Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de budget pour 2006, qui marquera la quatrième année de mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, traduit l'effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les crédits progressent à périmètre constant de 3, 04 %.
Ce budget traduit une forte préférence accordée à l'action « Mineurs délinquants », au détriment de l'action « Mineurs en danger et jeunes majeurs ». En effet, les crédits de l'action consacrée aux mineurs délinquants représentent près de la moitié des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » et augmentent de 38 %, alors même que cette catégorie de mineurs ne représente que 18 % des mineurs pris en charge.
Or il semblerait que les auteurs des récentes violences urbaines aient été en majorité des mineurs inconnus de la justice pénale, mais en proie à de grandes difficultés. Dès lors se pose la question de la pertinence de ce choix.
Monsieur le garde des sceaux, la commission des lois, notamment par la voix de Rober Badinter, a souhaité que vous nous précisiez l'âge, le sexe, la nationalité et le passé judiciaire des jeunes qui ont été présentés devant la justice.
En outre, le budget alloué au secteur associatif habilité, principal acteur de la prise en charge des mineurs en danger, paraît manifestement sous-évalué, alors même que l'insuffisance des budgets précédents a entraîné, comme l'a rappelé M. le rapporteur spécial, la suspension des paiements aux associations dès le mois d'août dans un certain nombre de régions.
Comment gérer cette situation, alors que ces crédits seront désormais limitatifs ?
Le rapport d'évaluation des premiers centres éducatifs fermés fait état de résultats encourageants, ces centres ayant visiblement trouvé leur place au sein du dispositif de la protection judiciaire de la jeunesse et constituant, grâce à une éducation contrainte renforcée et individualisée, une réponse pour les mineurs les plus en difficulté.
Au 22 novembre 2005, on comptait seize centres éducatifs fermés, ou CEF, dont deux publics, offrant une capacité de 154 places. Près de 120 nouvelles places devraient être créées en 2006 et 144 en 2007.
Néanmoins, le rapport souligne que ces centres, destinés à des mineurs multiréitérants, ne doivent pas être utilisés comme des centres de placement d'urgence. Or il m'a été indiqué, lors de mon déplacement au centre éducatif de Saint-Denis-le-Thiboult, que celui-ci avait été sollicité pour accueillir des jeunes interpellés lors des récentes violences urbaines, alors même que ces derniers n'avaient pas d'antécédents judiciaires. Pour ma part, je ne peux que regretter ce type de démarche.
En outre, si ces centres présentent un intérêt certain, ils ne peuvent résoudre, à eux seuls, les difficultés de la protection judiciaire de la jeunesse. Ainsi, moins de 500 jeunes en ont bénéficié depuis leur mise en place en 2003, alors que plus de 30 000 mineurs délinquants ont été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.
De plus, l'investissement très important, tant financier qu'humain, qui a été déployé risque d'être annihilé par l'absence de relais à la sortie du dispositif, dénoncée par le rapport d'évaluation des centres éducatifs.
Ce même rapport relevait en effet que « les réponses à la délinquance des mineurs sont interactives : en créer de nouvelles, alors que les lacunes des autres ne sont pas traitées, ne permet pas d'améliorer la performance du système ». Il estimait en particulier que la prise en charge dans les foyers d'action éducative et les centres de placement immédiat continuait d'être inadaptée à la prise en charge des mineurs délinquants.
Il préconisait de mettre en oeuvre les principes éducatifs qui régissent les prises en charge renforcées, contenantes et contraignantes, mis en évidence dans le cadre des CEF, des centres éducatifs renforcés, les CER, dans les foyers d'action éducative, les FAE, et les centres de placement immédiat, qui privilégient les modèles classiques de l'éducation spécialisée fondés sur l'adhésion, le contrat et la relation individuelle.
Je vous rappelle que la Cour des comptes qualifiait en 2003 la prise en charge des mineurs en hébergement collectif traditionnel d' « occupationnelle ».
Dès lors, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de faire évoluer les structures traditionnelles du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, dont le public se compose dorénavant à 76 % de mineurs délinquants, contre 34 % en 1992 ? La formation des éducateurs vous paraît-elle toujours adaptée ?
Nous observons par ailleurs que nombre d'indicateurs de performance s'apparentent plus à des éléments informatifs sur les moyens alloués ou l'activité des services qu'à une véritable évaluation de la performance.
La mise en place d'un panel des mineurs ayant eu affaire à la justice pourrait constituer l'indicateur le plus utile de la performance de la prise en charge des mineurs par la protection judiciaire de la jeunesse. Or ce projet n'est toujours pas opérationnel, près de dix ans après la décision de sa création. Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour parvenir à des résultats concrets sur ce point ?
Nous ne pouvons que nous féliciter des premiers résultats de l'intervention continue des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse en quartiers de mineurs, qui permet de mieux préparer la réinsertion de ces derniers. Lors de mon déplacement à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, j'ai pu constater le dévouement de ces éducateurs, qui interviennent en coordination avec un éducateur en milieu ouvert.
Pour conclure, je souhaiterais rendre hommage une nouvelle fois aux éducateurs, qui travaillent dans le silence et l'anonymat loin des médias. Plus on les connaît, plus on les apprécie ! Nous ne mesurons pas assez l'abnégation, le courage dont ils font preuve, ainsi que les efforts qu'ils fournissent pour s'efforcer de régler des problèmes difficiles Il y a encore dans notre pays - et c'est fort heureux - des personnes courageuses ; elles méritent d'être encouragées.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite à adopter les crédits du programme «Protection judiciaire de la jeunesse ».