La victime, quant à elle, fait passer son problème de l'espace privé à l'espace public ; elle dit l'indicible, ce que bien souvent chacun veut ignorer. C'est donc elle qui dérange, surtout ceux qui, prudemment, se refusent à encourir les foudres du partenaire violent.
Qu'appelle-t-on violence conjugale ? La définition donnée par l'OMS, qui reprend d'ailleurs les termes de l'Assemblée générale des Nations unies, est désormais bien connue et je n'y reviens donc pas.
Dans une interview, le professeur Roger Henrion indiquait qu'il y a violence conjugale lorsqu'un partenaire exerce à l'encontre de l'autre un comportement agressif, violent, destructeur, physiquement ou psychologiquement. La véritable violence conjugale s'exerce pendant des semaines, voire des mois ou des années.
Dans 99 % des cas, ce sont les femmes qui en sont victimes. Les faits sont là ! Certes, il y a aussi des femmes violentes, qui sont donc responsables de 1 % des situations de violences conjugales.
Comme le professeur Roger Henrion, on peut s'interroger sur l'identité des agresseurs. S'agit-il d'immatures impulsifs, de jaloux pathologiques, de psychorigides ? S'agit-il de pervers narcissiques, qui, pour leur part, n'exercent pas de violences physiques, mais utilisent une violence psychologique continuelle et destructrice, au fil des semaines et des mois ? Au demeurant, dans bien des cas, l'obligation de soins s'impose. J'y reviendrai en présentant certains de nos amendements.
Cependant, pour éviter amalgames et confusions, distinguons une bonne fois violence conjugale et conflit conjugal.
Selon le professeur Pierre Benghozi, « la violence constitue une attaque contre l'humain, elle est destructive, car elle nie l'altérité et l'intégrité de la personne. »
En revanche, dans le conflit, les membres du couple s'interpellent, il y a enjeu ; le rapport de force peut passer d'un partenaire à l'autre, ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la violence conjugale, où la domination est toujours exercée par la même personne.
Une insulte proférée ponctuellement est à mettre sur le compte d'une réaction conflictuelle. Les violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques s'inscrivent, quant à elles, dans la répétition unilatérale, car le dominant, pour exister, a besoin de dénigrer.
De même, comment qualifier l'acte qui consiste à dévaloriser systématiquement l'autre, à mettre en doute, de façon récurrente, ses capacités de mère ou d'épouse ?
Comment qualifier le fait de dénigrer l'autre, de l'humilier, de le menacer, de le rabaisser, de manière répétée, jour après jour, et même nuit après nuit, au fil des semaines, des mois et des années ? Comment qualifier le fait d'empêcher l'autre de dormir, de le réveiller régulièrement, pour l'injurier, le menacer, l'isoler de ses liens sociaux ou familiaux ?
Comment qualifier cet acharnement à détruire la personnalité de son partenaire, à le traiter comme une chose, comme sa chose ? Qui peut nier qu'il s'agit là de violences autrement plus terribles que certaines violences physiques ponctuelles ? Qui peut prétendre que le préjudice, dans ce cas de figure, serait moindre ? Convenons que cela n'a rien à voir avec le fait de dire à sa femme, trois fois de suite, « tu es moche » : ce n'est pas le même niveau d'agression.