Nous allons vers une unanimité pour relever de quinze ans à dix-huit ans l'âge du mariage pour les jeunes filles. C'est une bonne chose !
Cet amendement reprend la proposition de loi relative au mariage des mineurs, que notre groupe a déposée le 8 mars 2005.
La question de l'âge au mariage se pose d'abord en termes d'égalité des droits. En effet, la législation actuelle entretient une discrimination entre les hommes et les femmes qui n'a aucun fondement, ni juridique ni sociologique.
Il fut un temps, lointain désormais, où les jeunes femmes étaient promises, bien avant leur majorité, à une union qu'elles avaient d'ailleurs rarement souhaitée. Mais on ne peut plus, aujourd'hui, se référer à ce type de pratique, comme cela a déjà été dit.
Enfin, l'âge de la majorité a lui aussi changé, puisqu'il est fixé à dix-huit ans depuis la loi du 5 juillet 1974. Pourquoi l'âge au mariage pour les jeunes filles ne correspondrait-il pas à l'âge de la majorité, alors que c'est le cas pour les garçons ? La différence ne se justifie pas.
Relever l'âge au mariage pour les jeunes filles est donc un élément supplémentaire pour parvenir enfin à une égalité de droits entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, cela permettrait de garantir le respect des droits de l'enfant, puisque, juridiquement, on est enfant jusqu'à dix-huit ans, même si beaucoup de dispositions permettent - hélas ! -de condamner aujourd'hui à des peines d'emprisonnement des jeunes de moins de dix-huit ans.
En ce sens, une telle mesure s'inscrit dans la lutte contre les mariages forcés. Claire Brisset, défenseure des enfants, a émis ce souhait dans son dernier rapport de novembre 2004, et a d'ailleurs fait siennes les recommandations du Comité des droits de l'enfant. Celui-ci « renouvelle sa préoccupation concernant la différence d'âge auquel les garçons peuvent se marier et les filles. »
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui date de 1979, émettait déjà des préconisations en matière de droit au mariage. En effet, l'article 16 prévoit : « Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme :
« a) Le même droit de contracter mariage ;
« b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement ; ».
En France, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a émis, dès 1992, un avis sur les mariages forcés, dans lequel elle considérait que tout manquement à la protection de l'enfant en danger constitue une atteinte à l'ordre public français.
S'il est effectivement difficile de chiffrer avec précision le nombre de mariages forcés célébrés en France, il ne faut pas toutefois négliger le phénomène, qui est loin d'être marginal. Par ailleurs, les mariages forcés sont souvent le cadre de violences conjugales, ce qui rend encore plus dramatique la situation vécue par les jeunes filles.
C'est pourquoi il nous semble indispensable de relever l'âge au mariage des jeunes filles à dix-huit ans, mais aussi d'empêcher que les parents imposent une union qu'elles n'auraient pas souhaitée. C'est l'objet du deuxième paragraphe de notre amendement. En effet, certaines dispositions du code civil sont particulièrement inquiétantes au regard des droits de l'enfant. L'article 148 prévoit, par exemple, que, en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement. Si l'un des parents voulait empêcher le mariage de sa fille, il ne pourrait pas le faire actuellement.
Je tiens néanmoins à préciser que nous n'avons pas supprimé l'article 145 du code civil, qui permet au procureur de la République d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves.
Aujourd'hui, tout le monde paraît favorable à cette disposition. Les articles que nous proposons d'abroger sont à prendre en considération. C'est pourquoi je préfère la formulation de l'amendement de notre groupe à celle des autres amendements.