Intervention de Michel Barnier

Réunion du 26 mars 2008 à 15h00
Lutte contre l'épidémie de fièvre catarrhale ovine — Discussion d'une question orale avec débat

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire en préambule toute l'importance et toute l'utilité que revêt pour moi l'initiative prise par la Haute Assemblée, sous l'impulsion de Gérard Bailly et avec l'appui des présidents Jean-Paul Emorine et Jean Arthuis, ainsi que de beaucoup d'entre vous, d'inscrire à l'ordre du jour cette question orale avec débat sur un sujet majeur, à savoir l'apparition et le développement très rapide, dans notre pays, de la fièvre catarrhale ovine.

Vous avez, monsieur Gérard Bailly, présenté de manière extrêmement précise et compétente les étapes de l'apparition de cette maladie animale, et expliqué les différentes mesures qui ont d'ores et déjà été mises en place, mesures que je souhaiterais détailler brièvement devant vous.

Plusieurs d'entre vous ont bien voulu donner acte au ministère que j'ai l'honneur d'animer et à ses services de leur engagement et de leur disponibilité. J'ai d'ailleurs été très sensible, monsieur Moreigne, à ce que vous avez dit à propos des services de l'État, notamment des préfets, auxquels je voudrais associer les directeurs départementaux des services vétérinaires, les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt et les vétérinaires libéraux, que vous connaissez bien, monsieur Beaumont. Permettez-moi également d'ajouter les groupements de défense sanitaire et les organisations professionnelles et syndicales, qui, face à cette crise, la plus sérieuse depuis plusieurs décennies, font preuve d'un très grand sens des responsabilités.

Monsieur Bailly, votre première question porte sur la situation sanitaire actuelle et sur ses conséquences économiques.

Au moment où nous parlons, nous recensons précisément 18 916 cas. La quasi-totalité de la France est touchée par les différentes formes de cette maladie du bétail : soixante-quinze départements, et non pas cinquante-cinq, monsieur Biwer, sont touchés par le sérotype 8, deux départements - les Landes et les Pyrénées-Atlantiques - par le sérotype 1 et les deux départements de Corse par les sérotypes 2, 4 et 16 depuis de nombreuses années déjà.

Ce sont aujourd'hui dix pays du nord de l'Europe qui sont atteints par le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine, qui s'est développée de manière très rapide comme en France.

Monsieur Le Cam, ces pays vont procéder comme nous le faisons nous-mêmes, mais dans un délai plus long et de façon plus progressive, à la vaccination avant l'année prochaine.

Madame Bricq, monsieur Barraux, madame Goulet, vous vous êtes interrogés sur la mise en place préventive de financements. Je comprends cette question. Pour autant, pouvions-nous prévoir des dotations budgétaires plus précisément en 2007 ? Je rappelle que la préparation du projet de loi de finances initiale s'est conclue en juillet. En décembre, au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avions encore beaucoup d'incertitudes sur le niveau des dépenses mais aussi des recettes, en particulier celles provenant de l'Union européenne.

Madame Bricq, je vous confirme que je demanderai au mois d'avril la levée de la mise en réserve de crédits à hauteur de 10 millions d'euros sur le programme 206 de mon budget. En outre, nous ne l'avions pas prévu au moment de l'examen du projet de loi de finances, nous avons heureusement obtenu entre-temps des aides européennes à hauteur de 87 millions d'euros afin de faire face aux opérations de vaccination dont je vais parler.

Comme vous le savez, les conséquences de cette maladie sont doubles : aux conséquences directes liées à la maladie - mortalité, morbidité, chute de production, infertilité - s'ajoutent les conséquences indirectes liées aux restrictions de mouvements qui influent beaucoup sur la commercialisation, comme l'a justement rappelé M. Barraux.

Je veux confirmer à M. Le Cam que le règlement sanitaire communautaire obtenu en octobre 2007, pour lequel je me suis beaucoup battu, a permis de rétablir la fluidité des échanges. Or c'est précisément ce règlement, toujours en vigueur dans les autres pays, que l'Italie ne veut pas respecter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les pertes que je viens d'évoquer sont difficiles à estimer avec précision, car toutes les conséquences ne sont pas encore quantifiables. Je pense par exemple à la fertilité des animaux qui ont été atteints en 2007 et qu'il est aujourd'hui difficile de connaître. Entre juillet et décembre 2007, la mortalité a été estimée à environ 15 000 ovins et 8 000 bovins.

Afin d'avoir une idée plus précise, un observatoire des conséquences économiques a été mis en place au mois de mars. L'objectif est de quantifier et de suivre l'évolution des mortalités ovine et bovine, des sur-stockages bovins, de la fécondité et de la production laitière bovine.

Les mesures de lutte contre cette maladie ont reposé en 2006 et 2007 sur la protection contre les vecteurs - les insectes que M. Le Cam a décrits avec une compétence très professionnelle et toute scientifique - et la limitation de mouvements des animaux. C'étaient, à l'époque, les seules mesures possibles dans l'attente du développement d'un vaccin dont nous ne disposions pas, vaccin qui constitue le seul moyen de lutte efficace contre cette maladie dont la particularité tient au fait qu'elle est transmise par un insecte vecteur.

S'agissant des mesures d'accompagnement, et en complément de celles que vous avez déjà citées, messieurs Bailly et Le Cam, j'ai annoncé à la mi-février des mesures de soutien supplémentaires pour permettre aux éleveurs de faire face aux difficultés économiques rencontrées tout au long de l'année 2007 et au début de 2008.

Ainsi - je veux rappeler les chiffres, puisqu'il s'agit d'argent public -, 3 millions d'euros ont été débloqués pour renforcer le fonds d'allégement des charges. Monsieur Moreigne, je vous communiquerai au plus vite la répartition de ce fonds par département. En attendant, je peux vous indiquer que, pour la Creuse, qui vous intéresse plus précisément, une somme de 19 223 euros a été débloquée dans le cadre de cette première enveloppe.

En outre, 3 millions d'euros ont été alloués à la mise en place d'une aide à la perte de chiffre d'affaires des entreprises de commercialisation des animaux. Monsieur Moreigne, pour répondre à l'une de vos interrogations, 4 millions d'euros serviront à revaloriser l'indemnisation déjà en place pour les animaux morts. Cette indemnisation est portée, pour les bovins, de 228 euros à 600 euros et, pour les ovins, de 45 euros à 100 euros.

Monsieur Bailly, votre deuxième question, qui a également été soulevée par M. Soulage, porte sur les délais de blocage des animaux destinés à l'Italie compte tenu, d'une part, de la clause de sauvegarde que les Italiens ont activée à l'encontre de la France et, d'autre part, des délais prévus dans la réglementation communautaire entre la première vaccination et la possibilité d'exporter un animal vers l'Italie.

Vous l'avez dit, les autorités sanitaires italiennes ont, par la voie d'une ordonnance, introduit des mesures sanitaires unilatérales visant à n'accepter en provenance de France que des animaux valablement vaccinés. Concrètement, cela implique aujourd'hui un délai entre la première vaccination et un départ possible vers l'Italie, soit de 90 jours, soit de 67 jours avec la réalisation d'un test virologique.

Quelles sont les perspectives d'évolution à la suite de cette décision unilatérale ?

Vous le savez, j'ai décidé d'engager une procédure de recours en manquement vis-à-vis de l'Italie en application de l'article 227 du traité. Cette procédure, qui est rarement mise en oeuvre, prévoit une notification préalable à la Commission de notre intention d'attaquer la décision italienne devant la Cour de justice des Communautés européennes. La Commission doit rendre un avis dans un délai qui ne peut excéder trois mois.

Cette procédure est très longue. Pendant ce temps-là, les animaux sont bloqués et la désespérance s'installe.

À la suite des contacts pris à Bruxelles, j'espère néanmoins que la Commission, grâce à son pouvoir d'intermédiation et au pouvoir réglementaire que lui confère le Traité, pourra aboutir dans les toutes prochaines semaines à une solution conforme au droit communautaire.

Nous souhaitons cet accord. J'ai appelé mon homologue italien et sa collègue chargée de la sécurité sanitaire au respect du droit communautaire et à des efforts de conciliation.

Nous avons également pris contact avec la nouvelle commissaire à la santé, Mme Vassiliou, qui a pris ses fonctions il y a quelques semaines. Elle a en effet programmé une réunion du comité vétérinaire spécialisé dans les tout prochains jours. Son objectif est de redéfinir rapidement des règles harmonisées, acceptées et respectées par tous les pays membres de l'Union européenne.

Vous m'interrogez par ailleurs sur la réalisation de l'acte de vaccination et vous suggérez, pour accélérer la vaccination, qu'elle puisse être réalisée par les éleveurs, monsieur Bailly.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire au congrès des éleveurs qui s'est tenu il y a quelques semaines ainsi qu'aux producteurs laitiers : du point de vue de la loi, la vaccination des animaux est un acte vétérinaire et doit donc être réalisée par des vétérinaires. Dans le cadre des exportations en particulier, personne ne souhaite prendre le risque de voir le statut d'animal immunisé remis en question par les autorités italiennes ou par celles d'autres États. Or c'est bien le certificat vétérinaire qui atteste la validité de la vaccination.

La Commission prendra en charge 50 % de la campagne et l'État assurera le paiement direct des aides européennes aux vétérinaires.

Monsieur Biwer et Mme Bricq, vous avez évoqué le caractère facultatif de la vaccination pour le sérotype 8.

Si la vaccination pour le sérotype 1 a été rendue obligatoire, c'est, d'une part, parce que nous voulons protéger le reste du territoire et, d'autre part, parce que nous avons suffisamment de vaccins.

En revanche, si la vaccination est aujourd'hui facultative pour le sérotype 8, c'est parce que nous n'avons pas assez de doses pour la rendre obligatoire cette année. Nous allons donc cibler les animaux en production.

L'organisation de la vaccination et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles qui existent entre les vétérinaires et leurs clients. Dans un souci d'efficacité, cela permet une flexibilité qui respecte malgré tout la loi.

Monsieur Le Cam, le coût de l'épidémio-surveillance est estimé à 12 millions d'euros par an. Un cofinancement communautaire a été sollicité.

Monsieur Bailly, votre troisième question, qui a également été évoquée par M. Barraux, porte sur le plan de vaccination massive. Vous vous inquiétez de savoir si les vaccins seront disponibles et s'ils seront efficaces.

Les appels d'offres que j'ai lancés à la fin de 2007 - nous étions les premiers en Europe à le faire - nous ont permis d'être les premiers à démarrer la vaccination contre le sérotype 8. Comme vous le savez, la vaccination a déjà démarré dans les seize départements touchés depuis 2006 ainsi que pour les broutards destinés aux échanges avec l'Italie.

Un premier lot de 400 000 doses permettant de vacciner 200 000 bovins destinés aux échanges, puis un premier lot de 300 000 doses pour les petits ruminants des seize départements ont déjà été livrés.

Un nouveau lot d'environ 1, 3 million de doses est prévu pour la fin du mois de mars. Nous y sommes ! Il sera utilisé en priorité pour les ovins et caprins des seize départements, monsieur Le Cam. Une partie de ce lot, soit 150 000 doses environ, ira aux animaux destinés aux échanges.

Les livraisons s'échelonneront ensuite jusqu'au début du mois d'août, permettant de vacciner d'ici à la fin du mois d'août 15 millions de bovins et 10 millions de petits ruminants.

Mme Goulet a évoqué un événement important, le comice agricole de la commune de Goulet, en juin.

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