances de les voir donner raison à votre demande et, plus généralement, à notre pays ?
Troisième question : quand les vaccins seront-ils réellement disponibles ? Selon le calendrier annoncé, 25 000 doses ont été expédiées au début de ce mois ; quand les 175 000 autres le seront-elles ? Serons-nous en mesure de fournir les 33 millions de doses annoncées d'ici à l'été ?
Par ailleurs, ces traitements seront-ils satisfaisants au regard des normes sanitaires en vigueur, notamment européennes ?
Un récent rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire européen semble dubitatif sur ce point. Pouvez-vous nous assurer que nous ne risquons rien dans ce domaine ?
Quatrième question : ne pensez-vous pas que priorité doit être donnée, vu le nombre limité de vaccins, à tous les géniteurs mâles, bovins et ovins, dans les centres d'insémination, quand on connaît les conséquences d'une perte de valeur génétique pour nos élevages ?
Par ailleurs, serait-il envisageable de donner aux éleveurs la possibilité de réaliser eux-mêmes les injections vaccinales, tout au moins sur les animaux qu'ils n'envisagent pas de commercialiser, et ce pour faire avancer la vaccination ? Je précise bien qu'il s'agirait d'animaux dont la commercialisation n'est pas envisagée, car, dans le cas contraire, il est logique que le vétérinaire procède à une attestation pour chaque animal.
Cinquième question : quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, au cas où la situation de blocage avec l'Italie se poursuivrait, afin de gérer au mieux nos contingents de broutards non exportés ?
Je crois savoir que vous avez déjà réfléchi à un plan de soutien à l'engraissement et de maintien des animaux sur les exploitations en vue de les exporter dans un second temps comme animaux semi-finis vers l'Italie et j'aimerais savoir où en sont vos réflexions.
Enfin, sixième et dernière question : de façon plus prospective, quels moyens faudrait-il mobiliser, et selon quel mode d'organisation, pour anticiper ce type de crise sanitaire de grande ampleur dont la récurrence et les conséquences pourraient s'accentuer dans les décennies à venir ?
L'Organisation mondiale de la santé animale, dont nous avons auditionné un représentant, a inscrit la fièvre catarrhale sur la liste des maladies ayant « un grand pouvoir de diffusion, susceptible de s'étendre au-delà des frontières nationales, dont les conséquences socio-économiques ou sanitaires sont graves et dont l'incidence sur le commerce international des animaux et des produits d'origine animale est très importante ».
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, combien nous sommes attachés à un bouclier sanitaire européen face à la mondialisation des risques. À cet égard, l'Europe doit mettre en place les outils nécessaires pour gérer les risques non seulement sanitaires mais aussi économiques.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques pistes de discussion que je souhaitais tracer, certain que vous ne manquerez pas de les compléter et de les préciser, à l'ouverture d'un débat consacré à un problème très douloureux pour notre filière de l'élevage, qui s'y trouve confrontée pour la deuxième, voire, dans certains départements du nord de notre pays, pour la troisième année consécutive.
Nous avons bon espoir que le blocage avec nos partenaires transalpins se dénoue, car il ne sert l'intérêt ni de l'Italie, dont un tiers de la viande consommée provient de broutards français, ni de notre pays, bien sûr, pour qui il représente un substantiel manque à gagner, et je pense ici plus particulièrement aux territoires de hauts plateaux ou de montagne qui peuvent difficilement se reconvertir vers d'autres productions agricoles, tel que le Massif central.