C'est la raison pour laquelle l'existence d'un dispositif d'aide médicosociale important, bien qu'indispensable pour la reconstruction des victimes, ne saurait occulter la nécessité d'une réponse judiciaire forte. C'est d'autant plus vrai que, chacun le sait, les directives des parquets apparaissent encore très disparates, en raison du principe de l'opportunité des poursuites, et que les sanctions des infractions de violence restent très en deçà des maxima légaux.
Aussi, marchant sur les pas des autres Etats européens, qui, pour la plupart, ont adopté ces dernières années des réformes législatives pour lutter plus efficacement contre les violences conjugales, nous débattons aujourd'hui de deux propositions de loi fort opportunes qui nous conduiront à aggraver les peines prévues pour certaines infractions dès lors qu'elles sont commises au sein d'un couple.
Reconnaissons d'abord la qualité du travail effectué par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances, dont je salue le rapporteur et la présidente, mais aussi par la commission des lois et par son rapporteur, Henri de Richemont, qui, sur un sujet si complexe et délicat, sont parvenus à formuler des propositions fortes et très attendues.
Ainsi la circonstance aggravante sera-t-elle élargie aux infractions commises au sein du couple par la personne liée à la victime par un pacte civil de solidarité, comme elle sera étendue aux faits commis par les anciens conjoints, concubins et partenaires de la victime. Cette circonstance aggravante sera également appliquée à l'infraction de meurtre.
L'interdiction de l'accès du domicile commun à l'auteur des violences dans le cadre de la libération conditionnelle et du sursis avec mise à l'épreuve complète opportunément la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.
Enfin, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaissant le viol au sein du couple sera consacrée dans la loi.
Il aurait pu paraître opportun de ne pas se limiter à cette seule infraction et, partant, de considérer que, à défaut d'être une circonstance aggravante, la qualité de conjoint, concubin ou pacsé ne saurait être retenue, a contrario, comme une cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des infractions. Mentionner seulement le viol, même si l'inscription de l'incrimination dans le code pénal est un progrès, risque de restreindre l'efficacité du dispositif, alors qu'il aurait été possible de protéger plus largement les victimes en précisant que les dispositions de l'article 4 s'appliquaient à toutes les infractions. Je tenais à insister sur ce point.
La lutte contre les violences conjugales est un combat permanent qui doit mobiliser tous les acteurs.
Tout d'abord, les victimes, présentes ou potentielles, doivent être sensibilisées au fait que la violence, même occasionnelle, même mineure, ne relève pas du cours normal d'une relation de couple. Il est essentiel que le domicile conjugal n'échappe plus à la loi et qu'il ne soit plus un lieu de non-droit.
Conscientes de cette réalité, les femmes doivent alors franchir le cap du dépôt de plainte, auquel la police et la gendarmerie doivent toujours les encourager, selon la circulaire du 13 janvier 2005 du ministère de l'intérieur. L'assistance sociale et matérielle à laquelle elles doivent accéder peut les y aider, et la question de l'hébergement des victimes est tout à fait centrale. Si toutefois elles se contentent de mains courantes, alors celles-ci devraient être jointes, me semble-t-il, aux procédures qui adviendraient ultérieurement. A cet égard, la transmission systématique des mains courantes au parquet, comme elle se pratique à Douai, par exemple, mérite sans doute d'être étendue, comme le placement en garde à vue et le défèrement systématique des mis en cause à Paris.
Enfin, policiers et magistrats seront encore plus fortement impliqués demain dans la lutte envers ce fléau de société, contre lequel de nombreux acteurs sont mobilisés, même s'ils doivent encore apprendre à mieux travailler ensemble et même si d'importants moyens doivent être mis en oeuvre, bien qu'ils demeurent insuffisamment mutualisés.
En adoptant les conclusions du rapport de la commission, qui transcendent les clivages, nous donnerons aux intervenants des moyens légaux renforcés autant qu'attendus pour mener une action, si difficile, dans un domaine où doit être absolument appliqué le principe de la « tolérance zéro », et nous inscrirons davantage notre pays dans les réalisations et perspectives tracées, sur le plan international, par l'initiative « Partenaires pour Pékin plus 10 » célébrée ce mois-ci aux Nations unies, mais aussi, sur le plan européen, par le programme communautaire DAPHNE et par le traité instituant la Constitution, puisque y figure une annexe spécifique.
En adoptant ces conclusions, qui concernent une question centrale et universelle, nous permettrons à la France de garder un rôle moteur pour assumer la vocation qui est la sienne depuis plus de deux siècles : promouvoir les droits fondamentaux de la personne humaine, surtout quand elle est la plus faible et la plus vulnérable.