Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 20 juin 2006 à 16h15
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Comme de nombreuses familles actuelles, leurs enfants que sont les professionnels ne sont pas tous du même lit.

Quant aux pièces rapportées - éducation et santé -, elles ne sont pas du même univers social. Leurs cousines que sont les associations ne sont pas de la même lignée, mêmes si elles doivent obéir à l'autorité des parents qui les nourrissent.

En bref, c'est une famille complexe, où chacun vit à distance, enfermé dans sa maison, au nom du secret, du pouvoir qu'il détient sur les familles des petits qu'ils veulent protéger.

Alors, subsistent des enfants non protégés, maltraités, voire en danger. Nous nous interrogeons : comment comprendre ces mailles du filet, comment comprendre ces violences institutionnelles ?

Laissons parler Hervé Hamon : la circonscription observe, fait une évaluation technique assez rapide, essaie de passer à la prévention administrative qui réobserve, qui ne peut pas signer avec des parents qui ne veulent par reconnaître leur défaillance - c'est un peu l'histoire du contrat pervers - qui « refile » au judiciaire parce qu'effectivement le risque devient grand.

Comment expliquer autrement l'histoire de Pascal qui a mobilisé dix-sept intervenants et qui a effectué un parcours de huit ans avant d'arriver à l'Aide sociale à l'enfance ? Médecin de famille, directrice de l'école maternelle, médecin et infirmier de la protection maternelle et infantile, assistante sociale de secteur, psychologue du dispensaire, psychologue scolaire, éducateur de l'action éducative en milieu ouvert, l'AEMO, commandant de la gendarmerie, médecin et psychologue du centre de pédopsychiatrie, juge des enfants, et au bout de huit ans, arrivée à l'Aide sociale à l'enfance !

Des petits Pascal, toutes celles et tous ceux qui ont eu ou ont encore des responsabilités au sein des conseils généraux en connaissent beaucoup ! Ces situations inquiètent les responsables locaux comme le ministère des affaires sociales, la grand-mère du dispositif, qui continue à écrire la loi même si elle a demandé à ses filles de construire ses maisons ailleurs.

Tuteur de cette autorité, au-delà des rapports demandés, vous avez décidé, après avoir porté le diagnostic, monsieur le ministre, de poser à cette famille la même question lancinante : puisque votre mission est de les aimer pourquoi, malgré tous vos efforts, leur faites-vous mal ?

Vous y répondez en renforçant notre dispositif d'alerte et d'évaluation grâce à l'institution d'une cellule opérationnelle ayant pour mission d'assurer la visibilité du dispositif ainsi qu'une meilleure articulation entre la protection sociale et protection judiciaire de l'enfance.

Les articles 7, 8 et 10 viennent compléter ce dispositif. Ils légalisent des initiatives prises dans certains départements, notamment celle que je connais le mieux et qui a été mise en place à Paris en 1995.

Vous le savez, monsieur le ministre, j'aurais aimé que l'on aille plus loin en mettant en place la cellule opérationnelle dans tous les lieux fréquentés par les enfants. Peut-être y parviendra-t-on dans dix ans !

Toujours est-il que vous ne devez pas sous-estimer le fait que la réussite d'une telle cellule repose aussi sur les relations personnelles que tissent entre eux les différents intervenants. Dans ces conditions, l'absence de moyens humains, la mobilité de l'un des partenaires peuvent se faire ressentir cruellement, rendre le partenariat difficile, réveiller les craintes de dépossession d'un dossier administratif à l'autre.

Il vous faudra donc de la détermination pour insuffler cette nouvelle organisation, plus encore, cette nouvelle culture du savoir être et du savoir construire ensemble tant il est vrai qu'en ce domaine, comme le dit le proverbe africain, proximité des coeurs vaut mieux que proximité des cases, a fortiori quand ces cases sont administratives et impliquent des financements qui ne relèvent pas de la même compétence.

Enfin, comme tout un chacun, vous vous êtes interrogé pour savoir si notre logique institutionnelle ne conduisait pas à une prise en charge trop tardive.

Ainsi, si un certain nombre de facteurs avaient été pris en considération très en amont dans l'histoire de Pascal - les problèmes de violence dans l'enfance de son père, d'alcoolisme et d'abus sexuels de sa mère, elle-même placée en institution, l'incertitude sur la filiation de Pascal, la dépression de la mère âgée de vingt ans lors de la grossesse -, le cercle vicieux des souffrances de ce jeune garçon aurait peut-être pu en grande partie ne pas le conduire à l'Aide sociale à l'enfance. C'est donc aussi pour éviter aux 90 000 petits Pascal d'entrer dans cette déferlante que vous avez la volonté d'instiller une politique de prévention précoce.

Je veux le dire ici, il n'est pas abusif de devancer le besoin manifesté par certains parents d'être aidés à assumer leur fonction éducative. La non-intervention et l'inattention aux fragilités qui s'expriment sont dangereuses pour les enfants comme pour les parents. À cet égard, le temps de la mise au monde, le temps de l'itinéraire de la maternité sont d'une importance capitale, car ils peuvent laisser présager une vulnérabilité, réveiller une douleur méconnue, cachée et honteuse.

Selon une étude de l'INSERM, 15 % des femmes après un accouchement font non pas un baby blues, mais une véritable dépression. C'est dire qu'au confluent de plusieurs structures, le lieu et le temps de la maternité sont bien ceux qui peuvent permettre d'assurer une politique de prévention du lien parental. Tel est l'objet de l'entretien du quatrième mois et d'une plus grande collaboration entre PMI et structures hospitalières.

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