Madame la présidente, monsieur le ministre, en tant que vétérinaire dans un grand département allaitant - c'est à cet égard, me semble-t-il, le plus grand en superficie et en nombre d'animaux de notre pays -, je souhaite vous apporter mon témoignage local, même si l'essentiel a déjà été souligné, à la fois par mon collègue et ami Gérard Bailly dans son excellent rapport, qui était très complet, et par tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune.
Toutefois, aucun d'entre eux n'était élu de la Bourgogne et du département de la Saône-et-Loire, qui est tout de même tout à fait typique en la matière et qui a ses spécificités. D'ailleurs, de telles particularités renforcent la difficulté de votre mission, monsieur le ministre. En effet, nous avons entendu une élue de l'Orne, puis un élu du Sud-Ouest. Chaque territoire a ses difficultés, qui ne sont pas les mêmes partout. Il faut donc s'adapter à des situations différentes, ce qui n'est pas - je le conçois - toujours évident.
Tout à l'heure, des plans de maintien des animaux sur les exploitations ont été évoqués. Dans le département de la Saône-et-Loire, une telle mesure relève de l'utopie. En effet, nous ne disposons ni des moyens financiers et matériels ni des locaux pour les mettre en oeuvre. Je le rappelle, dans notre département, le cheptel est constitué de 650 000 têtes ! En particulier, nombre de broutards ne sont pas vendus et restent « sur le tapis ». Aujourd'hui, il n'est pas possible de les conserver dans les exploitations. Il faut donc trouver d'autres solutions. Il s'agira très probablement de l'exportation, lorsqu'elle sera rendue possible avec les délais de vaccination. J'y reviendrai dans un instant.
Dans la perspective de la discussion de la présente question orale avec débat, j'ai fait réaliser une étude par la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire selon laquelle la trésorerie des exploitations sera dégradée de 37 millions d'euros si les exportations ne reprennent pas avant le début du mois de juin.
Or, en observant la situation, on s'aperçoit qu'il sera très difficile d'atteindre un tel objectif. En effet, les Italiens demandent - une telle exigence me semble quelque peu démesurée - qu'aucun animal ne soit exporté en direction de leur pays pendant les 50 jours suivant le rappel de vaccination. Or, et je parle en tant que vétérinaire, pendant une telle période, il n'y a aucun risque, puisque le grand mérite de l'injection de rappel est précisément de prolonger la durée de protection, qui existe déjà à ce moment-là. Dans ces conditions, monsieur le ministre, nos amis italiens devraient pouvoir renoncer à une telle exigence sur votre demande, ce qui débloquerait considérablement la situation.
Dans le cas contraire, nous nous retrouverions dans une situation de blocage total des animaux sur le territoire jusqu'au mois de juin prochain, ce qui aurait d'énormes conséquences financières pour les éleveurs et, in fine, pour la nation.
En outre, monsieur le ministre, je souhaiterais moi aussi avoir des précisions sur les doses de vaccins disponibles. D'une manière plus générale, quelle est la situation sur l'ensemble du territoire français ? Par exemple, peut-on envisager que l'ensemble du cheptel, notamment, mais pas seulement, les animaux destinés à être exportés, soit vacciné d'ici à la fin du mois de juin prochain ? D'abord, en avons-nous les moyens en termes de doses de vaccins disponibles ? Et, si oui, cela sera-t-il fait ?
À cet égard, permettez au vétérinaire que je suis un plaidoyer pro domo sur la vaccination des animaux.
Certes, les animaux destinés à l'exportation seront vaccinés par les vétérinaires. En effet, comme il y a une certification à établir, il n'y a aucun problème de ce point de vue.
Toutefois, plusieurs orateurs et M. Gérard Bailly, dans son rapport - c'est d'ailleurs le seul point sur lequel je divergerai avec lui -, ont évoqué la possibilité de fournir les doses aux éleveurs pour qu'ils procèdent eux-mêmes à la vaccination des reproducteurs. Cela peut paraître une solution, et même une solution économique, mais je ne suis pas sûr que ce soit véritablement le cas. Dans de telles circonstances, en effet - je le sais d'expérience, en tant que vétérinaire rural dans une zone d'élevage bien connue - il y a toujours un certain nombre de fraudeurs ou de personnes qui renoncent à remplir leurs obligations devant les difficultés de la tâche.
En effet, il s'agira pour les éleveurs de rentrer le troupeau allaitant, et ce à deux reprises, à 40 jours d'intervalle et en plein été. Comme certains troupeaux allaitants dépassent aujourd'hui 200 ou 250 têtes, de surcroît réparties sur une centaine de pâturages, une telle entreprise est très lourde et particulièrement pénible.
Je vois bien comment certains résoudront le problème. Ils commanderont le vaccin, le paieront, recevront une facture, mais ne l'injecteront jamais. Cela représente un vrai danger, puisque toute vaccination ne repose que sur un matelas sanitaire. Si ce matelas n'est pas parfait, s'il y a des leurres, s'il y a des trous, c'est-à-dire si le vaccin qui a été payé demeure dans le réfrigérateur, les animaux ne seront absolument pas protégés.
Dans ces conditions, il y aura des grands risques de propagation de la maladie, liés non pas au vaccin, mais bien à l'absence de vaccination.
À ce propos, monsieur le ministre, votre ministère a mis en place de longue date - et vous avez maintenu ce dispositif - un système de protection sanitaire exemplaire que le monde nous envie. Je ne le détaillerai pas entièrement, mais je préciserai simplement qu'il repose en grande partie sur un certain nombre de vétérinaires praticiens ruraux - j'étais encore l'un d'eux il n'y a pas si longtemps - chargés d'assurer une veille sanitaire.
Ils assurent cette mission à votre demande et constituent un maillage du territoire qui reste inégalé. Ils interviennent ensuite pour des vaccinations, à votre demande également, et c'est d'ailleurs ainsi que l'on considère généralement que les vétérinaires sanitaires sont rétribués. Il n'en demeure pas moins qu'ils assurent la veille sanitaire en permanence et qu'ils doivent parfois pour cela effectuer des déplacements qui ne sont pas facturés.
Dans ces conditions, si, en mettant en place un plan de protection sanitaire, on trouve le moyen d'éviter le recours à ces vétérinaires sanitaires, vous aurez de plus en plus de mal, monsieur le ministre, à trouver à la campagne des praticiens libéraux qui accepteront d'assurer la protection sanitaire. Cela me paraît évident !
Je voudrais enfin aborder à nouveau la question de l'employeur des vétérinaires sanitaires, monsieur le ministre, l'État, en la circonstance.
Même si je sais que vous ne pourrez pas résoudre tous les problèmes dans l'immédiat, il faut savoir que l'État emploie ces personnes dans l'illégalité la plus complète, pendant toute l'année, avec des vacations parfois importantes, sans aucune déclaration ni cotisations de maladie ou de retraite. Pour certains d'entre eux, la protection sanitaire représente la moitié de leurs revenus ; ils arrivent donc à la retraite sans aucuns droits pour la moitié de leur activité. Il faudra un jour vous pencher sur cette question qui suscite un vrai malaise, si du moins vous voulez continuer à assurer la présence de vétérinaires sanitaires en milieu rural, car c'est l'une des raisons de la désaffection pour la profession.
C'est pourquoi je vous demande, au nom des éleveurs de Saône-et-Loire et, plus généralement, au nom des éleveurs de la France entière, puisque Nathalie Goulet a formulé la même demande, la mise en place d'une cellule nationale de crise. Celle-ci ne pourra pas résoudre tous les problèmes, mais elle favorisera une prise de contact régulière avec vous et vos services sur ce sujet préoccupant. Une telle mesure ne coûte pas cher et permettrait sans doute de donner une meilleure information à tout le monde. À cet égard, si vous avez besoin de quelques sénateurs vétérinaires, monsieur le ministre, je suis partant !