Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 5 décembre 2005 à 10h00
Loi de finances pour 2006 — Justice

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, étant déjà intervenu le 10 novembre dernier sur le budget de la justice, je me contenterai de revenir sur deux points abordés à cette occasion, à savoir les contours de la mission « Justice » et les frais de justice, avant de soulever quelques autres éléments de mon rapport.

S'agissant, tout d'abord, du périmètre de la mission « Justice », la justice administrative en est désormais sortie pour être rattachée à la mission « Conseil et contrôle des pouvoirs publics ». Ce choix a été doublement regretté par la commission des lois, d'une part, parce qu'il a été fait sans concertation avec le Parlement, d'autre part, parce que la justice administrative et la justice judiciaire constituent les deux pans d'une seule et même mission, celle de rendre la justice. Nous apprécierions véritablement que le Gouvernement réexamine la nomenclature budgétaire.

Concernant, ensuite, les frais de justice, même si le montant des crédits inscrits au budget pour 2006 paraît optimiste - M. le rapporteur spécial en a longuement parlé -, je salue l'effort fait par votre ministère, monsieur le garde des sceaux, pour maîtriser cette catégorie de dépenses, dont la forte hausse des dernières années a déjà fait l'objet de nombreux commentaires.

L'examen de la future loi de règlement, qui, dans la LOLF, prend une importance toute particulière, nous permettra de mesurer la pertinence de votre évaluation. Je tiens également à souligner que l'ensemble des magistrats que nous avons rencontrés à l'occasion de nos auditions sont parfaitement conscients de la nécessité de maîtriser ces dépenses.

Ces deux points étant rappelés, je souhaiterais évoquer l'initiative prise en 2004 de créer des bureaux d'exécution des peines, les BEX, dans plusieurs tribunaux. La commission des lois est favorable à ce que le ministère engage des expérimentations pour moderniser et rationaliser l'organisation judiciaire.

Ainsi, l'amélioration des conditions d'exécution des peines constitue une priorité légitime et je me réjouis de votre annonce en commission, monsieur le garde des sceaux, d'installer des bureaux d'exécution des peines dans tous les tribunaux de grande instance.

Après ces observations, j'en viens à quelques questions autour de deux thèmes : la gestion du personnel - spécialement le personnel des greffes - et l'aide juridictionnelle.

Monsieur le garde des sceaux, le malaise du personnel des greffes, acteur essentiel de la justice, est patent et légitime, comme vient de le rappeler M. le rapporteur spécial. Les créations d'emplois dans les greffes n'ont suivi ni l'augmentation de postes de magistrats ni l'accroissement des tâches dues à l'application des récentes lois promulguées.

Je sais, monsieur le garde des sceaux, que plusieurs centaines de personnes rejoindront les greffes au cours de l'année 2006, mais il ne s'agira en grande partie que de pourvoir à des postes déjà existants, mais à ce jour inoccupés.

Si, à la fin de 2006, les objectifs fixés par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice seront atteints à hauteur de 65 % pour les magistrats, ils ne le seront qu'à moins de 40 % pour les greffes. Aussi, monsieur le garde des sceaux, qu'entendez-vous faire pour répondre au mécontentement perceptible sur le terrain et pour assurer le rattrapage nécessaire dans l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice ?

De plus, les générations nombreuses du baby-boom vont prendre leur retraite dans les prochaines années : le nombre de fonctionnaires de la justice partant annuellement en retraite devrait ainsi « bondir » de 113 à 595 entre 2007 et 2008, puis dépasser durablement les 800 par an à partir de l'année 2010. Comment le Gouvernement prévoit-il d'anticiper cette accélération des départs à la retraite ?

Si l'on ajoute qu'il faut dix-huit mois d'école pour former un greffier et qu'un greffier débutant n'a sans doute pas immédiatement la même efficacité qu'un autre greffier expérimenté, n'est-il pas à craindre, monsieur le garde des sceaux, une baisse du niveau des recrutements ? Que comptez-vous faire pour l'éviter ?

Enfin, s'agissant de l'aide juridictionnelle, ses crédits auront désormais un caractère limitatif, ce qui constitue, en plus des préoccupations soulevées par les frais de justice, un défi supplémentaire pour le ministère.

Si les prévisions faites pour cette catégorie de dépenses soulèvent moins d'inquiétudes que l'évaluation des frais de justice - on parle de chiffres légèrement moins importants -, le dialogue sur ce sujet paraît toutefois distendu entre votre ministère et les principales organisations représentant les avocats.

Deux circulaires récentes, tendant à recentrer le bénéfice de l'aide juridictionnelle sur les justiciables les moins favorisés, ont ainsi suscité émoi et incompréhension chez les avocats. De même, certaines de leurs demandes - pourtant légitimes, semble-t-il -, telles que la rétribution de missions accomplies au titre de l'aide juridictionnelle, les débats sur la prolongation de détention ou l'assistance devant le délégué du procureur, sont restées sans réponse. Où en sont donc les discussions avec les avocats en matière d'aide juridictionnelle ?

Voilà, monsieur le garde des sceaux, les éléments que je souhaitais apporter à ce débat. Je terminerai en disant que la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Justice ».

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