Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons discuter - enfin, oserais-je dire ! - du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Londres. Il s'agit de modifier le régime linguistique du brevet européen, afin d'en simplifier la délivrance et d'inciter ainsi nos entreprises à déposer davantage de brevets. Pour notre pays et pour l'Europe, les enjeux en matière de développement de la recherche, d'innovation et d'accroissement de la compétitivité sont considérables.
Vous l'aurez deviné, nous sommes là au coeur de la stratégie de Lisbonne. Je me réjouis des propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, car il importe en effet, dans la perspective de la future présidence française de l'Union européenne, que notre pays donne une nouvelle impulsion à ce processus capital pour l'évolution de la technologie sur notre territoire.
Cet accord constitue également un enjeu important en matière de culture et de francophonie, puisqu'il confortera le statut international du français, celui-ci devenant la langue de l'innovation, comme l'a très clairement précisé Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche au début du débat.
Or, à ce jour et malgré l'importance de tous ces enjeux, ce texte, signé par la France en juin 2001, n'a toujours pas été ratifié par le Parlement français, alors même qu'il est le résultat d'une initiative française, laquelle a pour origine la tenue à Paris, en juin 1999, d'une conférence intergouvernementale des États membres de l'Organisation européenne des brevets. C'est paradoxalement dans notre pays que des prises de position très tranchées ont été exprimées, que les plus grandes réticences se sont fait jour et que les plus grandes batailles d'arguments linguistiques, juridiques, économiques ou scientifiques ont été menées sur les conséquences d'une telle ratification.
Au cours de ces dernières années, afin de mieux analyser les risques et les opportunités de cet accord et d'évaluer la portée des différents arguments, des débats et des travaux ont été menés, notamment au sein de la Haute Assemblée et, plus particulièrement, de sa délégation pour l'Union européenne. À chaque fois, la conclusion était la même : le protocole de Londres doit être ratifié et entrer, enfin, en vigueur.
Il semble que ce lourd et long préalable, sans épuiser la question, a eu l'avantage d'éclairer la représentation nationale et le Gouvernement sur le sujet, puisque nous sommes enfin saisis d'un projet de loi de ratification.
Sans revenir en détail sur l'accord de Londres, remarquablement présenté par M. le rapporteur et par MM. les rapporteurs pour avis, je souhaite, au nom du groupe UMP, préciser quelques points qui me paraissent importants.
À ce jour, treize États membres de l'Organisation européenne des brevets sont parties à l'accord, et neuf d'entre eux ont achevé leur procédure d'adhésion ou de ratification. Or, l'article 6 du protocole soumet son entrée en vigueur à la ratification par au moins huit États membres, dont les trois pays dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999, à savoir l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En conséquence, notre pays dispose d'un pouvoir de blocage et l'entrée en vigueur du protocole de Londres est actuellement suspendue à sa ratification par la France.
Je le rappelle, l'accord vise à amender l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée en 1973. Il permet d'éviter, dans une très large mesure, la traduction de la « description », c'est-à-dire la partie technique du brevet, qui représente en moyenne dix-sept pages sur un total de vingt. C'est déjà le choix qu'avaient fait les États membres de l'Union européenne dans le cadre des négociations sur le brevet communautaire.
En revanche, la partie juridique du brevet, les fameuses « revendications », qui définit la portée du monopole d'exploitation, doit toujours être traduite en français, ainsi qu'en anglais et en allemand. Il s'agit d'une obligation découlant de l'article 14 de la convention de 1973, qui, précisément, reste inchangé.
Autrement dit, la partie essentielle du brevet, qui est aussi la seule à être entièrement rédigée, sera toujours systématiquement disponible en français. Il n'y a aucun doute à avoir sur ce point. Le français, avec l'allemand et l'anglais, devient ainsi l'une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe.