Intervention de Jacques Blanc

Réunion du 12 décembre 2006 à 21h30
Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

... mais il faut aussi laisser les choses avancer. Il faut tenir compte de l'opinion publique. La Turquie est une démocratie. Il faut tenir compte de ces réalités.

Je souhaite que la France garde le cap qui a été celui du Président de la République et de tous les gouvernements de la France, qu'il s'agisse des gouvernements socialistes ou du Gouvernement actuel. Ils ont dit à la Turquie qu'elle avait sa place dans l'Europe ; il faut donc favoriser le dialogue et les échanges et ne pas minimiser les efforts faits par la Turquie pour ouvrir un port et un aéroport aux bateaux et aux avions chypriotes-grecs.

Essayons de rapprocher les uns et les autres afin de trouver une nouvelle solution qui, dans un pays réunifié, laisse la place aux minorités, comme le prévoyait le plan de Kofi Annan, plan qui a, hélas, été rejeté !

Je souhaite donc que notre pays n'abandonne pas la position, courageuse et ferme, qu'il avait prise.

Sur l'Arménie, soyons aussi très clairs ! Nous avons un devoir d'histoire, mais réunissons des historiens de différents pays pour déboucher sur une analyse objective. Ne tombons pas dans la facilité ou le piège qui consiste à se substituer aux historiens ! Chacun de nos pays peut être un jour traumatisé par de telles investigations. Pour autant, n'ayons pas peur de ces recherches quand elles sont menées scientifiquement.

Donc, là aussi, nous n'avons pas à rejeter les uns ou les autres.

Pour ma part, je rends hommage au Président de la République et au Gouvernement, qui ont su répondre à l'attente très forte d'un pays qui a été marqué politiquement, dans son organisation, par la France. L'État turc a été imprégné par l'espérance française, la culture, la civilisation, la société françaises. Il faut tout de même savoir qu'à Galatasaray certaines élites turques sont initiées à l'histoire et à la réalité françaises. Nous avons une influence.

Alors, ne tombons pas dans le piège qui consisterait, en raison de tel mouvement ou de telle situation, à nous montrer plus durs que les autres !

Les critères d'adhésion ont été définis et la Commission les fait respecter. Le problème a été maîtrisé. La solution n'est peut-être pas idéale, mais elle répond à une situation donnée. N'en rajoutons pas ! Ne laissons pas penser à nos amis turcs que la France est le plus exigeant de tous les pays européens, après avoir été un soutien des plus actifs et des plus sincères.

Il y va d'une conception du monde, de la garantie d'un équilibre. Chacun sait bien que le monde musulman ne doit pas être monolithique. La présence, dans ce monde musulman, d'un pays arrimé à la réalité européenne, respectueux, tolérant et capable d'apporter un message d'équilibre et de paix n'est-elle pas essentielle ? Il y a là une dimension stratégique que nous ne pouvons ignorer, et ce n'est faire insulte à personne que d'oser l'affirmer.

Au cours de ce Conseil européen, la définition même des perspectives nouvelles d'élargissement vous conduira à repenser les politiques de voisinage, madame la ministre. Pour ma part, je pense à l'Euro-Méditerranée : il est capital que l'Europe fasse des gestes essentiels à l'égard du Sud.

Le processus de Barcelone a également connu des moments difficiles. J'ai présidé, à ses débuts, le Comité des régions de l'Union européenne et j'ai eu l'honneur de participer à la célébration de son dixième anniversaire. Nous avons besoin de lui donner une dimension supplémentaire, et l'équilibre Nord-Sud est un objectif indispensable pour l'Europe. Or, dans cet équilibre Nord-Sud, le poids de la Turquie peut devenir, demain, un élément tout à fait positif.

Madame la ministre, nous partageons bien évidemment la volonté de voir se développer l'Europe de l'énergie, l'Europe de la défense, aussi ne m'attarderai-je pas sur ces questions. Le message essentiel que je voudrais porter est un message d'espérance.

Il est vrai que l'Europe, du fait même de son élargissement, suscite beaucoup de lassitude, d'interrogations, voire de rejet dans notre pays. Nous n'avons peut-être pas su donner les explications nécessaires.

L'Europe a beaucoup changé : elle est passée de six, à neuf, puis à quinze, à vingt-cinq, demain à vingt-sept, à vingt-neuf États membres. Mais elle garde la flamme et elle sera, je l'espère, un acteur à la fois de paix et d'organisation dans un monde qui ne peut être que multipolaire.

Elle est pour la France une chance de ne pas se fermer frileusement sur elle-même par peur du lendemain, en offrant à sa jeunesse une perspective nouvelle. Car c'est à travers l'Europe que le génie de la France pourra s'épanouir et apporter des réponses fortes aux problèmes rencontrés par les femmes et les hommes dans le monde.

C'est pourquoi je vous félicite, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation, de vous être battus pour ouvrir de nouvelles perspectives d'action aux Parlements nationaux au regard de l'Union européenne.

J'ai eu le privilège de participer à des conseils des ministres alors que l'Europe ne comportait que neuf États membres, au lendemain de l'entrée du Royaume-Uni, et Dieu sait qu'il n'était déjà pas facile de résoudre les problèmes de politique agricole !

J'ai également participé à la mise en place du Comité des régions de l'Union européenne, dont la portée est souvent sous-estimée. Ce comité rassemble des élus régionaux et locaux qui croient en l'avenir de l'Europe, qui ont envie, au-delà des instances, d'aller au plus près du coeur des femmes et des hommes d'Europe, parce que l'Europe est une question de coeur et d'intelligence.

Notre ami Montesquiou a parlé de fusionner la délégation avec la commission des lois pour former une « commission européenne des lois », ce qui ne me paraît pas être la meilleure solution - c'est le seul point sur lequel je suis réservé. Quoi qu'il en soit, je souhaite que la délégation du Sénat pour l'Union européenne prenne de l'importance, en harmonie avec les autres commissions permanentes, pour affirmer la conviction que nous avons tous, quelles que soient nos spécificités, que l'avenir de la France et du monde passe par un nouvel élan de l'Europe, auquel nous voulons apporter notre contribution.

La France a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la France !

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