Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs affaires concernant des enfants dont la situation de danger n'avait pas été décelée ont défrayé la chronique ces derniers temps. Elles ont mis en relief les lacunes de notre dispositif de protection de l'enfance et ont permis, comme l'a très justement souligné M. le rapporteur, de prendre conscience de la nécessité de réformer le système. De nombreux rapports ont ainsi été élaborés, tendant à proposer des solutions possibles, mais surtout indispensables.
Je tiens également à souligner le rôle important que joue, depuis six ans, le Défenseur des enfants, aussi bien dans les situations individuelles que dans les problématiques collectives. Cette institution mériterait peut-être de se voir confier des pouvoirs plus importants dans le domaine de la protection de l'enfance.
Monsieur le ministre, vous avez pris à bras-le-corps ce dossier majeur. Vous nous soumettez aujourd'hui le texte portant réforme de la protection de l'enfance, que vous avez élaboré dans la concertation la plus large possible. On ne pourra pas vous reprocher d'avoir négligé de consulter vos partenaires, les élus et les professionnels.
Monsieur le rapporteur, je tiens également à saluer le travail remarquable que vous avez effectué. Les amendements que vous présenterez au nom de la commission des affaires sociales respectent l'équilibre du projet de loi, tout en l'améliorant sur certains points.
C'est dans cette optique que mon collègue Alain Milon et moi-même défendrons quelques amendements. Il est indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi, qu'un nouveau critère d'appréciation de la situation de l'enfant sera inscrit dans le code de l'action sociale et des familles, celui de son développement physique et intellectuel. Il nous semble important de rappeler ce critère à l'article 375 du code civil et de viser également le développement affectif et social de l'enfant.
En outre, nous proposerons des modifications tendant à renforcer la prise en compte de l'intérêt de l'enfant. Nous demandons, notamment, que l'anonymat du lieu d'accueil de l'enfant puisse être décidé par le juge.
Il y a peu, j'ai invité les membres de la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes à venir à Dunkerque, afin de visiter des centres d'accueil pour mères célibataires. Les directeurs de ces centres nous ont fait part de la difficulté de gérer les situations créées par des conjoints violents qui viennent, jusque dans les établissements, menacer femmes et enfants. Ils ont beaucoup insisté sur la nécessité, dans certains cas, de taire le lieu d'hébergement. C'est là une mesure sage, qui peut s'appliquer à l'hébergement des enfants en danger.
Cela étant, je pense sincèrement que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui va dans la bonne direction. Il met, ce qui est très important, l'enfant au centre du dispositif : c'est toujours son intérêt qui est pris en considération, et l'accent a été mis sur la prévention.
La prévention a pour finalité de venir en aide aux enfants et à leur famille. Le texte instaure cette démarche préventive de manière précoce, avant même la naissance de l'enfant, et c'est une très bonne chose.
Une femme enceinte, une future maman a souvent besoin d'écoute et de conseils. Elle a parfois besoin de prendre conscience qu'une nouvelle responsabilité va bientôt peser sur ses épaules. Il faudra qu'elle prenne soin de son enfant, et ce même si elle connaît de graves difficultés sociales, économiques, sentimentales ou affectives. Être parent, cela s'apprend, cela se prépare. Il faut être sûr de soi, avoir assez de confiance en soi pour toujours faire preuve d'autorité, mais aussi d'affection.
Quelle que soit la situation familiale, l'enfant aime ses parents et a besoin d'eux. C'est pourquoi le projet de loi privilégie le maintien de l'enfant au sein de son foyer. Bien évidemment, lorsque cela n'est pas possible, il prévoit de permettre au procureur de la République de fixer les modalités du droit de correspondance, de visite et d'hébergement pour les parents.
Toutefois, si le lien avec les parents est primordial, celui avec les frères et soeurs n'est pas moins important. J'insiste donc sur la nécessité de ne jamais faire voler en éclats les fratries par une séparation trop brutale. Si l'enfant est placé hors de sa famille, le lieu d'accueil doit permettre le maintien des liens entre les frères et soeurs.
Je souhaiterais également aborder le problème du partage des informations entre les acteurs de la protection de l'enfance. J'ai moi-même été assistante sociale pendant de nombreuses années, et je continue à rencontrer régulièrement des travailleurs sociaux. Je constate avec regret que la situation n'a pas évolué depuis très longtemps. Les familles rencontrent de multiples intervenants : le département, la caisse d'allocations familiales, le centre communal d'action sociale, l'éducation nationale, la protection judiciaire de la jeunesse, le médecin généraliste, parfois l'hôpital, et j'en passe... Chacun d'entre eux connaît des bribes de l'histoire familiale, mais ils n'échangent jamais leurs informations ou leurs impressions, et ils ne mènent pas d'actions en commun.
À cet égard, je salue l'initiative du Gouvernement d'autoriser le partage des informations couvertes par le secret professionnel, sous certaines conditions. Cependant, il appartient aussi aux travailleurs sociaux, aux assistants maternels, aux professeurs, aux élus locaux de prendre conscience de l'intérêt de travailler en bonne entente, dans le respect de la vie privée de la famille et, surtout, dans l'intérêt de l'enfant. Je pense que la formation initiale et continue des professionnels doit être fondée, en partie au moins, sur un socle commun. Chacun doit avoir une bonne connaissance du rôle de l'autre.
Bien évidemment, je ne puis qu'approuver la création d'une cellule départementale de recueil des informations. Cette mutualisation est indispensable. En toute logique, les professionnels seront tenus informés, en retour, des suites données à leurs actions.
Comme nombre des membres de cette assemblée, je suis maire d'une commune. Je connais la situation familiale de certains de mes concitoyens, parce qu'ils viennent se confier à moi et me demandent des conseils. Confrontés à la multiplicité des acteurs et au dédale des organigrammes administratifs, ils cherchent le soutien d'une personne de confiance, et le maire peut parfaitement jouer ce rôle. Toutefois, si l'élu accepte de signaler les familles en difficulté afin de leur venir en aide, il est bien normal qu'il soit tenu informé des solutions qui ont été apportées.
En conclusion, je souhaiterais aborder le thème qui nous préoccupe tous, celui des moyens financiers.
Le projet de loi réformant la protection de l'enfance est ambitieux, et je ne peux qu'approuver les dispositions qu'il contient. Je souhaite simplement que tout soit mis en oeuvre pour permettre un travail efficace de l'ensemble des travailleurs sociaux. Cela étant, ayant écouté avec attention votre intervention, monsieur le ministre, j'ai compris que le financement était prévu !