Intervention de Robert Bret

Réunion du 12 décembre 2006 à 21h30
Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, entre crise institutionnelle et impasse politique, quels enseignements les dirigeants européens ont-ils tirés du revers qui leur a été infligé par les peuples français et néerlandais ?

Loin d'enterrer le traité établissant une Constitution pour l'Europe, les chefs d'État et de gouvernement ont tout simplement laissé se poursuivre le processus de ratification par les États membres qui le souhaitaient.

La « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe n'a donné lieu à aucune prise de conscience. Les ministres européens des affaires étrangères ont au contraire exprimé leur volonté commune de définir les prochaines étapes du traité constitutionnel européen ; ils se sont engagés à trouver un accord sur la future base juridique de l'Union européenne d'ici à 2009 au plus tard, laissant passer 2007, une fois que les élections présidentielle et législatives françaises auront eu lieu.

Cette attitude est tout à fait symptomatique de l'esprit qui anime les dirigeants européens : la certitude de pouvoir continuer à construire une Europe toujours plus libérale, sans entendre les peuples qui se sont pourtant exprimés très clairement.

Concernant l'ordre du jour du prochain Conseil européen, j'évoquerai en premier lieu son thème principal, l'élargissement.

À l'heure où les chefs d'État et de gouvernement se préparent à accueillir la Roumanie et la Bulgarie et à prendre note de l'état des négociations avec la Turquie et la Croatie, il me paraît indispensable de soulever la question du problème des disparités économiques et sociales entre les anciens et les nouveaux ou futurs États membres. Éliminer ces inégalités constitue sans doute le défi le plus important pour l'Union européenne.

Or ce défi pourra être relevé par la solidarité, bien sûr, mais surtout par des coopérations libérées des logiques financières et concurrentielles, sur la base de l'égalité des droits, et non dans les conditions actuelles, où la Banque centrale européenne et le pacte de stabilité déterminent la politique économique et sociale des États en dehors de tout contrôle démocratique. Certains font mine de le découvrir aujourd'hui ; ce sont pourtant les mêmes qui ont voté le traité de Maastricht et pris parti pour le Traité constitutionnel européen, lequel confirmait l'indépendance de la Banque centrale européenne.

Loin de craindre l'entrée de nouveaux peuples, les parlementaires communistes sont favorables à l'ouverture des portes de l'Europe. Mais de quelle Europe s'agit-il, madame la ministre ? D'une Europe des marchés ou d'une Europe des peuples ?

Les citoyens attendent de l'Europe qu'elle soit un espace ouvert sur le monde, qu'elle renforce les échanges culturels et oeuvre au rapprochement effectif des peuples. Ils souhaitent qu'elle utilise ses atouts économiques, sociaux, culturels, scientifiques pour répondre aux besoins par des politiques sociales de haut niveau, par des services publics développés. Ils attendent le respect des libertés, des droits, des cultures.

Même si la réalisation de ces objectifs demeure, à l'évidence, un combat au regard de la construction européenne actuelle, il n'existe pas de raison qui puisse justifier le refus de l'élargissement.

Nous disons aux pays candidats qu'ils sont les bienvenus, mais nous leur disons aussi notre crainte de les voir s'intégrer dans un système qui ne leur apportera que des désillusions si ce système ne change pas rapidement. Cela appelle une refondation profonde de l'Europe, comme je l'ai déjà indiqué voilà un instant.

En tout état de cause, nous ne cautionnons pas les critiques véhémentes à l'égard des pays entrants fondées sur la peur, la xénophobie, ou encore le coût financier que pourrait représenter l'élargissement.

De même, nous nous opposons à la « chasse aux Roms » auquel se livre le ministre de l'intérieur en multipliant les expulsions de Roumains sans papiers, Roms pour l'essentiel, alors même que la Roumanie rejoindra l'Union européenne dans quelques semaines et que les Roumains seront donc citoyens à part entière de cette dernière.

Parallèlement, nous refusons le concept de « capacité d'absorption », sur lequel Nicolas Sarkozy insistait lors de son discours à Bruxelles, le 8 septembre dernier. On le sait, ce concept a été instauré pour éloigner, voire écarter, la perspective de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

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