Intervention de Catherine Colonna

Réunion du 12 décembre 2006 à 21h30
Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Catherine Colonna, ministre déléguée :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames et messieurs les sénateurs, après vous avoir écoutés avec attention, je vous répondrai en regroupant les points que vous avez abordés sous les quatre thèmes suivants : l'élargissement, les questions institutionnelles, les questions migratoires et l'énergie.

Permettez-moi au préalable de relever avec satisfaction, notamment après l'intervention du dernier orateur, que vous vous êtes tous déclarés attachés à une Union européenne forte, cohérente et à même de répondre aux attentes de nos peuples, tout comme l'est le Gouvernement auquel j'appartiens, et je vous en remercie.

Messieurs les sénateurs, vous êtes tous intervenus sur la Turquie et, plus généralement, sur le processus d'élargissement. Comme je vous l'ai indiqué, la décision prise par le conseil « Affaires générales et relations extérieures » constitue un bon équilibre. Cette décision permet d'envoyer un message clair à la Turquie, en regrettant l'insuffisance des progrès réalisés à ce jour et en particulier le non-respect, par ce pays, de ses engagements.

Il était nécessaire de tirer les conséquences de cette situation tout en gardant le processus ouvert, et ce afin de favoriser l'évolution et la modernisation de la Turquie, dans l'intérêt de l'Europe. C'est pourquoi nous soutenions la recommandation de la Commission et nous sommes satisfaits que le conseil « Affaires générales » soit parvenu, hier, après d'assez longs débats, à un accord unanime.

Vous êtes également revenus sur le processus d'élargissement. Comme je vous l'ai indiqué, le débat, engagé à la demande de la France en juin dernier, devra se poursuivre. Il sera d'ores et déjà à l'ordre du jour du Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains.

L'élargissement a été un accomplissement historique. Il a été un succès, monsieur Haenel, et il doit le rester. C'est pourquoi la position des autorités françaises est très claire : l'Union ne pourra pas procéder à un nouvel élargissement avant de s'être réformée, tout particulièrement en matière institutionnelle. Nous souhaitons que les conclusions du Conseil européen reflètent cette nécessité d'une « consolidation », comme l'a dénommée M. Vinçon.

Quant à votre proposition, monsieur Haenel, elle s'inscrit dans la lignée des efforts engagés par la France pour que le processus d'élargissement soit politiquement contrôlé. C'est une nécessité. Permettez-moi de souligner devant vous que de réels progrès ont été accomplis sur ce point depuis le mois de juin 2005. La décision d'hier soir, entre autres, le prouve.

Monsieur Bret, vous avez émis des craintes au sujet du rapprochement entre les nouveaux et les anciens États membres. L'Union a fait le nécessaire en définissant un budget pour les sept prochaines années à la hauteur de ce rapprochement. La politique de cohésion devient la première politique de l'Union.

Monsieur Haenel, vous avez évoqué l'information du Parlement. Nous avons déjà fait quelques progrès en ce domaine auquel, vous le savez, je suis attachée. Il faut continuer, mais utilisons d'abord au mieux les instruments existants, en particulier l'article 88-4 de la Constitution.

Une circulaire du Premier ministre datant du mois de novembre dernier a donné aux assemblées parlementaires la possibilité de se prononcer sur davantage de textes européens. Tous les projets ayant vocation à être adoptés en codécision sont désormais systématiquement transmis au Parlement, même s'ils ne comportent aucune disposition législative au sens français du terme. C'était d'ailleurs un engagement que le Premier ministre avait pris devant la représentation nationale dès le mois de juin 2005.

Il s'agit de l'une des mesures importantes parmi d'autres - le débat qui nous réunit ce soir en est un exemple -, destinées à mieux associer le Parlement aux processus de décision. Pourtant, à ma connaissance, le Parlement n'a fait usage de cette nouvelle procédure qu'à deux reprises. Nous avons adopté un dispositif visant à vous satisfaire auquel je vous encourage à recourir.

Monsieur de Montesquiou, vous m'interrogiez sur la situation de la France en matière de transposition des directives. La France n'a jamais été parmi les bons élèves en cette matière. Je dois cependant souligner que nous avons réalisé des progrès très significatifs ces derniers temps. Pour mémoire, je rappelle que notre déficit de transposition est passé de 4, 1 % en mai 2004 à 1, 9 % en juillet dernier. D'après les indications données par la Commission, dans le prochain tableau qui sera publié, ce déficit devrait être égal ou inférieur à 1, 5 %, objectif fixé par le Conseil européen. Selon toute vraisemblance, nous devrions aussi améliorer notre rang au sein des Vingt-Cinq.

J'en profite, monsieur le sénateur, pour saluer la contribution de la représentation nationale à cette oeuvre de transposition. Nous devons inscrire ces efforts dans la durée pour continuer d'améliorer nos performances.

Je ne reviendrai pas sur les questions institutionnelles que j'ai déjà évoquées, sinon pour acquiescer aux propos de M. Badré s'agissant de l'importance de la relation franco-allemande. Nous travaillerons aux côtés de l'Allemagne, qui aura, pendant sa présidence, la lourde tâche d'engager la relance de l'Europe sur le plan institutionnel.

Les questions migratoires, essentielles elles aussi, ont été abordées par beaucoup d'entre vous, notamment par MM. Haenel et Ries.

Il était nécessaire d'inscrire cette question au coeur de l'agenda européen. Nous l'avons fait cette année. Même si certains de nos partenaires sont plus exposés que d'autres aux migrations par voie maritime - qui ne représentent qu'une faible partie des migrations à contrôler -, nous sommes tous concernés par les phénomènes migratoires. C'est donc ensemble, de manière solidaire, que nous devons trouver les solutions pour bâtir une véritable politique européenne des migrations.

J'ai déjà indiqué que les perspectives budgétaires de l'agence FRONTEX pour 2007 seraient modestes avec tout de même un triplement de ses moyens financiers et un doublement de ses moyens humains.

Vous avez également mentionné, monsieur Haenel, la création d'équipes communes d'intervention. Cette proposition de la Commission, qui date de la mi-juillet, est en cours d'examen par le Conseil, qui va arrêter ses conclusions. Vous serez heureux d'apprendre, je l'espère, que le projet de conclusions sera soumis à l'approbation des chefs d'État et de gouvernement à partir de jeudi par les ministres des affaires étrangères et des affaires européennes.

S'agissant des migrations, l'Europe dispose d'un cadre général, l'approche globale, qui repose sur un équilibre entre le renforcement des contrôles et le renforcement de la coopération, du développement et du codéveloppement. La France soutient pleinement cette démarche. Le cinquième comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre, qui s'est réuni la semaine dernière, a permis de le rappeler expressément. Car nous savons bien que le problème des migrations se traitera d'abord à la source.

Dans ce cadre, il faut en particulier renforcer l'articulation entre politique migratoire et politique de développement et de codéveloppement. La Commission a ainsi proposé de mettre en place un programme « migration et développement » doté de 40 millions d'euros financés sur le neuvième FED. C'est notamment de cette façon que nous mettrons concrètement en oeuvre l'approche globale.

S'agissant de la nécessité d'améliorer les mécanismes de décision, je partage en grande partie vos interrogations, monsieur Haenel.

Certains de nos partenaires restent encore opposés à l'utilisation des « clauses passerelles » prévues par le traité d'Amsterdam. Les négociations demeurent donc ouvertes sur ce point. Il faut continuer à essayer d'obtenir gain de cause en la matière. Nous souhaitons que les conclusions du Conseil européen de cette semaine permettent de continuer à travailler sur ce sujet, même s'il n'y a pas de consensus des États membres sur la solution que nous avions proposée au mois d'avril.

L'absence de consensus est d'autant plus paradoxale que le dernier conseil « Justice et affaires intérieures » a été unanime. Son analyse sur le fond est on ne peut plus claire : les mécanismes de décision ne sont pas totalement adaptés.

Il est évident que l'unanimité est un frein. Nous devrions donc pouvoir gagner en efficacité et en légitimité en recourant à la codécision dans des domaines où les attentes de nos concitoyens sont fortes, comme la sécurité intérieure, la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé.

J'en viens à l'énergie.

Messieurs de Montesquiou, Ries et Badré, vous avez appelé à de nouveaux efforts européens dans le domaine de l'énergie afin que l'on bâtisse une véritable politique européenne de l'énergie.

Je souhaite également que les Vingt-Cinq sachent trouver les réponses appropriées. Mais n'oublions pas qu'il y a seulement un an a été prise par l'Europe la décision de se doter d'une future politique de l'énergie. Et c'était sur l'initiative de la France !

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de le dire, l'Union européenne ne s'était jusqu'à présent jamais préoccupée des questions d'énergie de façon globale. Elle les considérait uniquement sous l'angle du marché et de la concurrence.

Nous avons introduit ce sujet dans les priorités de l'Union voilà un an. Nous progressons pas à pas. Nous savons les uns et les autres que c'est seulement étape par étape que pourra être mise sur pied une politique de l'énergie.

Le Conseil européen du printemps 2007 décidera d'un plan d'action détaillé et des grandes priorités européennes en matière d'énergie. Je le répète, c'est un rendez-vous important. Depuis un an, cette question est abordée régulièrement à chaque Conseil européen, et le dossier progresse trimestre après trimestre.

Ainsi, au mois d'octobre dernier, la Commission a présenté un plan d'action pour l'efficacité énergétique. La France et l'ensemble du Conseil le soutiennent. Le Conseil européen confirmera cet appui.

Par ailleurs, un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique devrait être mis en place au début de 2007.

Comme vous pouvez le constater, les échéances sont précises et proches, ce qui permettra de faire face avec plus d'efficacité à une éventuelle crise d'approvisionnement.

Nous le savons, il faudra faire encore davantage. Par exemple, le renforcement des infrastructures d'interconnexion est indispensable. Nous l'avions souligné dans le mémorandum français transmis au début de cette année. Cela avait été repris dans le Livre vert de la Commission, puis dans les premiers travaux du Conseil européen au mois de mars. C'est en effet indispensable.

Vous avez évoqué, monsieur Bret, un récent incident de délestage. Il ne nous fait pas changer d'orientation. Au contraire, il montre qu'il va falloir agir en la matière.

L'Europe doit apprendre à parler d'une seule voix, en particulier dans ses négociations extérieures. Comme vous le savez, notre Premier ministre a fait des propositions, notamment quant à la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie.

Monsieur de Montesquiou, l'Union européenne est déterminée à approfondir son partenariat stratégique avec la Russie dans le domaine commercial, qui est facilité par son adhésion à l'OMC, ainsi que dans le domaine énergétique, dans lequel l'un et l'autre des partenaires ont des intérêts communs, comme vous l'avez relevé.

Lors du Conseil européen informel de Lahti du 20 octobre, les chefs d'État et de gouvernement ont reconnu la nécessité d'intégrer dans le futur accord global entre l'Union européenne et la Russie des éléments relatifs à l'accès au marché et à la sécurité des investissements. Le lancement de ces négociations sera d'ailleurs sans nul doute l'une des priorités de la présidence allemande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques mois, vous avez été nombreux à le rappeler, nous célébrerons le cinquantenaire du Traité de Rome, qui est à l'origine du projet politique certainement le plus ambitieux du XXe siècle. La meilleure manière de témoigner notre reconnaissance à celles et ceux qui ont eu la vision et le courage de ce projet politique sans précédent est de continuer, jour après jour, avec ambition et lucidité, à bâtir cette Europe dont nous avons besoin pour le bien de nos nations et de nos peuples.

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