Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'administration pénitentiaire reste en 2006 l'une des priorités du budget de la mission « Justice », avec une progression de 4, 5 % à structure constante.
Il y a dans cette évolution au moins quatre motifs de satisfaction.
En premier lieu, la capacité de recrutement restera élevée : 2469 nouveaux agents intégreront l'administration pénitentiaire, ce qui permettra en particulier de pourvoir aux postes vacants, trop nombreux l'an passé.
En deuxième lieu, l'effort de valorisation du statut des personnels se poursuit : après la réforme de la filière des personnels d'insertion et de probation engagée l'an passé, c'est au tour du personnel de surveillance de bénéficier de mesures statutaires destinées à leur assurer des perspectives de carrière comparables à celles de la police.
En troisième lieu, la progression des moyens de fonctionnement permettra de conforter plus particulièrement la sécurité des établissements pénitentiaires.
En quatrième lieu, l'adaptation du parc immobilier se poursuit. Au total, 5000 places de détention supplémentaires auront été créées entre le printemps 2002 et 2006.
Par ailleurs, je ferai observer que le taux de détention en France reste très inférieur à la moyenne européenne et que la population pénale, en légère diminution, s'est stabilisée à un niveau élevé. Les crédits ouverts pour l'an prochain permettront la mise en chantier de quatre établissements pour majeurs, dont un à la Réunion, et de sept établissements pour mineurs. La commission des lois s'est toutefois inquiétée, monsieur le garde des sceaux, des délais excessivement longs des travaux de construction ou de réhabilitation. Pensez-vous qu'il soit possible d'améliorer les performances dans ce domaine ?
Les moyens ainsi mis en oeuvre nous paraissent s'accorder avec les objectifs inscrits dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, dont le taux d'exécution apparaît d'ailleurs très satisfaisant puisque, après les quatre premières années, il atteint 75, 7 % pour les emplois et 77 % en matière de fonctionnement.
La commission des lois est particulièrement attentive à trois axes forts de votre politique pénitentiaire, monsieur le garde des sceaux.
Le premier de ces axes est la modernisation des méthodes de gestion avec la gestion mixte. Il est aujourd'hui possible de dresser un bilan positif de ce partenariat avec le secteur privé, partenariat qui a permis, comme nous avons pu le constater, d'améliorer les conditions de maintenance des bâtiments, mais aussi de renforcer notamment la capacité des établissements à proposer une activité professionnelle aux détenus. Il est vrai que l'un des avantages de ce mode de gestion tient aussi à la contractualisation des dotations versées par l'État aux groupements privés, protection très efficace contre les régulations budgétaires.
Il est alors nécessaire de veiller à ce que les conditions de détention dans les établissements en gestion publique ne soient pas moins favorables que dans les établissements en gestion mixte.
Il serait, en outre, utile que la représentation nationale puisse disposer d'une comparaison détaillée des résultats respectifs de ces deux modes de gestion au regard de leurs contraintes respectives.
Le deuxième axe fort de la politique pénitentiaire est la volonté de préparer la réinsertion des condamnés et de lutter contre la récidive.
Cette priorité passe, en premier lieu, par le développement des aménagements de peine et par des alternatives à l'incarcération.
Parmi celles-ci, c'est le placement sous surveillance électronique qui a connu le développement le plus marquant en 2004 avec sa généralisation et une augmentation de 67 % du nombre de mesures.
Ce dispositif sera complété, à la suite de l'adoption de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, par le placement sous surveillance électronique mobile. Dans quelles conditions cette nouvelle technique sera-t-elle expérimentée et, à terme, quel coût et quels effectifs supplémentaires impliquera-t-elle ?
Un autre facteur décisif de réinsertion est le travail. Les objectifs décevants retenus dans le cadre de la LOLF n'impliquent aucune augmentation du pourcentage de détenus exerçant une activité rémunérée, alors qu'il est aujourd'hui fixé à un niveau plutôt modeste de l'ordre de 37, 2 %. Une politique plus volontariste dans ce domaine comme dans celui de la formation porterait certainement ses fruits.
Le troisième axe fort de la politique pénitentiaire est la différenciation des conditions de détention selon le profil des condamnés, qui permet de préserver, elle aussi, les chances de réinsertion des détenus. D'abord - et cela n'avait jamais été fait jusqu'à présent -, la construction d'établissements pour mineurs a été lancée, organisant la « détention autour de la salle de classe ». Ensuite, trois sites pilotes pour courtes peines ont été conçus selon un nouveau concept faisant notamment alterner encellulement individuel et vie collective.
L'expérience des centres pour peines aménagées, dont nous avons mesuré l'intérêt en visitant celui des Baumettes, mérite d'être développée, sous réserve d'un meilleur emploi du temps des détenus.
En outre, la mission Burgelin « santé-justice » a préconisé la mise en place de centres fermés de protection sociale pour les personnes atteintes de troubles mentaux et considérées comme très dangereuses. La commission des lois a d'ailleurs décidé de créer une mission d'information sur les expériences étrangères conduites dans ce domaine, mais nous souhaiterions connaître l'état de votre réflexion sur cette proposition.
De plus, l'actualité législative nous conduira à examiner dans quelques jours le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. À la suite des auditions organisées sur ce texte, nous avons été alertés sur les risques de prosélytisme des condamnés dans des affaires de terrorisme vis-à-vis des autres détenus. Ainsi, malgré l'incarcération de leurs membres, certains réseaux semblent se maintenir, voire prospérer. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le garde des sceaux, quelles mesures vous envisagez de prendre pour conjurer ce phénomène.
Au-delà des perspectives ouvertes par le projet de loi de finances pour 2006, notre regard se porte sur l'horizon 2007-2008. À cette date, les premiers établissements du programme de 13 200 places seront prêts d'ouvrir. Il paraît donc important d'attirer l'attention du Gouvernement - et peut-être avant tout celle du ministre délégué au budget - sur l'indispensable effort de création d'emplois qui devra être engagé dans le prochain projet de loi de finances afin de répondre à l'augmentation des capacités de détention.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».