Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 31 mars 2010 à 14h30
Débat sur le coût des 35 heures pour l'état et la société — Orateurs des groupes

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le bilan de dix années de 35 heures qui a été brillamment dressé par MM. Jean-Pierre Fourcade, Alain Vasselle, Alain Gournac et Serge Dassault.

Mon intention n’est pas, en effet, de convaincre mes collègues socialistes et communistes : si ces dix années n’ont pas suffi, les neuf minutes dont je dispose n’y changeront rien.

Mon intervention s’adresse aux deux secrétaires d’État qui ont la lourde responsabilité de représenter ici le Gouvernement, M. Laurent Wauquiez et Mme Anne-Marie Idrac, laquelle, étant chargée du commerce extérieur, est bien placée pour mesurer la productivité de la France au regard de celle des pays aux régimes sociaux comparables aux nôtres. En effet, notre objectif n’est pas de nous mesurer à des États qui pratiquent le moins-disant social, mais à nos proches voisins européens qui réussissent, à niveau équivalent de protection sociale, à maintenir leurs parts de marché, et même à en gagner.

Je voudrais poser quatre questions au Gouvernement.

Nous avons fait le choix dans les années 1990 de nous lancer dans une politique de long terme, sous l’impulsion d’Édouard Balladur, suivi par Alain Juppé, en instaurant les premières exonérations de charge sur les revenus les plus bas. À l’époque, nous souhaitions, selon la formule consacrée, « enrichir la croissance en emplois ».

Ma première question est la suivante : cette politique est-elle toujours la seule envisageable ? Devons-nous la maintenir à tout prix ? N’a-t-elle pas des effets pervers sur le commerce extérieur, en affaiblissant la situation des secteurs qui sont exposés à la concurrence et qui peuvent gagner des parts de marché à l’extérieur au bénéfice des activités de service, même si ces dernières sont tout à fait estimables ?

Ma deuxième interrogation, qui concerne directement Mme Idrac, porte sur l’évolution de la productivité des salariés allemands par rapport à celle des salariés français. J’ai exercé la responsabilité de président de la région Lorraine. Mes voisins étaient les ministres-présidents des Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat. Et je peux vous dire qu’en 1992 le coût du travail industriel en France était inférieur, à qualité égale, de 20 % à celui de l’Allemagne. Aujourd'hui, la situation est inversée – je ne connais pas l’écart exact –, ce qui explique que nous perdions constamment des parts de marché.

Monsieur Wauquiez, la gestion de l’évolution du SMIC, dont vous avez la responsabilité, peut-elle être un outil de convergence avec notre principal partenaire, favorisant l’entente entre nos deux pays, entente sans laquelle la construction européenne n’a aucun sens, comme nous avons pu le mesurer il y a quelques jours encore dans le traitement de la crise financière grecque.

J’en viens à ma troisième interrogation. Depuis que nous sommes au pouvoir, c'est-à-dire depuis 2002, nous nous sommes efforcés d’atténuer les effets les plus pervers des 35 heures, de restaurer le recours aux heures supplémentaires, de mettre fin à la persécution qui frappait différentes entreprises confrontées à la nécessité de dépasser le contingent d’heures supplémentaires. Mais, en tant qu’homme politique, je dois le reconnaître, nous avons tourné autour du problème sans parvenir à le régler franchement.

Si nous n’établissons pas ce diagnostic, nous perdons toute crédibilité aux yeux de l’opinion. Nous avons parfaitement conscience du fait que nous n’avons pas trouvé la bonne réponse à la question des 35 heures. Un certain nombre de textes ont permis d’ouvrir les contingents d’heures supplémentaires ; je pense notamment à la loi « Fillon » du 17 janvier 2003 et surtout à celle du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, laquelle a permis de libérer les heures supplémentaires par la voie des accords d’entreprises. Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous donner des informations sur l’application de ce texte ?

Ma quatrième interrogation porte sur la politique gouvernementale. Les 35 heures représentent, par le biais direct des allègements de charges, une prise en charge financière par l’État de l’ordre de 10 milliards à 11 milliards d’euros. Si l’on y ajoute la convergence des SMIC, au titre de mesures prises par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et les exonérations antérieures de 1993 des gouvernements d’Édouard Balladur et d’Alain Juppé, ce montant s’élève à 23 milliards d’euros. Il représente certes un allègement du coût du travail, mais également la moitié du déficit structurel de l’État, que l’on peut évaluer – en dehors des effets de la crise économique qui nous frappe durement depuis 2008 – à près de 40 milliards d’euros.

Nous avions envisagé des pistes modérées pour alléger cette charge. À plusieurs reprises, M. Vasselle a présenté des amendements en ce sens lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, notre objectif n’étant pas de mettre fin à la prise en charge du surcoût qui pèse sur les entreprises du fait des 35 heures ou de la convergence des SMIC, qui a conduit à l’augmenter, si ma mémoire est bonne, de 11 % en trois ans, ni de mettre fin à toute politique du SMIC qui, hélas ! est trop souvent, dans de très nombreux secteurs industriels, contrairement à d’autres pays européens, le salaire de référence au lieu d’être un salaire minimum.

Des mesures ont donc été envisagées pour alléger cette charge, notamment l’annualisation du coût du travail pour demeurer dans le cadre de 1, 6 SMIC. Pour le moment, cette annualisation n’a pas encore été acceptée, mais vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'État, un rapport de Jean-Luc Tavernier, que M. Vasselle a également évoqué. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur ce point ?

Par ailleurs, envisagez-vous de renégocier le coefficient de 1, 6, au cas par cas ou avec les chefs d’entreprises ? Nous le savons, une telle mesure risquerait d’être coûteuse en emplois dans certaines activités qui ne sont pas les plus exposées à la concurrence internationale, mais soutiendrait celles qui y sont soumises. Le rapport Tavernier existe-t-il ? Nous sera-t-il communiqué et fera-t-il l’objet d’un débat ? Le Gouvernement envisage-t-il de lui donner une suite pour permettre à la France de repartir à la conquête de parts de marchés ?

En tout cas, il n’y aura d’emploi durable que si la France reprend le chemin de la croissance, laquelle est liée aux parts de marché acquises à l’extérieur. Sans compétitivité internationale, il n’y a pas de débouchés et sans débouchés, il n’y a pas d’emplois !

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