Intervention de Jean-François Humbert

Réunion du 4 juin 2008 à 15h00
Agents sportifs — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous présenter une proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif, afin de protéger l’éthique sportive, qui serait très compromise si nous n’agissions pas sur la réglementation de cette profession.

En effet, la loi du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives a été appliquée de manière globalement satisfaisante en ce qui concerne l’accès à la profession, mais certains agents sportifs exercent encore leur activité dans des conditions irrégulières et le contrôle pratiqué par les fédérations reste trop limité.

Le renforcement de la législation n’a pas empêché la multiplication des affaires impliquant des agents sportifs ; cela démontre que les objectifs d’encadrement et de moralisation de la profession sont encore loin d’être atteints. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour mettre fin aux dérives constatées.

L’exercice de la profession d’agent sportif est encadré par les articles L. 222-6 et suivants du code du sport. Les fédérations concernées ont donc mis en œuvre la loi de façon satisfaisante pour sa partie consacrée au contrôle de l’accès à la profession. En revanche, le contrôle de l’activité d’agent sportif s’est révélé insuffisant, pour parler en termes pesés…

La proposition de loi que je vous présente a donc pour objet de mieux organiser l’accès à cette profession, son exercice et son contrôle.

S’agissant d’abord de l’accès à la profession d’agent sportif, la législation actuelle prévoit que la licence d’agent sportif peut être délivrée à une personne physique ou à une personne morale. Toutefois, la délivrance de ces licences aux personnes morales a entraîné une confusion entre les personnes véritablement autorisées à exercer la profession d’agent sportif – celles qui ont passé l’examen approprié – et celles qui n’y sont pas autorisées, comme les actionnaires, les associés et les salariés de la société titulaire de la licence.

Afin de mieux identifier les personnes qui sont autorisées à exercer la profession d’agent sportif, il est proposé de supprimer la possibilité de délivrer la licence aux personnes morales. En contrepartie de cette suppression, les agents sportifs seraient autorisés à constituer une société pour exercer leur activité.

Les dirigeants de la société fondée par l’agent ou de celle dont il sera le salarié seront soumis aux mêmes conditions de moralité, d’incapacités et d’incompatibilités que les agents sportifs. La liste des incompatibilités est également complétée afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les agents sportifs et les autres acteurs du sport, comme les entraîneurs ou les propriétaires de club. Il s’agit notamment d’empêcher, ou du moins de limiter, la pratique des rétrocommissions ou sur-commissions, qui est favorisée par la collusion entre certains intérêts dans le sport professionnel.

Cependant, pour que ce dispositif soit efficace, il est nécessaire d’établir une séparation juridique étanche entre les agents sportifs et d’autres acteurs du sport, notamment les dirigeants d’entreprises et d’associations qui emploient des sportifs ou organisent des manifestations sportives. Dans le cas des entreprises, l’incompatibilité concernera aussi les associés et les actionnaires ; dans le cas des associations, elle s’étendra aux fédérations et aux autres organes qu’elles auront constitués.

Le statut des agents sportifs communautaires constitue une autre source de dérives.

Les agents sportifs ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen non établis sur le territoire national peuvent actuellement exercer « sans filet », si je puis dire : ils n’ont pas besoin d’une licence ; ils ne sont pas tenus de respecter les limites de rémunération prévues par le code du sport, en particulier le plafonnement de la rémunération de l’agent à 10 % du montant des contrats conclus ; ils ne sont pas obligés de transmettre les contrats et mandats à la fédération compétente ; enfin, aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à leur encontre.

Ces agents peuvent donc se livrer à nombre d’abus quasiment en toute impunité, ce qui est évidemment inadmissible. Pour mettre fin à cette situation, la proposition de loi prévoit d’encadrer l’activité des agents communautaires en s’inspirant du dispositif applicable aux éducateurs sportifs communautaires. Il restera bien sûr possible, pour un agent communautaire, d’exercer sa profession en France, mais uniquement s’il est qualifié pour le faire dans son pays d’origine.

Les modalités d’exercice prévues dans le texte adopté par la commission des affaires culturelles me conviennent parfaitement. Elles respectent l’esprit de la proposition de loi, qui est d’encadrer les activités des agents communautaires, désormais tenus à une obligation de déclaration prévue dans la partie réglementaire du code du sport. Ainsi, dès leur première intervention sur le territoire français, il sera possible de vérifier s’il existe une différence substantielle entre le niveau de qualification requis dans leur pays d’origine et celui qui est exigé en France. Si tel est le cas, la fédération pourra exiger de l’intéressé le passage de l’examen d’agent ou tout du moins d’une partie de celui-ci, par exemple l’examen oral.

Enfin, le dispositif actuel ne prévoit pas explicitement le cas des agents extracommunautaires non titulaires d’une licence d’agent sportif. Dans le silence de la loi, il faut en déduire que, pour exercer la profession d’agent sportif en France, les agents extracommunautaires doivent obtenir la licence française d’agent sportif.

Ce système est tellement contraignant qu’il n’est pas respecté. Pour cette raison, le présent texte prévoit que les agents extracommunautaires non titulaires d’une licence devront conclure une convention de présentation avec un agent pourvu de ce titre, qui sera chargé de placer le sportif dans un club.

Cette convention a pour objet de mettre en présence un sportif ou un club avec un agent sportif titulaire d’une licence. Transmise par l’agent sportif à la fédération compétente, elle servira de fondement juridique à la rémunération de l’agent extracommunautaire.

Telles sont les principales dispositions prévues dans ce texte pour mieux encadrer l’accès à la profession d’agent sportif.

Le deuxième objet de la proposition de loi est de réglementer l’exercice de la profession d’agent sportif.

La définition actuelle de la profession d’agent sportif ne comprend pas l’activité d’agent d’entraîneurs. Dans le cadre du dispositif existant, l’agent sportif ne peut que « mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ». Autrement dit, il ne peut jouer qu’un rôle d’intermédiaire. Cela n’empêche pas, en pratique, les agents sportifs d’être aussi agents d’entraîneurs, mais cette activité est parfaitement illégale puisque le code du travail la leur interdit. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour autoriser, sous conditions, le placement d’entraîneurs par les agents sportifs.

Actuellement, un agent sportif est censé n’être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation n’est que théorique : très souvent, ce sont les clubs qui rémunèrent directement des agents pourtant mandatés par les sportifs.

Cette hypocrisie contribue à l’opacité qui règne dans les opérations de placement des sportifs. C’est pourquoi la proposition de loi tend à préciser les relations contractuelles concernées par l’activité d’agent.

Le contrat de courtage encadre juridiquement l’activité de l’agent chargé de mettre en relation les parties intéressées à la conclusion d’un contrat sportif. Ce contrat passé entre l’agent et le sportif, le club ou l’organisateur devra être écrit et transmis à la fédération ; il devra préciser les conditions de rémunération de l’agent sportif et l’identité de la personne qui le rémunèrera.

La grande évolution est que ce contrat permettra à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties, quelle que soit la personne à l’origine de la mise en relation. La rémunération de l’agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais deux types de contrats seront visés : d’une part, les contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive, par exemple les contrats de travail des joueurs ; d’autre part, les conventions prévoyant ces contrats de travail, comme les contrats de transfert.

En outre, l’agent sportif ne pourra percevoir aucune rémunération avant d’avoir transmis son contrat à la fédération.

Au passage, je précise que ce texte est conforme au règlement de la Fédération internationale de football association, qui permet à un club de rémunérer l’agent, même s’il a été mandaté par le joueur : il suffit que le joueur ait donné son accord écrit. C’est toute la chaîne du contrôle qui va pouvoir être rétablie grâce à cette légalisation de la rémunération de l’agent par le club.

Une autre difficulté tient au fait que lorsqu’un mineur signe un contrat sportif, la législation en vigueur est censée interdire à son représentant d’être rémunéré, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une société ou d’une association sportive.

Cependant, il est facile pour les représentants de bafouer cette interdiction en faisant signer au mineur d’autres types de contrats qui leur permettent de toucher de l’argent. C’est pourquoi le présent texte interdit toute rémunération sur les contrats qu’un agent signerait avec un mineur.

Enfin, la proposition de loi vise à renforcer le contrôle de la profession d’agent sportif.

Quatre éléments sont à retenir.

Premièrement, l’activité de l’agent est souvent contrôlée à l’occasion du renouvellement triennal de sa licence. Ainsi conçue, cette procédure de renouvellement est une source de conflits intarissable, puisque les fédérations l’utilisent souvent comme mode de sanction.

Afin de limiter les risques de contentieux inutiles, il est proposé de délivrer la licence pour une durée indéterminée et de passer à un contrôle annuel de l’activité des agents. Ce contrôle sera complété par la transmission obligatoire des documents les plus importants aux fédérations compétentes : contrats de courtage, contrats de travail des joueurs avec mention de l’agent négociateur, pièces comptables.

Deuxièmement, les sanctions disciplinaires actuelles se limitent à la condamnation des agents qui n’auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Rien n’est prévu pour punir les agents qui enfreignent les autres règles légales, notamment celles qui sont relatives au plafond de rémunération.

Le texte prévoit donc d’étendre les possibilités de sanctions disciplinaires des fédérations à la répression de ces agissements d’agents sportifs peu scrupuleux. De même, il tend à limiter les risques d’abus de la part des agents en rendant leur rémunération conditionnelle : un agent ne pourra être payé que s’il transmet à la fédération compétente le contrat à l’origine de son activité.

Troisièmement, l’actuel code du sport n’autorise pas le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, à jouer un rôle de conciliation dans les conflits opposant les agents sportifs aux fédérations. Il vise les licenciés, sportifs et dirigeants, mais pas les agents sportifs, qui ont une licence de nature différente puisqu’il s’agit d’un permis d’exercer une activité professionnelle. La proposition de loi vise à mettre fin à cette anomalie en étendant les missions de conciliation du CNOSF aux conflits opposant les agents sportifs aux fédérations.

Quatrièmement, l’activité d’agent sportif est souvent exercée de façon illégale. Il est donc nécessaire d’instaurer un renforcement des sanctions. Le texte prévoit donc de punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende celui qui exercerait illégalement la profession d’agent sportif. Dans certains cas extrêmes, l’amende pourra dépasser les 30 000 euros et atteindre jusqu’au double de la somme indûment perçue par l’agent sportif.

En conclusion, les agents sportifs malhonnêtes ne disparaîtront pas, bien sûr, du jour au lendemain par la grâce d’une simple loi. Cependant, la plupart des abus ont jusqu’à présent été rendus possibles par l’insuffisance des textes encadrant l’exercice de cette profession : soit il n’y avait pas de loi, soit elle était mal mise en œuvre. La proposition de loi qui est soumise au Sénat a pour principal objet de combler les vides juridiques les plus flagrants et de mieux organiser les contrôles.

Les membres de la Haute Assemblée qui ont soutenu le dépôt de cette proposition de loi souhaitent faire œuvre utile en permettant un exercice le plus sain possible de toutes les activités liées à la pratique sportive.

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