Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 20 juin 2006 à 16h15
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Pour autant, le système reste perfectible, les défaillances des mécanismes de repérage sont réelles, les affaires récentes et le nombre toujours important d'enfants en souffrance en attestent malheureusement.

Parallèlement, le seuil d'intolérance de notre société à ces situations s'est élevé, et cela va dans le bon sens.

En effet, l'évolution du monde actuel et la diversification des modèles de représentation de la famille ont entraîné une nouvelle perception des rapports entre parents, enfants et professionnels.

Désormais, la priorité est la valorisation des compétences parentales, dont l'exercice doit être soutenu. L'approche doit prendre en compte l'enfant dans la globalité de son environnement et rechercher, dans la mesure du possible, l'adhésion des parents.

Bien que différents et complémentaires, les très nombreux rapports rédigés depuis plusieurs années affirment une même exigence : c'est très en amont d'une situation de crise ouverte qu'il est indispensable de donner aux parents des repères, des appuis et des outils pour qu'ils puissent exercer leurs missions librement et avec toute leur responsabilité.

Depuis les lois de décentralisation, ce sont les départements qui sont chargés de la politique de la protection de l'enfance. Cette décentralisation a été une réussite. En quinze ans, le budget a été multiplié par deux, pour atteindre 5 milliards d'euros en 2005, alors que le nombre d'enfants confiés a reculé. Corrélativement, les inégalités entre les départements ont même eu tendance à diminuer.

Pour autant, d'après les statistiques de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, les départements ont reçu, en 2004, environ 84 000 signalements d'enfants en danger et le taux de judiciarisation est en croissance constante. Il est donc apparu nécessaire de proposer une clarification des compétences des différents intervenants.

Après plusieurs mois de débats, le projet de loi sur la protection de l'enfance a été déposé au Sénat le 5 mai dernier. Très attendu par les professionnels, par les familles et par les élus, ce texte, qui fait l'objet d'un consensus, établit un dispositif en trois points : renforcer la prévention, en multipliant les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels ; organiser le signalement, afin qu'il soit utile et pertinent ; diversifier les modes de prise en charge, pour que les enfants bénéficient de la solution la plus adaptée à leur situation.

Le président du conseil général est confirmé chef de file, avec la réaffirmation des missions déjà dévolues par la loi de 1989 que je viens d'évoquer.

Ce projet de loi semble équilibré. C'est désormais au président du conseil général qu'est confié le recueil des informations préoccupantes qui seront évaluées et traitées au sein des cellules opérationnelles. La cellule départementale de recueil des signalements aura l'avantage de constituer un lieu facilement identifiable pour tous les intervenants susceptibles de signaler une situation de danger.

Le regroupement des informations devrait permettre, pour une même situation, d'améliorer l'évaluation de la prise de décision et du suivi de l'enfant. Il faut, en effet, éviter que ne perdurent des situations encore trop fréquentes dans lesquelles des signalements effectués directement à l'autorité judiciaire, classés sans suite pour des raisons de procédure, ne font l'objet d'aucun retour vers les services de l'Aide sociale à l'enfance, l'ASE, obérant ainsi toute possibilité d'intervention sociale auprès des familles concernées.

Les compétences judiciaire et administrative ne s'opposent pas, mais se complètent. Cependant, je regrette que le projet de loi n'ait pas maintenu les trois possibilités de saisine de l'autorité judiciaire, telles qu'elles étaient prévues dans l'avant-projet.

Dans la version que vous nous présentez, il ne reste plus que deux critères : lorsque l'enfant est en danger et que les réponses mises en place par le département sont insuffisantes, lorsqu'il y a impossibilité d'évaluer la situation, ou refus de collaboration manifeste de la part de la famille.

Mais nous aurons l'occasion de revenir de façon plus précise, au cours de la discussion, sur l'ensemble du dispositif. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais m'attarder quelques instants sur les interrogations, les craintes suscitées par votre projet de loi et, plus globalement, par la politique du Gouvernement dans ce domaine.

Mes observations se concentreront sur quatre points : l'absence d'orientation sur la famille, les manques de ce projet de loi, les aspects financiers et le télescopage de deux textes antinomiques.

Vous-même, monsieur le ministre, en prenant toutes les précautions afin de parer aux éventuelles remarques sur le manque d'envergure de ce texte, avez reconnu à Angers, en avril dernier, que cette réforme était largement en deçà de ce qui était annoncé.

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