Intervention de André Lardeux

Réunion du 20 juin 2006 à 16h15
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit à la sécurité est un droit fondamental de toute personne humaine et l'État doit en être le garant, en particulier vis-à-vis des plus vulnérables. Or qui est plus vulnérable qu'un enfant, par nature totalement dépendant des adultes qui en ont la charge ?

C'est naturellement aux parents qu'il revient, en premier lieu, de veiller à la sécurité physique, matérielle et affective de leurs enfants et il est nécessaire de les soutenir dans cette mission. Mais, quand cette protection parentale est défaillante, les pouvoirs publics ont le devoir de prendre le relais, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Tels sont, depuis toujours, les fondements de notre politique de protection de l'enfance. Ses principes sont largement partagés, comme la concertation engagée par le Gouvernement lors de la préparation du présent projet de loi l'a encore démontré.

Cependant, les drames récents de la maltraitance, largement médiatisés, et les informations relayées par les professionnels de terrain montrent que des failles existent, notamment en matière de repérage et de signalement des enfants en danger.

Comment comprendre qu'aujourd'hui encore certaines situations de maltraitance puissent passer inaperçues simplement parce que les indices laissés par l'enfant n'ont pas pu être recoupés ? Comment admettre que le secret professionnel, pourtant conçu comme un instrument de protection de l'individu, puisse encore se retourner contre l'enfant et faire obstacle à une intervention légitime pour le mettre à l'abri ?

Nos procédures de signalement sont en effet encore largement perfectibles. La coopération entre départements et autorité judiciaire, en particulier, demande à être renforcée : aujourd'hui, 20 % des signalements qui parviennent au juge émanent de personnes extérieures au dispositif départemental de coordination des signalements et, la plupart du temps, le président du conseil général n'en a pas connaissance.

Parmi ces signalements non transmis au département, beaucoup seront classés sans suite faute d'entrer dans les « cases » de la protection judiciaire, et beaucoup auraient nécessité un suivi social, qui ne viendra malheureusement jamais, les services sociaux n'étant pas informés de la situation.

De la rencontre avec les professionnels de terrain a également émergé le constat de la trop grande rigidité de nos modes de prise en charge. L'alternative actuelle, entre intervention à domicile et accueil de l'enfant à temps complet hors de son lieu de vie habituel, ne permet plus de répondre à la diversité des situations. S'agissant, plus particulièrement, de la protection judiciaire, elle apparaît comme un carcan puisque toute évolution, même ponctuelle, de la prise en charge suppose de repasser devant le juge.

Chacun s'accorde, enfin, à regretter la faiblesse des actions de prévention en matière de protection de l'enfance.

Les associations concourant à cette mission insistent sur la nécessité de passer d'un simple dispositif de traitement des difficultés familiales, souvent mis en oeuvre dans l'urgence, à un système fondé sur la promotion de la « bientraitance » et, par conséquent, sur le soutien à la parentalité.

La commission partage ces trois constats, établis lors de la concertation conduite par le Gouvernement pour préparer cette réforme de la protection de l'enfance.

Je tiens, d'ailleurs, à saluer la démarche que vous avez su mettre en oeuvre, monsieur le ministre : à partir de juin 2005, des débats avec les acteurs de terrain ont été organisés dans les deux tiers des départements et une douzaine de journées thématiques se sont déroulées à l'échelon national ; enfin, les 10 et 11 avril dernier, les premières assises nationales de la protection de l'enfance se sont tenues à Angers.

L'élaboration du projet de loi a également été précédée de nombreux rapports - je citerai simplement ceux de nos collègues M. Louis de Broissia, M. Philippe Nogrix et Mme Marie-Thérèse Hermange - dont les enseignements enrichissent le texte qui est soumis à notre examen.

Tirant la leçon du diagnostic établi lors de cette concertation, le projet de loi fixe trois objectifs : rendre plus efficace le signalement, sous le pilotage des départements ; diversifier les modes d'accueil des enfants afin de s'adapter à leurs besoins ; enfin, promouvoir une prévention précoce dans le domaine de la protection de l'enfance.

La commission approuve ces trois objectifs et estime que les mesures proposées dans le projet de loi permettent d'y répondre efficacement.

La création, dans chaque département, d'une cellule opérationnelle chargée de centraliser les informations préoccupantes transmises par les professionnels de la protection de l'enfance lui semble être un élément essentiel d'amélioration du repérage des mineurs en danger.

Elle permettra d'assurer la visibilité du dispositif départemental de signalement et constituera ainsi une structure de référence facilement identifiable pour le grand public. Elle devrait également autoriser les procédures de recoupement des signaux de maltraitance nécessaires pour mieux repérer les enfants en danger et favoriser le travail d'analyse de la situation, afin d'orienter l'enfant vers la prise en charge la plus adaptée.

Notre commission approuve l'ensemble des dispositions qui permettent d'assurer l'exhaustivité de l'information du président du conseil général sur les signalements.

Puisque les professionnels n'ont pas su acquérir seuls le réflexe d'informer le département quand ils saisissent directement la justice, la loi les y oblige désormais. C'est une bonne chose.

Cependant, le projet de loi ne va pas au bout de cette logique, et c'est regrettable. La commission estime ainsi indispensable que le département soit systématiquement informé de l'ensemble des saisines directes du juge, y compris lorsqu'elles viennent de particuliers.

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