Dans certains établissements, cela se fait déjà. Je souhaite que, demain, chaque école doctorale, chaque école d'ingénieur, chaque université offre à ses étudiants une formation au dépôt de brevet. Et je veux également que les mastères en droit de la propriété intellectuelle deviennent plus nombreux qu'aujourd'hui : dans un domaine aussi stratégique, nous ne pouvons pas laisser les cabinets américains et allemands prendre toujours plus d'avance sur les cabinets d'avocats français.
Il est essentiel que tous nos découvreurs puissent protéger leurs inventions à moindre coût. Si 26 000 euros ne représentent rien pour une entreprise de taille mondiale, c'est une somme énorme pour une jeune entreprise lancée par de jeunes talents.
Il n'y a donc aucun risque de voir des entreprises mondiales inonder l'Europe de brevets : si elles avaient voulu ou pu le faire, elles l'auraient déjà fait.
Permettez-moi de le redire, mesdames, messieurs les sénateurs, ni le coût financier ni les complexités juridiques n'ont jamais constitué un obstacle pour une multinationale.
Le seul risque lié au protocole de Londres, c'est celui que son absence de ratification ferait courir aux laboratoires de recherche et aux entreprises innovantes de notre pays, à nos PME.
Car, grâce à ce protocole, nous allons aider nos inventeurs à faire valoir à moindres frais le fruit de leur intelligence. Aujourd'hui, seule une PME européenne sur quatre dépose un brevet au cours de sa vie, alors que c'est le cas d'une PME américaine sur deux.
Voilà le secret de la croissance américaine, voilà la source du rayonnement technologique des États-Unis. Il n'a rien d'obscur, il n'est pas hors de notre portée, il nous suffit de le vouloir pour le partager. C'est l'objectif même de la stratégie de Lisbonne, au coeur de laquelle prennent place les discussions sur le brevet communautaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons en être pleinement conscients, ces discussions ne progresseront pas si la France ne ratifie pas le protocole de Londres.
Le brevet communautaire sera délivré par l'Office européen des brevets, celui-là même dont il est question aujourd'hui, et il ne sera pas autre chose qu'un brevet européen qui concernera l'ensemble du territoire de l'Union, et non plus tel ou tel État membre. Il garantira ainsi une protection uniforme des fruits de la recherche et de l'innovation dans l'ensemble des pays de l'Union.
Le brevet communautaire ne se substituera donc pas au brevet européen : ce sont deux systèmes enchâssés ou greffés l'un sur l'autre. Si nous voulons avancer sur le brevet communautaire, nous devrons par conséquent d'abord améliorer le fonctionnement du brevet européen, notamment en le rendant plus accessible. C'est l'objet même du protocole de Londres.
C'est pourquoi je vous demande aujourd'hui d'autoriser le Gouvernement à le ratifier. Les Français ne comprendraient pas que la Haute Assemblée hésite un instant à faire ce pas essentiel vers la société de la connaissance et de l'innovation. Les grands organismes de recherche de notre pays ne le comprendraient pas davantage. Ce pas, c'est le Centre national de la recherche scientifique, c'est L'Institut national de la santé et de la recherche médicale, c'est le Commissariat à l'énergie atomique, c'est l'Institut français du pétrole qui nous invitent à le faire.
Ce sera un pas décisif, mais ce ne sera pas le seul.
Vous le savez mieux que personne, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'est engagé, avec votre aide et votre soutien, dans la construction de cette nouvelle société fondée sur le savoir et sur l'intelligence.
II l'a fait en refondant le crédit impôt recherche, qui soutiendra désormais pleinement l'effort de recherche des entreprises innovantes dont nous bénéficions tous.
II l'a fait en refondant les universités autour de ces deux valeurs cardinales que sont la liberté et la responsabilité, afin de donner à notre enseignement supérieur les moyens de rayonner. Et c'est dans cette nouvelle université que pourront se développer demain les jeunes entreprises universitaires, qui recevront le même soutien des pouvoirs publics que celui qu'ils apportent aux jeunes entreprises innovantes.
Ce sont toutes ces nouvelles entreprises qui feront la croissance future de notre économie.
C'est à elles que s'adresse le protocole de Londres, et à toutes les sociétés innovantes qui feront le choix, demain, de s'installer en France.
Elles y trouveront des universités fortes, une recherche dynamique et des talents prêts à les rejoindre.
Elles y trouveront des pouvoirs publics mobilisés pour les aider à grandir.
Voilà ce qui est en jeu aujourd'hui : renforcer l'attraction qu'exerce l'Europe sur les inventeurs de demain en ratifiant le protocole de Londres, c'est se donner toutes les chances de les voir s'établir en France, dans un pays où elles bénéficieront d'un environnement intellectuel et scientifique exceptionnel ainsi que de toute l'aide dont ils ont besoin.
Alors, ne nous refusons pas à livrer la bataille de l'intelligence, ne décidons pas de tout perdre quand nous pourrions tout gagner. Car, en nous retirant sans livrer bataille, nous ferions le sacrifice de ce que nous avons de plus précieux : notre langue.
C'est en effet le rayonnement d'une culture qui fait le rayonnement de la langue, et non l'inverse.
Nous en avons eu tout récemment une très belle illustration, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque la télévision chinoise vient de créer une chaîne d'information continue intégralement diffusée en français. Ce choix, la Chine ne l'a pas fait par amour de la langue française, elle l'a fait parce qu'elle reconnaissait la vitalité de la culture française et de toutes les cultures francophones, elle l'a fait au nom d'une seule conviction, très simple : pour faire rayonner la culture chinoise, il était bon aussi de lui permettre de se faire entendre en français.
Il ne suffit donc pas d'aimer et de défendre le français pour le faire vivre, il faut aussi l'illustrer : chercher, créer, inventer et diffuser nos découvertes à travers le monde. Car c'est le prestige international de la recherche française qui attirera demain dans notre pays les jeunes scientifiques étrangers qui y apprendront, tout naturellement, le français.
Permettez-moi, à cette occasion et à titre d'illustration, de féliciter encore Albert Fert, professeur à l'université Paris XI et chercheur au CNRS, à qui le prix Nobel de physique a été décerné ce matin. Voilà comment notre recherche se fait connaître à l'étranger !