Intervention de Catherine Colonna

Réunion du 12 décembre 2006 à 21h30
Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, jeudi et vendredi, le Président de la République participera au Conseil européen qui clôt le semestre de la présidence finlandaise. Avec Philippe Douste-Blazy, je l'y accompagnerai. Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, je suis heureuse de venir aujourd'hui débattre avec vous des enjeux de ce Conseil européen.

Sont inscrits à l'ordre du jour les sujets principaux suivants : les questions de politique étrangère, les questions liées à la justice et aux affaires intérieures, l'énergie et l'innovation, l'élargissement, les questions institutionnelles.

J'évoquerai aussi brièvement les perspectives de la future présidence allemande, qui débutera le 1er janvier 2007.

S'agissant tout d'abord des questions de politique étrangère, le Conseil européen évoquera notamment le Moyen-Orient et le Liban, l'Afrique et les Balkans.

S'agissant du Liban, la France a réaffirmé cette semaine son attachement à un Liban uni, souverain, indépendant et démocratique. Elle le fera à nouveau au Conseil et souhaite que ses partenaires apportent un appui unanime au gouvernement de M. Fouad Siniora, comme ils l'ont fait hier au niveau ministériel. Nous devrons aussi rappeler l'importance de la conférence des donateurs de Paris III, prévue le 25 janvier prochain et consacrée à la reconstruction du Liban.

Sur le Proche-Orient, le Conseil européen devrait évoquer le nécessaire soutien au président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, l'attitude que devrait adopter l'Union en cas de formation d'un gouvernement reflétant les principes du Quartet - ce que nous souhaitons -, et réfléchir aux moyens de relancer le processus de paix en retraçant une perspective politique, qui, aujourd'hui, manque cruellement.

S'agissant de l'Afrique, le Conseil européen évoquera le chemin parcouru un an après le lancement de la stratégie de l'Union pour l'Afrique de décembre 2005, avec l'objectif de définir un partenariat avec le continent africain.

Le Conseil européen devrait saluer aussi le bon déroulement du processus électoral en République démocratique du Congo, que l'Union a soutenu et accompagné, en déployant notamment la mission EUFOR RD Congo. Avec la mise en place d'un nouveau parlement et l'investiture du président Kabila, l'année qui s'achève marque un nouveau départ pour ce pays. L'Union européenne aura à nouveau fait la preuve qu'elle joue un véritable rôle sur la scène internationale grâce à une politique européenne de sécurité et de défense qui se concrétise un peu plus chaque jour.

Le Conseil reviendra aussi sur la situation dramatique au Darfour : déjà 300 000 morts sans doute, deux millions et demi de personnes déplacées, des centaines de milliers de personnes privées d'accès à l'aide humanitaire. À cela s'ajoutent les risques nés de la persistance des tensions internes au Soudan et, plus graves encore, les risques d'extension du conflit à plusieurs pays de la région. Le Conseil européen insistera ainsi sur la nécessité de convaincre les autorités de Khartoum d'autoriser le déploiement d'une mission renforcée de maintien de la paix.

Le Conseil européen évoquera enfin le Kosovo, alors que va s'ouvrir une phase cruciale des négociations sur son statut futur : l'envoyé spécial nommé par le Secrétaire général des Nations unies pour conduire ces négociations, M. Martti Ahtisaari, présentera le 21 janvier 2007 - donc après les élections générales en Serbie - ses propositions à Belgrade et à Pristina.

Dans cette perspective, l'Union doit renouveler son soutien à M. Ahtisaari, afin de parvenir à une solution acceptable par la population du Kosovo, garante de stabilité pour la région, et offrant aux communautés la possibilité de vivre en paix et en sécurité.

J'en viens aux questions liées à la justice et aux affaires intérieures.

Dans un contexte marqué par les afflux de clandestins par voie maritime en Espagne, en Italie ou à Malte, les questions migratoires ont été très présentes ce semestre. L'Union européenne a fait preuve de solidarité avec ses partenaires les plus touchés.

La France a participé aux deux opérations maritimes menées sous l'égide de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, l'Agence FRONTEX, en envoyant des experts et en mettant à disposition des moyens matériels.

L'Europe doit continuer à se doter d'une véritable capacité d'action commune. Cela passe notamment par le renforcement de l'Agence FRONTEX, qui ne dispose pour l'heure que de 11, 5 millions d'euros et de dix-sept emplois budgétaires. Le budget doit tripler en 2007 et les effectifs, doubler.

Il est également indispensable d'aborder ce sujet des migrations dans sa globalité. Il ne pourra y avoir de solution durable sans une coopération accrue entre tous les États membres mais également avec les États de départ et de transit. C'est l'esprit de l'approche globale définie par le Conseil européen il y a un an et dont les chefs d'État ou de gouvernement évalueront la mise en oeuvre.

Cette approche globale a montré toute sa pertinence et doit rester le cadre de référence de l'action européenne. Elle répond en effet à la nécessité d'une approche intégrée et équilibrée des questions migratoires, conjuguant l'intégration des migrants réguliers, la lutte contre l'immigration clandestine et le renforcement de la coopération pour le développement.

Je rappelle une fois encore que l'Union européenne et ses États membres sont les premiers contributeurs de I'aide publique au développement dans le monde : ils en fournissent en effet plus de 50 % - plus de 60 % s'agissant de l'Afrique. Nous avons pris en 2002 des engagements d'augmentation, qui sont tenus.

Nous soutenons par ailleurs la plupart des propositions présentées par la Commission pour approfondir cette approche : renforcement des activités opérationnelles de gestion des frontières maritimes, meilleure articulation entre politique migratoire et politique de développement, mise en oeuvre du plan de Rabat ou intensification du dialogue avec les pays d'origine et de transit, dans le prolongement des conférences de Rabat en juillet et de Tripoli à la fin du mois de novembre.

Nous pouvons également, sur ces sujets, accepter la perspective d'une concertation. Mais la responsabilité première en la matière doit rester aux États : nous ne pourrions accepter une gestion commune ni une définition européenne de quotas. En revanche, une discipline commune est souhaitable, tout particulièrement lorsque les activités d'un État membre liées à la gestion de la migration, des visas et des demandes d'asile peuvent avoir des conséquences sur ses partenaires.

Un premier pas positif a été franchi en octobre dernier, lors d'un Conseil « justice et affaires intérieures », avec la mise en place d'un mécanisme d'information entre États membres dans les domaines de l'asile et de l'immigration. Il faudra aller plus loin, par exemple en encourageant les échanges entre les États membres avant qu'ils ne prennent leurs décisions nationales.

Mais il faut aussi améliorer les mécanismes de décision, dont chacun voit les limites du fait de l'unanimité. C'est pourquoi, en dépit des réticences persistantes de certains partenaires, le Gouvernement reste très attaché à l'utilisation des « clauses passerelles » prévues par les traités, de manière que, sur certains sujets, les décisions soient prises à la majorité qualifiée du Conseil et que le Parlement européen devienne co-législateur en ces matières.

Je tiens à souligner à ce sujet la qualité du rapport de la délégation à l'Union européenne, rapport qui fait le point de manière exhaustive sur l'ensemble de ces questions.

Enfin, le Conseil européen devrait confirmer l'accord trouvé voilà quelques jours sur l'élargissement de l'espace Schengen. La France se félicite de cet accord qui permettra aux nouveaux États membres de rejoindre l'espace Schengen en décembre 2007. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces Etats sont très attachés à leur entrée dans cet espace, et nous-mêmes sommes attachés à ce que la frontière extérieure de l'Union soit contrôlée avec efficacité.

Sur la question de l'énergie, si l'on fait le point et que l'on se souvient de la réflexion lancée voilà à peine un an à Hampton Court, dans le cadre de la réflexion globale sur l'avenir de l'Union européenne, on mesure les pas qui ont été franchis.

À Hampton Court, les Vingt-cinq avaient décidé de mettre progressivement sur pied une véritable politique européenne de l'énergie. Depuis l'automne 2005, le différend gazier russo-ukrainien et de récents incidents de délestage ont montré la pertinence de cette décision. Cette question est désormais abordée à chaque Conseil européen. Le Conseil européen de décembre fera le point sur les progrès concrets réalisés, comme le plan d'action pour l'efficacité énergétique présenté par la Commission ou la mise en place d'un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique.

Au-delà de ce Conseil, la Commission présentera au début du mois de janvier son paquet énergie et l'analyse stratégique qui servira de base au plan d'action que le Conseil européen de mars 2007 adoptera. Ce sera un rendez-vous important.

Nous souhaitons que ce plan d'action permette la mise en place d'une véritable stratégie énergétique, orientée vers trois objectifs essentiels : sécurité d'approvisionnement, protection de l'environnement, compétitivité.

Sur le réchauffement climatique en particulier, le Conseil européen de décembre soulignera la nécessité d'intensifier les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'objectif européen est de maintenir l'augmentation de la température mondiale à 2 degrés centigrades par rapport à son niveau préindustriel. C'est un gigantesque défi, mais c'est aussi une nécessité pour les générations futures ; il y a véritablement urgence à agir.

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