Intervention de François Zocchetto

Réunion du 29 mars 2005 à 16h00
Prévention et répression des violences au sein du couple — Discussion des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de ces deux propositions de loi a donné lieu à des travaux importants au sein tant de la délégation aux droits des femmes que de la commission des lois, ce dont il convient de se féliciter. En effet, ils montrent l'ampleur et les particularités du phénomène des violences dans le couple, ampleur d'autant plus regrettable que les chiffres connus ne reflètent que la partie émergée de l'iceberg.

Cette prise de conscience - il s'agit sans doute là de l'aspect le plus important - permet de faire sortir les violences conjugales de la sphère privée et de les considérer comme un véritable fléau de société qui fait appel à notre responsabilité collective.

Je ne reviendrai pas sur les différentes propositions de la commission des lois, si ce n'est pour dire qu'elles reçoivent pleinement l'assentiment du groupe UC-UDF en ce qu'elles permettent d'améliorer les règles pénales en la matière.

Je me permettrai tout de même de faire une remarque, car, dès lors que l'on touche au code pénal, il convient d'être prudent.

Il nous faut éviter deux écueils.

Le premier concerne la tentation de l'escalade répressive. En effet, il ne serait pas raisonnable de céder à des effets d'annonce qui iraient à l'encontre de l'objectif qui est le nôtre. Ainsi, rien ne sert d'augmenter indéfiniment les peines prononcées par les juges - et cette remarque n'est pas propre à la matière qui nous intéresse ici - si celles-ci ne sont jamais prononcées ! Essayons plutôt de déterminer des peines qui soient applicables et qui seront appliquées.

Le second écueil a trait à la modification de l'article du code pénal sur le viol. Je fais partie de ceux qui pensaient que la définition du viol était très claire et que, en cas de mauvaise interprétation de cette dernière par nos concitoyens, il suffisait de faire oeuvre de pédagogie pour leur expliquer de quoi il s'agissait réellement. Or, si la pédagogie nous conduit aujourd'hui à récrire un alinéa du code pénal sur le viol - alinéa qui, auparavant n'était pas juridiquement nécessaire - il convient de veiller à ne pas laisser place à un raisonnement qui, lui, a contrario, conduirait à créer une irresponsabilité ou une atténuation de responsabilité pour d'autres infractions.

En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'alinéa sur le viol s'appliquera au sein du couple - ce qui est déjà le cas, puisque nulle part il n'est écrit qu'il en va autrement - que d'autres infractions qui y sont commises, au motif qu'elles ne sont pas prévues dans le code pénal, atténueraient la responsabilité, voire la rendraient nulle.

Par ailleurs, je tiens à saluer les différentes actions gouvernementales ; je pense, notamment, au lancement de la dernière campagne du ministère de la justice ainsi qu'à la diffusion d'un guide de l'action publique en matière de lutte contre les violences au sein du couple, guide particulièrement complet et qui est déjà utilisé par les professionnels de la justice, les associations d'aide aux victimes, les gendarmes et les policiers.

Dans leur ensemble, toutes ces opérations répondent au souci primordial de faire reconnaître par le plus grand nombre à la fois l'existence et la gravité du phénomène de la violence conjugale.

Je voudrais maintenant insister sur l'objet de l'un de nos amendements, d'ailleurs évoqué par de nombreux autres sénateurs : je veux parler de l'harmonisation de l'âge légal du mariage entre les hommes et les femmes.

Selon nous, une modification du code est indispensable sur ce point. Elle répond, ainsi que cela a été rappelé par l'une de nos collègues, à un double objectif, à savoir, d'une part, promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, et, d'autre part, lutter contre le mariage forcé dont sont victimes un certain nombre de jeunes femmes, notamment celles qui sont issues de l'immigration.

Le mariage forcé est bel et bien une violence subie par des femmes particulièrement vulnérables et ce n'est pas parce que les chiffres sont relativement flous sur la question que le phénomène ne constitue pas un problème de société. C'est la raison pour laquelle le législateur ne peut plus s'exonérer de sa responsabilité en la matière.

Certes, il s'agit non pas seulement de violence physique - quoi que cela soit très souvent le cas - mais d'une violence morale, psychologique, tout aussi insupportable dans la mesure où le mariage forcé porte gravement atteinte à la dignité de la femme, à ses droits et à sa liberté.

Conscient de la gravité du problème, le groupe UC-UDF, comme d'autres groupes d'ailleurs, avait déjà déposé un amendement en ce sens lors du débat sur le projet de loi relatif au divorce. Le rapporteur du texte, M. Patrice Gélard, et Mme Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, nous avaient alors assurés de leur soutien, tout en soulignant, d'une part, que le temps de la réflexion était nécessaire et, d'autre part, que cet amendement n'avait pas sa place dans le texte dont nous discutions à l'époque.

Aujourd'hui, il nous semble que les conditions sont réunies pour que soit votée cette modification législative et, à ceux qui seraient inquiets, je rappellerai, s'il en est besoin, que l'article 145 du code civil prévoit que le procureur de la République pourra toujours accorder des dispenses d'âge pour des « motifs graves », tels que la grossesse, cas le plus fréquent.

Nous avons tous ici l'espoir que cet amendement sera adopté, espoir d'ailleurs conforté au vu de l'unanimité qu'il a suscitée ces derniers jours, unanimité à laquelle s'est rallié M. le garde des sceaux lui-même.

L'occasion se présente une nouvelle fois au Sénat d'être à l'origine d'une mesure garante des libertés fondamentales, ce dont il faut, je crois, se réjouir !

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