Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où le tournoi international de Roland-Garros bat son plein, et à la veille du championnat d’Europe des nations de football, la Haute Assemblée est saisie d’une proposition de loi visant à encadrer davantage la profession d’agent sportif.
Alors que le monde sportif se professionnalise de plus en plus et qu’il devient incontestablement un objet commercial, brassant des quantités d’argent considérables, la nécessité d’établir des règles visant à améliorer non seulement la pratique du sport, mais également son encadrement, est aujourd'hui devenue incontournable.
À cet égard, il est important de s’intéresser au cas des agents sportifs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
Ces professionnels sont des acteurs du monde sportif qui concourent à la promotion du sport et à son attractivité. Ils participent à la richesse de la vie sportive, en lien avec les fédérations et les clubs, en assurant à nos athlètes de haut niveau une représentation juridique.
Toutefois, les agents sportifs ont parfois à traiter de cas où les enjeux financiers sont considérables, à tel point qu’il n’est plus aujourd’hui possible de ne pas encadrer cette profession d’un minimum de règles.
Par ailleurs, de récents scandales ont entaché l’image de cette activité.
Or, même si nous savons que le sport professionnel s’accompagne d’une démarche commerciale, de tels faits divers nous éloignent fortement des principes rappelés par Aimé Jacquet, ancien sélectionneur de l’équipe de France de football, grâce à qui notre pays a gagné la coupe du monde en 1998. Selon lui, le sport fédère un certain nombre de valeurs : « Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. […] Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. »
C’est pourquoi nous pouvons accueillir avec satisfaction l’initiative de notre collègue Jean-François Humbert. La proposition de loi qu’il a déposée comporte un certain nombre de mesures visant à encadrer l’accès à la profession et son exercice, mais également à améliorer son contrôle.
Il est clair qu’aujourd’hui la profession souffre de certaines lacunes et d’un manque de transparence évident.
En effet, il est important qu’une plus grande transparence régisse les relations entre le sportif et ceux qui sont chargés de l’accompagner.
Dans un domaine où les enjeux financiers sont, comme cela a été rappelé, si importants, il est normal et légitime qu’un véritable encadrement se fasse jour et permette un contrôle de l’accès à la profession d’agent sportif et de l’exercice de celle-ci.
Nous le constatons, le sport n’a désormais plus de frontières. Il est donc essentiel que les agents sportifs, qui apportent leur concours aussi bien sur le territoire national qu’à l’échelle de l’Union européenne, voire du monde entier, voient leur activité réglementée.
Il ne faut pas l’oublier, l’agent sportif doit être avant tout au service du sportif. C’est pourquoi il faut saluer cette proposition de loi, qui a le mérite d’améliorer les relations contractuelles entre le sportif et son agent.
Toutefois, à ce moment de la discussion, je voudrais émettre une réserve.
En effet, je m’interroge sur l’avenir des relations entre le sportif et l’agent, à partir du moment où il sera possible que l’agent soit rémunéré par les clubs. Un quotidien national met aujourd’hui l’accent sur ce point, mais je suis sûr que vous allez nous rassurer, monsieur le secrétaire d'État.
Certes, la volonté est ici de rendre plus transparente la rémunération des agents. Mais qu’en sera-t-il de l’indépendance des agents à l’égard des clubs, dès lors que ces derniers contribueront désormais à leur rémunération ?
En principe, l’agent représente un sportif dans le cadre d’un contrat de courtage qui les lie. La mesure précitée peut amener à s’inquiéter, peut-être à tort, de la sincérité du lien qui unira, à l’avenir, les deux parties. Les enjeux financiers sont parfois tels que l’on risque de ne plus savoir si l’agent a agi en vue d’un intérêt financier ou, comme cela doit être normalement le cas, en vue de l’intérêt du sportif.
Ces interrogations étant formulées, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, la proposition de loi présente, reconnaissons-le, certaines avancées.
Ainsi, elle tend à clarifier les conditions d’accès à la profession, que les agents soient ou non Français, ainsi que les relations entres les différents acteurs du monde sportif. Elle vise à améliorer le contrôle et à permettre au Comité national olympique et sportif français de jouer un rôle d’arbitre, notamment à l’occasion des conciliations des conflits opposant les agents sportifs aux fédérations.
Par ailleurs, le dispositif portant interdiction de rémunérer un agent lorsque le sportif est mineur est à saluer. C’est l’occasion de moraliser quelque peu les opérations concernant les jeunes sportifs.
Cette volonté de transparence est à souligner, car elle permet à la fois de protéger les sportifs et d’encadrer une profession qui, somme toute, est nécessaire. C’est véritablement une chance pour cette dernière que son rôle, ses contours et son champ exact soient clarifiés.
La proposition de loi a en outre pour objet d’éviter toute confusion avec d’autres acteurs du sport, voire tout débordement. Alors que le sport se manifeste de plus en plus à l’échelle européenne et même mondiale, il était temps de préciser les conditions d’exercice de la fonction d’agent sportif, que l’intéressé soit Français ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.
Cette proposition de loi représente aussi une chance pour ceux qui accompagnent au quotidien nos grands champions. Cependant, soyons clairs, elle ne produira pleinement ses effets que si l’ensemble du milieu sportif, que ce soient les sportifs eux-mêmes, les clubs ou encore les fédérations, s’implique dans cette démarche de transparence et de moralisation de la profession d’agent sportif. Dans le cas contraire, nous verrons réapparaître des situations dans lesquelles l’argent sera au centre des affaires, indépendamment de l’intérêt des sportifs !
Trop d’affaires ont défrayé la chronique, trop de feuilletons judiciaires, notamment dans le football, ont donné une mauvaise image de cette profession. Il était temps d’y accorder une attention toute particulière. Cette proposition de loi constitue une avancée importante pour le développement de cette activité, qui doit rester au service du sport et des sportifs.
Les montants des transferts pèsent malheureusement trop lourd. À défaut de pouvoir agir sur ce point, réjouissons-nous que cette proposition de loi nous permette de tenter d’arrêter l’escalade.
La moralisation de la profession passe aussi par un changement d’attitude, en particulier à l’égard des jeunes sportifs, notamment ceux qui viennent de pays en voie de développement.
En effet, trop souvent, on les abandonne sans scrupules s’ils n’ont pas les qualités requises, après leur avoir demandé de quitter leur pays, leur famille. La conclusion terrible qui est alors établie par certains est qu’ils ne peuvent rien apporter aux clubs, au milieu sportif professionnel en général. Ces hommes abandonnés, qui n’ont plus les moyens de rentrer chez eux, sont livrés à eux-mêmes, sans avenir certain. Au départ, il y avait l’espérance ; or perdre l’espérance, c’est un peu perdre la vie.
Gardons à l’esprit les propos de Pierre de Coubertin : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. »
Pour conclure, je salue une nouvelle fois l’initiative de notre collègue Jean-François Humbert, ainsi que le travail de notre rapporteur, Pierre Martin. Avec ce texte, ils tentent de vaincre l’opacité d’un système dans lequel le sport doit conserver toutes ses lettres de noblesse.