Après un long et douloureux combat contre un mal implacable, Jacques Baudot a rendu son dernier souffle avec le courage et la sérénité que nous lui connaissions.
Après la suspension de nos travaux, en février dernier, il eut à subir les derniers tourments de la maladie qui l'a terrassé.
Jacques Baudot vit le jour à Nancy en 1936. C'est dans cette cité, à laquelle il s'identifiera toute sa vie, qu'il fit ses études primaires, secondaires puis universitaires.
Docteur en chirurgie dentaire, diplômé de la faculté de médecine de Nancy, il complète sa formation par un doctorat de troisième cycle en sciences odontologiques. C'est dans la cité des ducs de Lorraine qu'il va exercer pendant plus de trente années son activité professionnelle.
Praticien habile et estimé, il avait une connaissance profonde de Nancy, de ses quartiers, mais surtout de ses habitants. Sa notoriété était grande, sans être en rien tapageuse. Elle s'est forgée au fil des années, années au cours desquelles, attentif à chacune et à chacun, Jacques Baudot prodigua avec délicatesse les soins de son art, tout en étant à l'écoute de ses patients, dont il avait ainsi acquis une connaissance intime.
« Le caractère, c'est la destinée ». Cet aphorisme, Jacques Baudot l'a plus que personne illustré. Affable, ouvert aux autres, soucieux de concorde, dévoué, maniant l'humour comme pour mieux savoir prendre du recul, le regard pénétrant, tous ces traits, qui caractérisaient Jacques Baudot, allaient enrichir sa réputation, et bien au-delà de son exercice professionnel.
Une telle personnalité ne pouvait passer inaperçue des édiles nancéens. C'est ainsi tout naturellement que notre ancien collègue Marcel Martin allait le pressentir pour accéder au conseil municipal de sa ville natale lors des élections de 1971. Jacques Baudot y fit aussitôt merveille. Il s'impliqua de plus en plus dans la vie de sa cité, tout en maintenant sa pratique professionnelle, qu'il jugeait consubstantielle à son équilibre.
En 1979, il fut élu pour la première fois conseiller général du canton de Nancy-sud. Il allait constamment être renouvelé dans ce mandat jusqu'en 2004, date à laquelle il renonça à se représenter.
De 1988 à 1998, Jacques Baudot allait présider l'assemblée départementale, y apportant toute la richesse de son tempérament, la force de ses engagements, mais veillant constamment à trouver des solutions consensuelles pour le plus grand bénéfice de son département. M'étant trouvé souvent avec lui dans diverses instances, notamment régionales, pour défendre les intérêts respectifs de nos deux départements, je peux en témoigner personnellement.
Il élargit son horizon électoral à la région de Lorraine quand, en 1986, il fut élu au conseil régional. Il en fut vice-président de 1988 à 1992. Il quitta à regret ce mandat pour faire, en 1992, son entrée au Sénat.
Fort de l'expérience acquise durant vingt-deux ans au conseil municipal, au conseil général, puis au conseil régional, Jacques Baudot nous fit bénéficier durant quinze ans d'une présence et d'un travail assidus. Dans l'exercice de son mandat national, il put notamment manifester son intérêt pour les questions touchant à la défense et plus particulièrement au monde combattant.
Membre de la commission des affaires économiques, puis de la commission des finances, il allait s'avérer un rapporteur spécial du budget des anciens combattants et des victimes de guerre particulièrement éclairé et actif. Officier de réserve, il s'est totalement impliqué dans ces questions qui lui tenaient à coeur.
Au cours de ses interventions brillantes et convaincantes dans cet hémicycle, il a inlassablement plaidé pour l'amélioration de la condition des anciens combattants de toutes les guerres. Il vit avec joie l'attribution de la Légion d'honneur aux derniers survivants de la Grande Guerre, l'amélioration des retraites, la « décristallisation » des pensions pour les vétérans des anciennes colonies. Jusqu'à son dernier souffle, il oeuvra pour que notre pays accorde une juste indemnisation aux incorporés de force, ceux que l'on appelle les « malgré-nous ».
En septembre 2006, en dépit d'un état de santé déclinant, il se rendit en Algérie pour visiter les nécropoles militaires françaises et faire un rapport remarqué et particulièrement émouvant sur l'état d'abandon de nombre d'entre elles. Avec Jacques Baudot, le monde combattant a perdu un avocat compétent, fidèle et zélé.
Mais Jacques Baudot n'était pas homme à s'en tenir à un seul pôle d'intérêt. Tout au long de son mandat sénatorial, il déposera nombre de propositions de loi qui témoignent par elles-mêmes de l'étendue de ses préoccupations, qu'il s'agisse du mode d'élection des sénateurs, des transports - dont le TGV-Est, en faveur duquel il s'est impliqué vigoureusement -, des questions concernant les collectivités locales, bien sûr, mais aussi du droit des personnes, notamment l'institution du mariage, à laquelle il vouait un attachement très fort, ou encore de la défense des enfants - il avait relancé avec Mme Anne-Aymone Giscard d'Estaing du groupement d'intérêt public gérant le service « Allo Enfance Maltraitée », aux destinées duquel il présida de 1994 à 1998.
Homme du centre, Jacques Baudot appartint au MRP, puis au Centre démocrate et à l'UDF. Il avait rejoint l'UMP lors de sa création. Mais, en 2005, durant la campagne sur le traité constitutionnel, il s'était farouchement opposé à son adoption, rejoignant le mouvement Debout la République !, dont il devint l'un des animateurs au côté de Nicolas Dupont-Aignan. Cet homme aux convictions européennes profondément ancrées assumait sans faillir ce qui pouvait passer, aux yeux de certains, pour paradoxal. Ni l'estime de ses pairs ni celle de ses compatriotes n'en furent pour autant affectées.
La foule émue et recueillie, rassemblée dans l'église Saint Joseph, au coeur de ce beau quartier de Nancy qu'il chérissait tant, a montré, s'il en était besoin, la force et l'intensité des liens qui l'unissaient au peuple de Lorraine.
L'homme qui avait été à l'origine de tant de fêtes et de manifestations joyeuses, en sa qualité de président du comité des fêtes de la ville et du comité de la foire et des salons internationaux de Nancy, rassemblait pour la première fois autour de lui un cortège triste et douloureux.
Ses concitoyens honoraient la mémoire d'un homme généreux, soucieux du bien commun et attentif aux détresses humaines, qui savait aussi être un meneur d'hommes et -sur bien des questions - un visionnaire. J'eus l'honneur d'exprimer devant sa dépouille mortelle l'émotion du Sénat de la République, et, plus particulièrement, celle de son président, mais aussi celle de l'ami, du voisin.
Il franchissait parfois les frontières de la Meurthe-et-Moselle pour venir dans les Vosges pratiquer la pêche ou se promener en forêt. Peut-être y trouvait-il des lieux propices à la réflexion, dans un cadre pastoral préservé. Sans doute y puisait-il des instants de détente, voire de plénitude. Car cet homme de la ville était aussi un amoureux de la nature et des animaux, aimant à se ressourcer au bord d'un cours d'eau ou d'un chemin forestier.
Ainsi fut Jacques Baudot.
À ses collègues du groupe UMP, j'exprime ma très vive sympathie. Aux membres de la commission des finances, qui perdent en lui un rapporteur spécial distingué, j'adresse mes plus sincères condoléances. À sa famille, à son épouse, à son fils et ses deux filles, à ses proches frappés par la douleur d'une séparation prématurée, j'exprime la compassion du Sénat tout entier. Qu'ils soient assurés que le Palais du Luxembourg gardera longtemps la mémoire de Jacques Baudot.
Je vous invite maintenant, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'observer une minute de silence, en mémoire de notre collègue.