... la commission des lois et son président d'avoir saisi le Gouvernement de cette proposition de loi.
La première réponse à la violence réside en effet dans le droit. Notre volonté, clairement affirmée, est de renforcer par de nouvelles avancées, législatives ou réglementaires, la capacité des victimes à agir en justice.
C'est une question essentielle de dignité, de retour à soi, à l'autonomie. Car nos politiques doivent toujours, au-delà de l'assistance nécessaire, servir la liberté et la responsabilité.
Comment dès lors, au moment où s'affirme une conscience claire de son enjeu humain, social, mais aussi de son incidence en termes de santé publique, ne pas être ouvert à une initiative qui s'inscrit pleinement dans l'urgence constatée et dans une démarche gouvernementale qui s'est traduite depuis deux ans par une véritable politique : avancée législative, mise en place d'un plan en dix mesures ?
Dois-je rappeler, en effet, que le Gouvernement a intégré la démarche de l'égalité au sens où elle est devenue une dimension naturelle, oserais-je dire ordinaire, de l'action politique ? Chaque ministre est, dans sa sphère de compétences, engagé dans la mise en oeuvre concrète, dans les domaines juridiques et politiques, de ce qui nous rassemble aujourd'hui.
Je remercie le Sénat de partager cette analyse. Je salue la commission des lois, singulièrement son président, qui a, dans une approche de cohérence, retenu le socle commun de ces textes d'origine parlementaire.
Ainsi, les groupes politiques se rejoignent sur le caractère prioritaire à accorder à cette problématique et je me réjouis vivement de cette convergence d'objectifs.
Les propositions de loi synthétisées par la commission des lois constituent une ouverture législative sur laquelle le Gouvernement est prêt à s'appuyer pour poursuivre la mise en oeuvre d'une politique que nous souhaitons de plus en plus volontariste et partagée.
Jamais, sans aucun doute, les femmes n'ont été aussi proches de ce non collectif autant qu'individuel à la violence. Ce texte devrait contribuer à leur donner non seulement la volonté, mais aussi la conscience de leurs droits et la capacité à agir.
Certes, le droit ne suffit pas, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. le représentant de la délégation aux droits des femmes. Nous devons mettre en oeuvre, et nous le faisons déjà, des réseaux de solidarité nouveaux. Les associations, que je suis heureuse de saluer du haut de cette tribune, assument un rôle irremplaçable d'interface entre la société et l'humanité perdue. Mais nous devons aussi assurer la mobilisation en temps réel des moyens et des compétences qui s'imposent. Et comment, à cet égard, ne pas rappeler notre décision - j'y reviendrai tout au long de cette discussion - d'engager plus encore les différents acteurs sociaux, notamment le monde judiciaire, dans cette lutte nécessaire contre un fait de société qui frappe l'ensemble des démocraties ?
Ma décision d'accroître le budget des associations de 20 % dans le prochain budget est la traduction de la reconnaissance de l'action qu'elles mènent sur le terrain.
Comment ne pas citer aussi l'engagement des élus, des conseillers généraux et des maires, sans oublier les services déconcentrés et les délégués départementaux et régionaux à l'égalité ?
Oui, la loi est dans son rôle lorsqu'elle réprime les violences au nom du respect de la dignité humaine, au nom de ces valeurs que nous affirmons partout dans le monde, de ce « socle de droits fondamentaux » au service de cet « irréductible humain », pour reprendre l'expression de M. Boutros Boutros-Ghali. Voilà ce qui doit inspirer nos actions dans le monde comme au sein de la démocratie française.
Ce sont ces valeurs qui ont construit l'Europe, étayé les traités, inspiré le droit et la jurisprudence communautaires, fondé les valeurs et les objectifs du nouveau traité européen portant Constitution.
Ce sont également ces valeurs qui animent tous les conseil des ministres en charge de ces questions.
C'est en se fondant sur ces principes que la France, avec ses partenaires européens, singulièrement l'Espagne, se situe au premier rang de ce combat.
Elle le fait de manière progressive et déterminée. La méthode du Gouvernement est claire : poursuivre une véritable politique de lutte contre les violences en s'appuyant sur tous les leviers. Comme cela a été dit, tout est lié dans notre société : faire progresser l'égalité salariale, c'est aussi donner plus d'assurance, plus de confiance aux femmes dans notre société.
Dès ma prise de fonction, la publication des chiffres noirs du rapport du professeur Henrion m'avait engagée à lutter de manière décisive contre l'archaïsme de certains comportements.
Déjà, en 1994, la circonstance aggravante de conjoint a été appliquée à certaines infractions de violence. Plus récemment, le 26 mai 2004, la loi portant réforme du divorce a instauré la mesure d'éviction du conjoint violent, qui a inversé la triste logique de l'errance ajoutée à la souffrance. Ces deux exemples illustrent pleinement votre volonté de jouer votre rôle dans ce travail d'édification législative.
Cette réglementation est, en outre, étayée par les initiatives de divers ministères telle la publication du guide de l'action publique « La lutte contre les violences au sein du couple », élaboré par Dominique Perben, qui a permis de créer une nouvelle politique pénale dans ce domaine.
Le 24 novembre dernier, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, un palier important a été franchi avec le plan global de lutte contre les violences, qui comprend dix mesures pour l'autonomie des femmes. Ce plan a pour ambition - ambition partagée - de lever les obstacles que la révélation des faits de violences engendre, obstacles relatifs à l'hébergement, à l'accès aux soins et à la justice, aux aides matérielles, à l'emploi ou à la formation professionnelle.
C'est en apportant une réponse dans chacun de ces domaines que le plan accompagne les victimes dans leur retour à l'autonomie. J'ajoute que certaines des dispositions de vos propositions de loi figurent déjà dans le plan de lutte contre les violences.
La mise en oeuvre du plan est maintenant engagée, tant dans sa dimension réglementaire, puisque je viens de signer une première circulaire d'application, qu'au niveau législatif, puisque vous avez déjà comblé le vide juridique qui existait en matière de sexisme dans la loi sur la liberté de la presse ; il s'agit là d'un palier significatif.
La loi du 30 décembre dernier portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, renforce un contexte institutionnel déterminant.
Ces textes ont notamment permis de favoriser l'accès à la justice des associations concernées. Vous avez ainsi contribué à renforcer le droit, mais aussi la prise de conscience collective dont nous avons besoin. J'ajoute que, dans le cadre de mes fonctions, avec le Bureau de vérification de la publicité, le BVP, j'ai engagé un dialogue qui s'est traduit par un contrat permettant un renforcement de la déontologie professionnelle dans ce domaine.
Comment ne pas citer, à la tribune de la Haute Assemblée, l'initiative remarquable de Mme Gisèle Gautier, qui, lors d'un récent colloque sur la mixité, démontrait tout le poids de l'éducation dans l'apprentissage de cette culture nouvelle. Le meilleur rempart de la démocratie se trouve bien dans la présence de jeunes citoyens formés et responsables, dans le combat contre toutes les formes de stéréotypes et dans l'évolution des rôles sociaux, qui passe par l'autonomie renforcée des femmes.
Je salue à cet égard la remarquable contribution de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et de sa présidente, à l'évolution de ces questions fondamentales. La délégation a notamment préconisé que 2006 soit déclarée année de lutte contre les violences au sein des couples dans les vingt-cinq États membres de l'Union.
Je salue le rapport éminent de M. Jean-Guy Branger. La perspicacité de ses analyses et le bien-fondé de ses propositions ont permis d'approfondir et de conforter la vision du Gouvernement sur ces questions, s'agissant notamment du renforcement des dispositions pénales.
Je ne doute pas, puisque précisément nous nous situons, je l'ai déjà dit, dans un continuum législatif, que nous aurons à explorer les pistes ouvertes par ce rapport à d'autres moments. Pour ma part, je n'hésiterai pas à m'en inspirer largement.
J'en viens maintenant aux dispositions prévues dans les conclusions de la commission des lois.
Elles visent à instaurer, et c'est l'avancée principale, la qualité de conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un PACS, comme circonstance aggravante, en l'étendant aux anciens conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité.
Cette qualité entraînera une aggravation des peines pour les infractions visées par la loi comme le meurtre qui, jusqu'alors, échappait à cette aggravation. C'est là une disposition essentielle, attendue par les associations et que je préconisais dans le plan global de lutte contre les violences que j'ai proposé.
Certains agresseurs poursuivent même de leur vindicte leur ancienne compagne ou épouse. Nous aurons donc à débattre du délai pendant lequel jouera cette circonstance aggravante.
Le domicile n'échappe pas à la loi. Il doit incarner ce qu'il doit être, c'est-à-dire un espace de protection, et non pas un lieu de très grande souffrance qui concerne aussi bien, faut-il le rappeler, les femmes victimes de violences que les enfants.
C'est pourquoi il est opportun de pouvoir interdire l'accès du domicile ou de la résidence du couple au conjoint, au compagnon ou au partenaire violent tant avant le jugement, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, qu'après, dans celui d'un sursis avec mise à l'épreuve. Cette mesure complétera légitimement le dispositif de protection que constitue déjà la mesure d'éviction du conjoint violent.
Je précise à cet égard que la réflexion actuellement engagée par Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les violences intrafamiliales, complétera, le cas échéant, ce dispositif.
Dès à présent, vous le savez, le Gouvernement a exprimé son ouverture positive à l'élévation à dix-huit ans de l'âge du mariage pour les filles. Ce symbole de modernité, ajouté à l'esprit de l'action engagée, se veut à la fois en liaison directe avec une réalité sociale humaine et se situer dans le respect du droit et des conventions internationales.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, votre mobilisation est à la hauteur de l'élan que le Gouvernement donne à cette politique, qui place notre pays à l'avant-garde du combat mené.
Croyez en ma détermination sans faille pour conduire jusqu'à son terme la lutte contre les violences, qui fait progresser la cohésion sociale et prévaloir nos valeurs fondamentales d'égalité et de fraternité. Je le ferai à tous les niveaux de la société : l'éducation, l'égalité professionnelle et salariale, la mixité des emplois, la meilleure prise en compte de la diversité et de la différence comme valeur ajoutée et non comme facteur d'exclusion sont au coeur de cette problématique.
Au moment où nous réaffirmons notre vision d'un monde fondé sur plus de justice et d'humanité, au moment où des milliers de femmes victimes de violences sont entre la honte injustement ressentie et leur fierté retrouvée, le texte dont nous allons débattre, dans son objectif comme dans son élaboration, est à l'honneur du Parlement et de notre République.