Ayant écouté la brève intervention de Jean-Jacques Hyest, je me dois de dire que l’on ne peut écarter d’un revers de main une partie de son argumentation.
Il est vrai qu’un certain nombre de prises de parole du Président de la République sont strictement inhérentes à sa fonction, par exemple, lorsqu’elles ont lieu au titre de la représentation internationale, dans le cadre de cérémonies patriotiques ou de commémorations. Il ne viendrait à l’idée de personne dans cette enceinte de mettre en cause ces interventions où le Président de la République dépasse de très loin son appartenance politique et représente la Nation.
En revanche, ce n’est une découverte pour personne, nous assistons à une modification considérable de la pratique de la fonction.
Si nous posons le problème, uniquement d’ailleurs en termes de temps de parole – nous n’avons pas eu la cruauté de le faire en temps d’image –, c’est parce qu’il existe, nous ne l’inventons pas !
Le problème est même tellement patent que le comité Balladur, que nous n’avons pas contribué à installer- nous étions plutôt partisans de confier au Parlement la préparation de la réforme de la Constitution -, a lui-même signalé ce problème, à l’unanimité.
Si l’on peut suivre l’argumentation du président de la commission des lois sur un certain nombre d’éléments, madame le garde des sceaux, la réponse du Gouvernement est, comme souvent, une non-réponse.
Vous nous dites que cet amendement n’est pas constitutionnel. Mais il revient au pouvoir constituant de réviser la Constitution. Il n’est pas là pour appliquer une quelconque jurisprudence, comme vous avez trop souvent tendance à le faire. Il est là pour dire ce que veut le peuple souverain par l’intermédiaire de ses représentants, et il n’y a pas de limite à ce pouvoir.
Vous nous renvoyez à la loi, au motif que ce point peut effectivement y figurer.
Mais on voit bien que, en ce qui concerne le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’on touche au ridicule, au grotesque, quand on sait que le CSA s’attache, à certaines périodes, à comptabiliser les interventions à la seconde près, pour laisser le reste du temps une totale liberté, et nous connaissons l’ampleur des dérives auxquelles cela donne lieu !
Si vous renvoyez à la loi, donnez-nous au moins des principes, des indications sur ce que vous voulez y mettre ! Mais, au cours de ce débat de révision constitutionnelle, à chaque fois que vous renvoyez à la loi, vous faites un renvoi muet. « Ce sera dans la loi », dites-vous. C’est un peu comme si vous aviez honte de ce que vous y inscrirez, comme s’il ne fallait surtout pas le dévoiler, soulever, même subrepticement, la page du dossier, pour nous permettre d’entrevoir son contenu.
Nous avons le sentiment que vous êtes en train d’appliquer le « secret défense » à vos projets de loi constitutionnelle.
Nous sommes donc contraints de continuer à vous questionner, non pas pour obtenir des réponses, puisque vous ne voulez pas répondre, mais pour rendre patent votre refus du dialogue, tout en nous montrant courtois les uns envers les autres.
Depuis hier, nous nous heurtons à une fin de non-recevoir, alors que nous voulions débattre.
Vous pouvez persister, tout au long de ce débat, dans cette attitude de fermeture, d’affirmation d’une position majoritaire – nous avons comme l’intuition que nos amendements ne seront peut-être pas tous adoptés –, mais ce n’est pas ce à quoi nous vous avons appelée.