Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 9 octobre 2007 à 16h30
Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens. — Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est appelée à se prononcer aujourd'hui sur la ratification du protocole de Londres, question en débat depuis plus de sept ans.

Je le déclare sans ambages : je suis favorable à cette ratification, pour des raisons diplomatiques, linguistiques, mais aussi économiques.

Tout d'abord, il faut rappeler que ce protocole relève d'une initiative française : c'est la France qui a souhaité engager des négociations afin d'alléger le coût du brevet européen et a organisé la conférence intergouvernementale qui a débouché sur la signature de cet accord en juin 2001.

Alors que la position française est encore fragile sur la scène européenne, même si nous sommes incontestablement de retour depuis l'intervention de M. Sarkozy sur le traité simplifié, il me semble dangereux de jouer de cette crédibilité renaissante.

Pour l'Européen convaincu que je suis, cette considération seule emporte l'adhésion, d'autant que l'application du protocole est aujourd'hui bloquée par la France.

Son application est en effet subordonnée à la ratification de la France : si nous refusons aujourd'hui cet accord, il ne sera jamais appliqué, alors que onze pays l'ont ratifié à ce jour, notamment l'Allemagne et l'Angleterre, dont la ratification est également obligatoire.

J'en viens aux enjeux linguistiques. La ratification du protocole par la France confortera le statut du français en tant que langue officielle dans le système européen des brevets. En effet, le français restera, avec l'anglais et l'allemand, l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, qui continuera de traiter sur un pied d'égalité ces trois langues officielles.

De plus, avec le protocole de Londres, les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traduction des descriptions, ce qui n'est pas possible actuellement.

Ainsi, la ratification du protocole de Londres permettra aux entreprises françaises, notamment aux PME, de faire respecter leurs brevets européens rédigés en français au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent des marchés européens importants, sans avoir besoin de traduire les annexes techniques en allemand ou en anglais.

En outre, il paraît difficile de craindre un appauvrissement significatif du français comme langue technique, dès lors que l'exigence de traduction des revendications demeure.

Enfin, si nous ne ratifions pas le protocole de Londres, il y a fort à craindre que la tentation serait grande, pour les pays qui l'ont déjà ratifié, de s'accorder entre eux sur un régime plus favorable à l'anglais.

Quant aux enjeux économiques, ils ne sont pas négligeables : le protocole de Londres permettra de réduire le coût de dépôt des brevets.

Le brevet européen est en effet trop cher, comparativement aux principaux partenaires commerciaux de l'Europe. Son coût est rédhibitoire pour de nombreux chercheurs, entreprises technologiques et PME, qui renoncent à protéger leurs inventions. Les PME-PMI représentent moins du quart des dépôts de brevets effectués en France par des entreprises françaises. Le brevet coûte en effet quatre à cinq fois plus cher qu'un brevet américain et trois fois plus cher qu'un brevet japonais.

La principale raison en est qu'il faut fournir des traductions dans toutes les langues des pays où la protection est revendiquée.

Les opposants à la ratification du protocole de Londres estiment que la renonciation à la traduction en français des descriptions des brevets délivrés en anglais ou en allemand restreindrait l'accès de nos entreprises à cette source de connaissances indispensables pour qu'une économie demeure innovante et concurrentielle.

Cet argument ne me paraît toutefois pas réellement pertinent.

En effet, la veille technologique intervient le plus en amont possible. Les entreprises innovantes et les organismes de recherche de tous les pays européens doivent donc, dès à présent, maîtriser les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, et donc le français, pour assurer une veille technologique performante.

Par ailleurs, l'Institut national de la propriété industrielle assure une traduction en français du résumé de toutes les demandes de brevets européens publiés et qui désignent la France, soit près de 40 000 en 2007. Cet abrégé en français est fourni par l'INPI dans les trois mois suivant la publication de la demande.

Les entreprises, en particulier les PME, les centres de recherche et les laboratoires français sont ainsi mis en situation d'assurer une veille technologique performante directement en français, que la demande de brevet ait été effectuée en français ou dans l'une des deux autres langues officielles.

Enfin, dans le projet de loi de finances pour 2008 est presque doublée l'enveloppe dont bénéficieront les entreprises innovantes au titre du crédit d'impôt recherche. Elles auront ainsi mieux les moyens de faire face aux coûts de protection de la propriété industrielle.

Pour conclure, j'aborderai trois thématiques qui me tiennent à coeur.

Tout d'abord, il est nécessaire de développer une culture du brevet en France, à l'image de ce qui se pratique en Allemagne ou aux États-Unis.

À ce titre, je me réjouis des annonces de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la mise en place d'une formation de nos jeunes ingénieurs et de nos jeunes doctorants au dépôt de brevet.

En effet, jamais le dépôt de brevet n'a joué un rôle aussi stratégique dans la compétition économique internationale. En la matière, nous sommes en retard sur les États-Unis, où les brevets sont considérés moins comme des outils de recherche que comme des actifs de l'entreprise.

Notre pays est en déclin dans le paysage européen des brevets. Selon l'INPI, la France représente 18 % des dépenses de recherche et développement en Europe, mais 15 % seulement des dépôts de brevets, contre plus de 42 % pour l'Allemagne. Il est donc indispensable de développer rapidement et de façon systématique l'enseignement du droit de la propriété intellectuelle en France.

Il nous faut organiser et accompagner la dynamique de la propriété industrielle. La démarche de l'entrepreneur vers une culture du brevet favorise une attitude défensive contre les risques de la contrefaçon mais surtout l'entraîne dans un mouvement d'innovation et de création.

Le rôle entrepris par l'INPI, notamment auprès des plus petites de nos entreprises, doit être développé. Sa mission de proximité dans la veille et le prédiagnostic porte déjà ses fruits.

Ensuite, il convient de soutenir la recherche, car c'est une véritable priorité pour faire de notre économie une économie de la connaissance. L'attribution aujourd'hui même du prix Nobel de physique au chercheur Français Albert Fert, une première depuis dix ans, est une preuve éclatante de la vitalité de la recherche française.

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