Intervention de Pascal Clément

Réunion du 5 décembre 2005 à 10h00
Loi de finances pour 2006 — Justice

Pascal Clément, garde des sceaux :

À l'avenir, ces pratiques de régulation non anticipée ne devraient plus perdurer, puisque le taux de crédits mis en réserve à titre de précaution vous est présenté dans les documents annexes du projet de loi de finances. En d'autres termes, c'est ce que je viens de dire à M. Jean-Pierre Sueur.

S'agissant des crédits du secteur associatif de la PJJ, je tiens à indiquer à M. Alfonsi que le dégel de crédits obtenu à la mi-novembre a permis d'honorer la plupart des factures reçues. En liaison étroite avec le ministre du budget, nous examinons les solutions pour honorer les engagements de l'État.

Je souhaite également préciser à M. Alfonsi que l'intensification de l'action de la PJJ au profit des mineurs délinquants ne se fait pas au détriment de la prise en charge des mineurs en danger, puisque les crédits qui leur sont destinés augmenteront de plus de 2 millions d'euros en 2006.

À M. Jean-Pierre Sueur, je tiens à préciser que seuls les crédits destinés aux jeunes majeurs - ils sont maintenant pris en charge, je le rappelle, par les départements - sont en diminution. Toutes les autres dotations de la PJJ sont soit maintenues, soit en augmentation.

Monsieur Serge Dassault, le Gouvernement réfléchit actuellement à la manière de mieux associer les maires à la lutte contre la délinquance. La tendance est effectivement à une association plus grande qu'aujourd'hui.

S'agissant de la responsabilité des parents, je vous renvoie au contrat de responsabilité parentale que le Premier ministre souhaite mettre en place rapidement et qui devrait mieux responsabiliser les parents d'enfants délinquants.

Enfin, je tiens à vous rappeler que les effectifs du parquet d'Évry ont augmenté de 26 % depuis 2002, avec cinq nouveaux postes de magistrats. Mais, bien entendu, je reste particulièrement attentif à l'évolution de la situation de ce TGI important.

Ne perdons cependant pas de vue l'objectif de l'évaluation instaurée par la LOLF. C'est bel et bien la mesure de la performance qui est en ligne de mire.

Cette mesure repose sur un ensemble d'objectifs et d'indicateurs. Je rejoins tout à fait M. le rapporteur spécial pour considérer que certains indicateurs doivent être affinés, voire modifiés. Forts de vos remarques, nous nous y emploierons pour faire en sorte qu'ils constituent une base objective d'échange entre le Parlement et le ministère.

Pour vous montrer comment j'ai souhaité la concrétisation de cette exigence, je prendrai l'exemple d'indicateurs du programme « Justice judiciaire ».

Le premier objectif de ce programme s'intitule « Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile ». Très concrètement, les affaires de divorce jugées devant les tribunaux de grande instance durent en moyenne onze mois aujourd'hui et ne devront pas dépasser six mois en 2007. De même, la durée de traitement des affaires devant les tribunaux d'instance, actuellement de quatre mois et demi, ne devra pas dépasser trois mois en 2007.

Madame Troendle, vous pouvez constater que nous avons placé la barre suffisamment haut pour que les justiciables voient leur situation s'améliorer sensiblement. À plusieurs reprises, j'ai indiqué aux magistrats et aux fonctionnaires de justice l'importance de ces indicateurs. Ils sont mobilisés pour y répondre.

S'agissant des personnels des greffes, j'ai constaté comme vous, monsieur Détraigne, que, dans un certain nombre de juridictions, ils vivaient une année 2005 difficile. Je profite de l'occasion que vous me donnez pour leur rendre hommage et les remercier très sincèrement du travail effectué quotidiennement aux côtés des magistrats. Je suis pleinement conscient de leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la Justice, et c'est pourquoi je m'attacherai à ce que, dans la mesure du possible, il puisse être répondu à leurs attentes.

Je puis vous assurer qu'une amélioration de la situation sera perceptible dans les juridictions dès les premiers mois de 2006. En effet, ce sont plus de 650 greffiers en chef, greffiers et adjoints administratifs qui seront affectés au cours du premier semestre de l'année 2006. Et, dès le second semestre, il est prévu de pourvoir plus de 150 postes supplémentaires d'agents de catégorie C. Voilà qui permettra, j'en suis persuadé, d'apaiser le malaise dont vous faites état et qui, je le sais, est fondé.

Je vous indique que, grâce à ces recrutements, le taux de vacance des postes de greffiers passera de 6 % en 2005 à près de 2 % en 2006. Nous poursuivons, bien sûr, cet effort de recrutement, mais j'attire votre attention sur le fait que, cette année, l'effort est vraiment massif.

Je rappelle enfin qu'il est prévu une revalorisation de 1 % de leurs primes, ainsi que des mesures de repyramidage, notamment dans les services administratifs régionaux, les SAR, appelés à mettre en oeuvre les nouvelles dispositions de la LOLF.

S'agissant de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la LOPJ, croyez-moi, monsieur du Luart, je pèserai de tout mon poids pour que, dans le budget pour 2007, les greffes puissent bénéficier d'une dotation en emplois conforme aux engagements.

Ma démarche sera d'ailleurs identique pour la PJJ et l'administration pénitentiaire qui, comme l'a rappelé M Goujon, devra recruter dès 2007 les agents nécessaires à l'ouverture des établissements livrés en 2008.

Je tiens à souligner que, de manière générale, cet investissement en ressources humaines est l'un des plus importants jamais atteints.

En effet, l'autorisation budgétaire de recrutement d'agents de la justice est largement supérieure au nombre de personnes effectivement employées. Ces postes vacants nous permettront d'affecter des personnels sur de nouvelles missions prioritaires à l'occasion du redéploiement des effectifs.

Ce qui compte pour les juridictions et les justiciables, c'est le nombre de magistrats et d'agents publics réellement présents sur le terrain.

Bien évidemment, les perspectives de départs en retraite massifs nécessitent, comme M. Détraigne l'a souligné, de prendre des mesures particulières. En ce qui concerne le ministère de la justice, l'accélération des départs, compte tenu de notre courbe démographique, commence à partir de 2008 et devient forte à partir de 2010.

Pour y répondre, nous avons engagé trois types d'actions.

La première action est de faire connaître les métiers de la justice et de les rendre attractifs. Les campagnes d'information et de recrutement nous permettent de maintenir un fort vivier de candidats, en espérant que la mixité soit assurée.

Le deuxième type d'action consiste à maintenir au-delà de 2007 la capacité d'accueil des écoles de formation du ministère, qui a été accrue pour répondre à l'augmentation des effectifs décidée dans le cadre de la loi de programmation.

Enfin, troisième et dernier type d'action, nous encourageons la diversité des recrutements, et chaque direction met en oeuvre des programmes de formation continue tout au long de la carrière.

Cette exigence de performance implique également de moderniser nos juridictions. Près de 160 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront destinés à la construction de nouveaux bâtiments judiciaires et 5, 6 millions d'euros seront affectés à la poursuite du déploiement de l'informatique déconcentrée et à la visioconférence.

La justice ne doit pas se contenter d'être réactive dans ses procédures de jugement ; elle se doit de protéger les victimes et de leur garantir une prise en charge concrète. C'est pourquoi le budget de l'aide aux victimes connaît une très forte progression de 12%, à hauteur de 9, 2 millions d'euros en 2006.

Ces fonds contribueront à développer l'efficacité des dispositifs permettant la défense et l'indemnisation des victimes.

S'agissant des tutelles évoquées par le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, je souhaiterais préciser que l'exercice de la fonction de juge des tutelles équivaut à environ 90 équivalents temps plein. Ce chiffre, nous le savons, est insuffisant compte tenu du nombre de mesures et de l'évolution démographique de la France. Mais la réponse au problème de la tutelle ne passe pas seulement par l'augmentation du nombre de juges ; elle passe aussi, comme vous l'avez dit, par une réforme en profondeur destinée à réorienter vers d'autres dispositifs les personnes qui font aujourd'hui l'objet d'une mesure de tutelle à défaut d'un autre dispositif de protection adapté.

C'est la raison pour laquelle le projet de réforme des tutelles préparé par le Gouvernement prévoit des mesures d'aide sociale et d'accompagnement budgétaire qui seront mises en oeuvre par les conseils généraux.

Le projet de loi est actuellement soumis à la concertation avec l'Assemblée des départements de France. La question en débat n'est pas principalement financière ; l'État est prêt à compenser intégralement le transfert de charges correspondant.

Toutefois, le Gouvernement n'engagera cette réforme que s'il a l'assurance que l'ensemble des autorités chargées de sa mise en oeuvre entend effectivement assumer ce bouleversement du régime de protection des personnes vulnérables, sans pour autant relever d'un régime d'incapacité judiciaire. Mais je fais confiance aux conseils généraux s'ils acceptent les propositions que nous leur faisons.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la justice a également besoin de moyens nouveaux pour améliorer son efficacité.

Très concrètement, il s'agit de mieux garantir la sécurité des Français. C'est l'engagement que prend le Gouvernement.

Garantir une plus grande sécurité, c'est faire en sorte que la réponse pénale des tribunaux soit plus systématique. Le taux de réponse pénale s'élevait à 73 % en 2003. Les efforts du Gouvernement ont permis sa progression à 75 % cette année. Il faut, bien sûr, encore l'améliorer.

Comme Mme Muguette Dini, je souhaite que ces réponses soient mises à exécution plus rapidement. Notre objectif est de réduire les délais d'exécution de 10 % à 15 % d'ici à 2007.

Pour tenir ces indicateurs, je souhaite développer les bureaux de l'exécution des peines et des grâces. Je remercie M. Détraigne d'avoir salué cette initiative. Ces bureaux ont pour objet de rationaliser et d'accélérer l'exécution des peines. Dans la mesure du possible, les amendes y seront payées immédiatement. Dès leur jugement, les condamnés s'y verront signifier leur peine et ses modalités d'exécution. Je souhaite que ce dispositif mis en place aujourd'hui à titre expérimental dans huit juridictions soit généralisé d'ici à 2007.

À la suite du rapport de M. le député Jean-Luc Warsmann, le Gouvernement a souhaité renforcer les moyens affectés à l'exécution des peines. J'indique à M. le président de la commission des lois qu'une somme de 29, 5 millions d'euros a été ajoutée au projet de loi de finances initial, ce qui permettra notamment de raccourcir les délais de paiement et d'augmenter le taux global de recouvrement des amendes pénales.

Mais garantir la sécurité des Français, c'est également donner les moyens adéquats à l'administration pénitentiaire. Près de 35 millions d'euros supplémentaires seront ainsi affectés à la modernisation des établissements et à la politique d'aménagement des peines, notamment pour augmenter le nombre de placements sous bracelet électronique.

Je vous précise également, monsieur Goujon, que l'expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile sera menée sur deux sites dès 2006. Elle sera conduite par une équipe de projet au sein de l'administration pénitentiaire, qui travaillera en étroite relation avec les autres services intéressés du ministère de la justice, du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministère de la santé et des solidarités. Cette action sera financée à budget constant en 2006.

Les nouveaux moyens d'exécution des peines, pour indispensables qu'ils soient, ne sauraient suffire à eux seuls.

La nation a entrepris des efforts considérables pour ses prisons. Ils sont d'ailleurs d'autant plus considérables que l'on avait trop attendu pour le faire. M. le rapporteur spécial et M. Goujon ont parfaitement rappelé que ce dossier constituait aujourd'hui une priorité.

Permettez-moi de vous indiquer, monsieur Yung, que seuls les gouvernements appartenant à l'actuelle majorité parlementaire ont réalisé des efforts sans précédent pour moderniser le parc pénitentiaire.

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