Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, menée auprès de 7 000 d'entre elles âgées de vingt à cinquante-neuf ans, révèle, dramatique banalité, que près d'une femme sur dix, probablement davantage en réalité, a subi de la part de son conjoint ou de son ex-conjoint des violences sous diverses formes : psychologiques, physiques ou sexuelles.
Plus grave encore : selon le ministère de l'intérieur, six femmes meurent tous les mois des suites de telles violences. C'est même l'une des principales causes de mortalité des femmes, selon l'excellent rapport du professeur Henrion, qui révèle également que 20 % des urgences médicales sont consécutives à des violences conjugales.
A Paris, où le recueil des données est assuré de façon très précise par la préfecture de police, 3 119 faits de violences conjugales ont été recensés l'an dernier - même s'il est vrai que ce chiffre est en baisse -, dont une proportion très significative dans le nord-est parisien ; 60 % des appels nocturnes à Police secours sont liés à des actes de violence domestique ; la moitié des mains courantes, la nuit, porte sur des violences conjugales et 40 % des violences sont survenues dans des couples hors mariage ou « ex ».
Selon l'OMS, les femmes subissant des violences perdraient de une à quatre années de vie en bonne santé.
Toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les tranches d'âge sont concernées.
Bien sûr, ce n'est là que la partie visible du phénomène, tant il est évident que, pour ce type de délinquance, le « chiffre noir » est très important. D'ailleurs, le plan global de lutte contre les violences faites aux femmes, décidé par le Gouvernement sous votre égide, madame la ministre, prévoit que l'Observatoire national de la délinquance produise des statistiques sexuées et que le ministère de la santé lance une grande enquête dès la fin de cette année.
Ces violences sont particulièrement discrètes parce qu'elles se déroulent dans la sphère privée, à l'abri des regards, à tel point que les lieux publics sont beaucoup plus sûrs pour les femmes que le cadre du couple, celui-ci constituant le contexte de plus de la moitié des brutalités physiques commises contre elles.
Bien souvent, ces violences se nourrissent du manque de civisme et de l'indifférence du voisinage, peu enclin à s'impliquer quand il en a connaissance ou en perçoit les effets. Les services de police et de justice eux-mêmes, il faut bien le reconnaître, ont longtemps considéré qu'elles relevaient de la sphère privée, dans laquelle il convenait de ne pas s'immiscer.
La coïncidence de tous ces éléments conduit à faire de cette délinquance un problème social grave et récurrent, dont le traitement revêt une triple dimension : policière, sociale et judiciaire.
Le premier aspect de la lutte contre les violences conjugales, sur lequel je voudrais insister, concerne la mobilisation des services de police et de gendarmerie. Celle-ci est tout à fait essentielle tant dans l'assistance des victimes qui, spontanément, viennent se déclarer comme telles que dans la détection des cas passés sous silence.
Tel est l'objet de la circulaire du ministre de l'intérieur du 13 janvier dernier, laquelle enjoint dorénavant aux services de police d'adopter une démarche active de signalement et de mettre à profit les interventions, même pour des faits mineurs, pour signifier à l'auteur de violences conjugales un message clair, ferme et dissuasif.
Ainsi la personne qui aura manifesté des tendances violentes se verra-t-elle rappeler que, sur la base d'une qualification pénale de violences sur conjoint, elle encourt des poursuites correctionnelles susceptibles de déboucher sur des peines d'emprisonnement, démarche obligatoirement suivie dans les quarante-huit heures d'une prise de contact avec la victime afin de recueillir ses observations, qui, en l'absence d'un dépôt de plainte, seront consignées par écrit.
Tant pour aborder ces cas-là que pour assurer de bonnes conditions d'accueil des victimes dans les commissariats, la formation des fonctionnaires est déterminante ; or, le plus souvent ils n'ont pas été préparés.
Très affectées par les traumatismes subis, bon nombre de victimes qui ont fait la démarche de se rendre au commissariat ne vont pas jusqu'à déposer plainte, comme en témoigne l'importance des mains courantes, et ce, souvent, par peur des représailles ou des conséquences pour les enfants.