Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 1er mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Suite de la discussion d'une proposition de loi

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

... vous nous sortez une proposition de loi idéologique et ravageuse, dont les effets concrets seront exactement inverses de ceux que vous annoncez. Car, bien évidemment, vous allez renforcer une situation de croissance sans emploi dans laquelle, avec quatre salariés à 44 heures pour un coût majoré de 10 % à 25 %, c'est un emploi à 35 heures qui sera supprimé ou qui ne sera pas créé.

Les grandes victimes seront les salariés les plus fragiles, ceux dont la capacité à négocier est la plus faible.

Contrairement à ce que vous dites, vous allez affaiblir notre tissu de PME et de PMI, lesquelles ont davantage besoin d'être aidées à franchir le cap de la modernité du siècle qui s'ouvre qu'à revenir à 1937. Oui, je dis bien 1937, car vous revenez, par maints aspects de ce texte, à la période précédant la Seconde Guerre mondiale !

Dans votre désir de rayer d'un trait de plume ce que vous présentez comme d'abominables contraintes, vous ne vous contentez pas de dénaturer la notion même de réduction du temps de travail : vous foncez en piqué sur les congés payés, sur la place respective de la loi et de la négociation dans notre compromis social.

Vous allez même plus loin que les Anglo-Saxons en tentant d'aligner par la bande le droit du travail sur le droit commercial et sur la négociation de gré à gré. Chez vous, c'est récurrent !

Votre discours sur l'individualisation et sur ce que vous présentez comme de la liberté, vous nous l'avez servi en matière de protection sociale collective et d'assurance privée. Vous nous le servez en matière de retraite ou de parcours éducatif.

Là où il faudrait mettre de la solidarité collective, de la responsabilité individuelle, vous en appelez au « chacun pour soi » et « au sauve-qui-peut ».

Là où il faudrait renforcer le droit pour mettre de la souplesse dans la prise en compte des situations concrètes, vous restaurez la règle d'airain de l'absence de règles, la fameuse théorie « du renard libre dans le poulailler libre ».

Au fond, à quelque chose malheur est bon !

Après mars 2002, parce que nous sommes des démocrates, nous avions intériorisé non seulement les critiques justes qui étaient émises sur les conditions d'application des 35 heures pour certains salariés, mais aussi les critiques moins justifiées que vous formuliez de moins bonne foi.

Eh bien ! votre texte, sur lequel, bien évidemment, nous envisageons de revenir immédiatement et en priorité absolue en cas d'alternance, a au moins le mérite de relancer notre motivation et notre réflexion sur la nécessaire reprise du mouvement historique de réduction du temps de travail et du partage des emplois.

Contrairement à ce que vous dites, il faut reprendre ce processus non pas par vision malthusienne de l'économie, mais parce qu'il est juste pour les personnes, parce qu'il est bon pour le vivre ensemble et pour le vivre mieux, parce qu'il est nécessaire pour le pays.

Si nous avions eu à redécouvrir la différence profonde entre la droite et la gauche, votre texte nous y aurait aidé. N'en doutez pas, la leçon sera retenue ! Vous avez soulevé une lourde pierre. Il serait juste qu'elle vous retombe sur le pied.

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