Intervention de Roland Courteau

Réunion du 29 mars 2005 à 16h00
Prévention et répression des violences au sein du couple — Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Mes chers collègues, il n'est pas de semaine où la presse locale ne relate tel ou tel drame consécutif à des violences au sein des couples : ici, c'est une femme qui succombe à plusieurs coups de couteau portés par son conjoint, là, c'en est une autre qui est hospitalisée en urgence, à la suite des coups qu'elle a reçus.

L'on pourrait également évoquer d'autres violences, intrinsèquement moins graves et auxquelles la presse s'intéresse moins mais qui, par leur caractère organisé et répété, transforment la vie de celles qui en sont victimes en un enfer conjugal, en mettant leur santé et leur vie en danger. En effet, c'est souvent dans la vie de couple que les femmes subissent le plus les violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques.

Or, depuis trop longtemps, ces faits sont considérés comme des faits divers locaux, des drames privés, passionnels, voire de simples conflits conjugaux ou disputes de ménage.

Combien sont-elles, en France, à périr sous les coups de celui qui partage leur vie ? Une tous les deux jours, conformément à la statistique annoncée l'été dernier ; entre six et huit chaque mois, selon certaines études, et plus encore, selon les associations. Le problème est que, contrairement aux autres pays occidentaux, il n'y a pas, dans notre pays, de décompte de ces homicides.

Ainsi, la France n'apparaît pas dans les études internationales sur les taux des homicides conjugaux. Faut-il parler d'exception française ? Une telle situation n'est pas sans étonner dans les milieux internationaux. La Roumanie détient le record, avec plus de douze femmes tuées par million d'habitants, l'Islande fermant la marche, avec zéro tuée ; la France doit donc se situer quelque part entre les deux...

A ce propos, je ne sais plus qui disait : « L'on connaît, en France, le nombre de portables volés ou le nombre de taille-crayons produits, mais l'on ne dispose d'aucune statistique sur les meurtres conjugaux ».

Sur un plan plus général, différentes enquêtes ou études nous éclairent cependant sur ce problème des violences au sein du couple, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles.

Selon les associations, dont je salue l'action, l'on dénombrerait, chaque année, 500 000 victimes de plusieurs types de violences et 50 000 victimes de viol, la plupart ayant lieu au sein du couple.

Certes, le problème n'est pas nouveau, et j'en perçois toute l'ampleur depuis bien des années. Il est d'ailleurs difficile de l'ignorer lorsque l'on est quotidiennement, dans le cadre de mandats électifs, au contact de la population, dans les cages d'escalier ou les cours d'immeubles, et cela vaut aussi bien dans les quartiers défavorisés que dans les quartiers dits aisés. En effet, toutes les catégories sociales sont concernées par les violences au sein du couple : les jeunes femmes le sont plus que leurs aînées et les inégalités économiques, le chômage constituent des facteurs aggravants.

Il est difficile d'ignorer l'ampleur du mal quand on reçoit les personnes concernées des après-midi entières dans sa permanence, à moins de vouloir, à toute force, nier le phénomène. En fait, mes chers collègues, il est un moyen bien simple de s'accommoder d'un mal qui dérange : c'est de l'ignorer !

Le mal est ancien, disais-je ; c'est ainsi que, voilà quelques années, mon département a été l'un des premiers de France, peut-être même le premier, à créer un centre d'information des droits de la femme, ainsi qu'un foyer d'hébergement. J'étais déjà convaincu, à l'époque, que ces structures allaient nous permettre de répondre à de nombreux besoins, notamment en matière d'accompagnement des victimes ; je n'imaginais cependant pas à quel point !

Dans l'Aude, en 2004, le CEDIFF, le centre de documentation et d'information des femmes et des familles, a reçu environ 320 personnes concernées par ce problème de violence, contre 73 en 2003. Cela signifie non pas que les violences ont quadruplé, mais plutôt que les tabous commencent à tomber et que les femmes parlent plus facilement.

Il faut toutefois reconnaître que, dans certains cas, le recours à la médiation n'est pas pertinent ; notre collègue Gisèle Printz aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.

J'ai noté par ailleurs que, selon diverses enquêtes, une grande partie de ces violences - plus de la moitié en réalité - a lieu devant les enfants, quand ce n'est pas sur les enfants eux-mêmes. Voilà qui pose la question du nécessaire soutien psychologique à leur égard.

Certaines associations n'ont pas hésité à évoquer la mise en marche d'un véritable processus de fabrication de la violence, les enfants pouvant avoir tendance, dans certains cas, à reproduire ce qu'ils voient à la maison.

Mes chers collègues, jusqu'à quand notre société supportera-t-elle ces innombrables actes de violences ? A ce propos, j'ai relevé cette interrogation dans un article de presse : « Dans la France d'aujourd'hui, serait-il moins risqué de frapper sa femme que d'être cruel envers un animal ? ».

Par cette question, quelque peu provocatrice, l'auteur semblait vouloir rappeler que, dans le cadre de l'amnistie décidée après l'élection présidentielle de 2002, les condamnations pour violences conjugales ont été effacées de la liste des faits exclus du bénéfice de l'amnistie, tandis que les sévices et actes de cruauté envers les animaux y ont été ajoutés expressément : les uns ont été amnistiés, les autres pas !

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