Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 3 mai 2006 à 21h30
Engagement national pour le logement — Vote sur l'ensemble

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Malheureusement, même si plusieurs orientations du rapport ont reçu une application concrète dans le projet de loi, les avancées n'ont pas été aussi loin que nous l'aurions souhaité.

Nous ne récusons pas le fait que, en première comme en deuxième lecture, il y ait eu des avancées et des améliorations d'origine parlementaire plutôt heureuses. Celles-ci vont dans le bon sens, même si nous regrettons que certaines d'entre elles soient en demi-teinte.

J'illustrerai ce constat en rappelant que, si nous avons obtenu une avancée quant à la compensation des pertes de recettes subies par les communes et les EPCI du fait de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements sociaux, celle-ci n'est malheureusement que temporaire et ne concerne que les logements à venir.

Je pense également à la décote qui nous a été promise sur les cessions de terrains publics pour construire du logement social, dont nous aurions souhaité qu'elle soit plus élevée.

Je pense en outre à la TVA à 5, 5 % sur les réseaux de chaleur. Cette mesure touche un grand nombre de ménages modestes, mais elle ne sera appliquée qu'à la seule part relative à l'abonnement et à quelques réseaux de chaleur, alors qu'il n'aurait pas été beaucoup plus coûteux de l'étendre à la fourniture de tous les réseaux.

Je pense enfin au dispositif de lutte contre les « déconventionnements » - nous l'avons voté -, qui constitue une avancée, mais nous l'aurions préféré assorti des niveaux de loyers et de ressources PLUS.

Il est vrai que nous avons parfois réussi, souvent après de longs débats passionnés, à convaincre la majorité sénatoriale des effets pervers d'un certain nombre de mesures qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale ou qui auraient pu l'être au Sénat, par exemple, la remise en cause du droit au maintien dans les lieux. Le groupe socialiste se félicite que son amendement de suppression du relèvement de 25 % à 35 % du plafonnement du total « loyer + surloyer » ait pu être adopté.

Je me félicite par ailleurs, tout en remerciant M. le rapporteur, M. le président de la commission des affaires économiques et M. le ministre de leur écoute, de l'adoption de l'amendement relatif à la liste des clauses abusives dans les baux d'habitation.

Nous nous réjouissons également de l'adoption de notre amendement instituant une exonération de taxe sur les plus-values pour les terrains cédés à des collectivités locales en faveur du logement social.

Enfin, nous avons réussi à remporter, cette fois-ci contre l'avis de la majorité sénatoriale, une victoire importante en supprimant l'amendement Ollier, qui remettait en cause tout à la fois le contenu et la philosophie de l'article 55.

Pour autant, permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que le compte n'y est pas, et ce pour plusieurs raisons.

Le compte n'y est pas, car de nombreuses thématiques pourtant fondamentales pour le bien-être de nos concitoyens n'ont pas été abordées. Je pense bien entendu à la question des aides personnalisées au logement, que le Gouvernement ne nous a pas permis d'aborder en deuxième lecture en « dégainant » l'article 40 de la Constitution.

Après plusieurs années de décrochage dans l'évolution des aides par rapport à la flambée des loyers observée sur tous les marchés locatifs, il aurait pourtant été indispensable de faire un geste en la matière. De même, il n'aurait pas été très compliqué de faire un pas en faveur des plus modestes en supprimant le seuil de 24 euros dit de non-versement des aides au logement. En l'occurrence, nous aurions pu répondre à une demande du Médiateur de la République.

Sur ces sujets, plus de six millions de ménages, les plus modestes de nos concitoyens, logés dans le parc public, mais aussi dans le parc privé, auront été privés de défenseurs, puisque le Gouvernement a contraint les parlementaires au silence.

Le compte n'y est pas non plus, puisque la Haute Assemblée est revenue sur l'un des principaux votes, acquis pourtant à l'unanimité en première lecture, avec la suppression de la taxe sur les cessions de terrains devenus constructibles. Comme je l'ai souligné durant le débat au nom de mon groupe, il s'agissait pourtant là d'une avancée modeste - vous l'aviez qualifiée de révolutionnaire -, mais qui était très importante d'un point de vue conceptuel. Or, si ce dispositif a été supprimé, je persiste à penser que c'est bien pour des raisons électoralistes et non pour des convictions politiques profondes. Je note d'ailleurs que certains sénateurs de la majorité ne sont venus en séance que pour voter la suppression de cette disposition introduite par voie d'amendement, montrant ainsi leur peu d'intérêt pour la question du logement en général !

Le compte n'y est toujours pas s'agissant de la réforme des dispositifs fiscaux en faveur des investissements locatifs. Alors que nous attendions un recentrage substantiel du dispositif Robien, dont les effets pervers ne sont plus désormais à démontrer tant il s'agit d'un constat bien établi, nous avons voté un simple remaniement des taux d'amortissement et la création d'un nouveau produit, qui, en fait, ne répondra en rien aux besoins en logement des plus démunis. Au surplus, ce nouvel outil fiscal pèsera lourdement sur le budget de l'État, l'obérant pour des investissements en faveur du logement pour tous.

Enfin, le compte n'y est bien entendu pas avec l'article 55 de la loi SRU. Certes, nous avons arraché la suppression de « l'amendement Ollier ». Toutefois, pour ce qui est des autres amendements votés sur ce sujet, et quelles que soient certaines avancées obtenues, comme la création d'une obligation de construction fondée sur le flux de constructions neuves, vous ne nous ôterez pas de l'idée qu'il vous est toujours plus facile d'adopter des dispositifs atténuant les obligations des communes.

Dès qu'il s'agit de renforcer les obligations de solidarité des communes disposant de peu de logements sociaux, il nous est tout de suite opposé une batterie d'arguments, qui, au final, se réduisent à un refus pur et simple de faire participer plus de communes aux efforts en faveur de la mixité sociale.

Au total, notre groupe a la conviction que notre pays, qui connaît l'une des crises du logement les plus graves de ces cinquante dernières années, et surtout nos concitoyens ne peuvent se satisfaire de ces mesures en demi-teinte.

Un véritable engagement national pour le logement aurait exigé l'adoption de mesures bien plus ambitieuses, comme nous avons essayé de vous le démontrer.

Comprenez que, dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste et apparentés votera contre le projet de loi tel qu'il a été amendé en deuxième lecture.

Je souhaite néanmoins que ce texte, s'il n'était pas substantiellement modifié par l'Assemblée nationale, notamment sur l'article 55 de la loi SRU, n'aille pas au-delà du vote qui suivra la CMP, plusieurs des avancées que j'ai notées étant constituées par des articles additionnels adoptés en deuxième lecture.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion