Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le disait à l'instant Jean-Pierre Jouyet, voilà maintenant sept ans que nous débattons de l'accord de Londres.
Chacun a pu faire valoir ses arguments, y compris à l'extérieur du Parlement. L'heure est venue pour le Gouvernement de soumettre à votre approbation le projet de loi autorisant la ratification de cet accord.
Je souhaite tout d'abord rendre hommage au travail de grande qualité réalisé par le président Haenel en tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Je souhaite également saluer le travail des commissions saisies pour avis, celui du rapporteur de la commission des affaires culturelles, Jean-Léonce Dupont, et celui du rapporteur de la commission des affaires économiques, Francis Grignon.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord de Londres est relatif au régime de traduction des brevets européens. Il conforte le statut des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, dont le français. Il sécurise la possibilité, pour les entreprises, de déposer leurs brevets dans ces mêmes trois langues officielles. Surtout, cet accord allège les obligations de traduction des déposants, des entreprises et des chercheurs en leur permettant de ne pas traduire la partie technique du brevet dans la langue des trente-deux États parties à la convention sur le brevet européen.
Jean-Pierre Jouyet a développé devant vous les raisons qui justifient la ratification de l'accord de Londres. Je souhaiterais, pour ma part, vous montrer comment cette ratification participe de l'ambition globale du Gouvernement en faveur de l'innovation.
L'innovation est aujourd'hui la différence qui assure la compétitivité d'une économie, qui lui permet de conquérir de nouveaux marchés à travers la création de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux processus, bref, d'une nouvelle offre.
C'est bien le progrès technologique, en effet, qui est devenu le moteur de la croissance économique, des gains de productivité et de l'élévation des niveaux de vie à long terme.
Je suis convaincu que l'innovation est un impératif pour notre économie : un pays qui n'innove pas verra indiscutablement, dans les années à venir, sa croissance se ralentir.
Or la protection de la propriété intellectuelle constitue désormais le fondement économique et juridique de l'innovation.
Elle en constitue le fondement économique, car elle est le levier du développement des entreprises et de la création des emplois. Elle favorise les partenariats technologiques et représente la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.
Elle en constitue également le fondement juridique, car la propriété industrielle protège et valorise les avantages compétitifs des entreprises innovantes.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a présenté par ma voix devant la Haute Assemblée, le 19 septembre dernier, et devant l'Assemblée nationale, la semaine dernière, un projet de loi de lutte contre la contrefaçon, dont l'objet est de permettre aux entreprises de défendre leurs titres de propriété industrielle avec la meilleure sécurité juridique possible.
Je me félicite que ce texte ait pu, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, être adopté avec un large consensus. Les débats que nous avons eus à cette occasion ont bien montré que lutter contre la contrefaçon n'est rien d'autre que de favoriser l'effort de recherche et d'innovation de notre pays.
Il existe un lien très fort, lorsqu'il s'agit de défendre la propriété intellectuelle, entre la lutte contre la contrefaçon, qui en est la négation, et le soutien au dépôt de brevets, qui sont, eux, la concrétisation de ces droits de propriété intellectuelle, caractéristiques des économies compétitives d'aujourd'hui. À l'évidence, ce soutien passe par la diminution du coût des brevets.
Je voudrais vous montrer, à l'aide d'un exemple, combien les économies des différents pays peuvent être touchées lorsqu'ils ne défendent pas suffisamment les droits de propriété intellectuelle.
La Chine, aujourd'hui à la cinquième place en matière de dépenses de recherche et développement, est un pays qui innove peu, tout simplement parce que la défense des droits de propriété intellectuelle y est mal assurée.
Il existe donc une relation entre défense des droits de propriété intellectuelle, et donc dépôt de brevets, et lutte contre la contrefaçon. En présentant ce projet, avec mes collègues du Gouvernement, j'ai le sentiment de participer à cette nécessaire lutte pour faire de l'innovation un véritable combat, afin de faire gagner notre pays dans la compétition économique mondiale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté en première lecture le projet de loi de lutte contre la contrefaçon pour développer un environnement juridique favorable à l'innovation et à la recherche. Je vous engage donc, pour les mêmes raisons, à ratifier le protocole de Londres, qui renforcera la situation de la France et de l'Europe dans le domaine stratégique des brevets, et qui augmentera la compétitivité de nos entreprises en favorisant l'accès au brevet européen à moindres frais.
Le coût du brevet européen est en effet un réel obstacle, qui réduit le nombre des dépôts de brevets par les entreprises et les centres de recherche. Ce coût constitue, en définitive, un frein à la création d'emplois fondée sur l'innovation.
L'accord de Londres apporte une réponse à ce problème en permettant de diminuer les frais de traduction du brevet européen de 25 % à 30 % selon les États désignés. Ce faisant, il facilite la commercialisation des produits et services sur l'ensemble du marché européen. Et c'est d'abord pour les entreprises françaises et européennes que le marché européen est important ; c'est pour nos entreprises que la protection des inventions sur le marché européen est essentielle et que le coût du dépôt peut s'avérer dissuasif.
Il ne faut donc pas, au seul motif que l'on craindrait un effet d'aubaine théorique pour les multinationales japonaises et américaines, rejeter un accord favorable avant tout à nos PME, à nos inventeurs et à nos chercheurs.
J'en suis convaincu, la diminution des coûts du brevet européen entraînera un accroissement de la capacité des entreprises en termes de dépenses d'innovation. Les entreprises pourront affecter les économies de traduction à leur programme de recherche et développement. Les PME, notamment, pourront développer une stratégie offensive de commercialisation sur le marché européen, ce qui leur permettra de mieux amortir les investissements nécessaires et de compenser les risques.
L'accord de Londres permet d'ailleurs aux entreprises françaises d'exercer pleinement leur activité de veille. En effet, j'attire votre attention sur ce point, les traductions intégrales des brevets délivrés ne sont aujourd'hui disponibles qu'à l'issue d'une période de cinq à sept ans, soit à une date de toute façon trop tardive pour permettre une veille technologique efficace.
En revanche, les entreprises pourront continuer à tirer profit de la connaissance des abrégés de brevets publiés par L'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, c'est-à-dire des résumés du texte complet du brevet, disponibles en français au plus tard vingt et un mois après le dépôt de la demande de brevet européen. Ces abrégés permettent aux entreprises d'appréhender les principales caractéristiques d'une invention couverte par un brevet. Les PME françaises ne seront donc pas en situation de désavantage par rapport à leurs concurrents étrangers.
De la même manière, l'accord de Londres garantit le maintien de leurs pratiques de dépôt pour les entreprises françaises. Aujourd'hui, 90 % d'entre elles déposent des brevets en français auprès de l'INPI, et 50 % de ces brevets font l'objet d'une demande de protection européenne. Avec l'accord de Londres, les entreprises pourront continuer à bénéficier de coûts réduits pour déposer leurs brevets en français auprès de l'INPI et les faire valoir dans d'autres États européens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, je souhaite vous indiquer combien cette ratification me semble cohérente avec les mesures que nous avons déjà engagées, dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, en matière d'innovation et de propriété intellectuelle.
Comme vous le savez, nous avons entamé une réforme ambitieuse du crédit d'impôt recherche, ainsi qu'un allégement de la fiscalité relative à la propriété intellectuelle. Nous allons également réduire les redevances de dépôt de brevet pour les PME.
Vous le voyez, le Gouvernement souhaite mettre en place un ensemble cohérent de mesures en matière d'innovation et de propriété intellectuelle, en concentrant ses efforts sur les entreprises petites et moyennes. Il serait illogique de notre part d'alléger la redevance, ce qui inciterait les entreprises à déposer un brevet, tout en maintenant des charges financières dissuasives lors de sa délivrance.
En conclusion, c'est avec une profonde conviction que je vous engage à autoriser la ratification de l'accord de Londres, dans l'intérêt de nos entreprises, petites et moyennes, et de nos emplois. Cet accord, j'en suis absolument persuadé, permettra d'améliorer et de rendre plus compétitif le système européen de brevets. Plus encore, il favorisera l'effort de recherche et d'innovation dans notre pays et contribuera à lui donner le point de croissance supplémentaire dont il a impérativement besoin pour relever les défis qui sont devant lui.