Intervention de Jean Bizet

Réunion du 9 octobre 2007 à 16h30
Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens. — Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Le deuxième point porte sur la place de nos chercheurs et de nos entreprises sur le marché européen des brevets. Hélas ! le constat actuel est peu satisfaisant, puisque les statistiques indiquent que la langue de dépôt est l'anglais dans 70 % des cas, l'allemand dans 25 % des cas et le français dans à peine 5 % des cas. Protocole de Londres ou pas, cela fait bien longtemps que nos entreprises et nos chercheurs sont obligés de suivre les dépôts de brevets en anglais et en allemand. Prétendre le contraire relève tout simplement d'une méconnaissance inquiétante des réalités scientifiques et économiques de notre pays.

Il faut donc tout faire pour accroître la proportion des brevets déposés en langue française. L'un des freins majeurs concerne le coût du dépôt d'un brevet pour les petites et moyennes entreprises. La simplification du brevet européen, en diminuant le nombre de traductions obligatoires, réduira les coûts de 30 % à 40 %, ce qui constituera un stimulant puissant pour l'innovation et la recherche. Il y a d'ailleurs à ce sujet un très large consensus dans la communauté scientifique et chez les acteurs économiques. Les premiers bénéficiaires en seront les petites entreprises, puisque le simple fait de déposer un brevet en langue française leur garantira la protection de leurs inventions sur le marché européen.

Le troisième point est d'ordre juridique : il n'existe aucune ambiguïté sur la conformité du protocole de Londres à notre Constitution, depuis la décision rendue en ce sens par le Conseil constitutionnel le 28 septembre 2006. Pour tous les brevets déposés en Europe, la partie dénommée « revendications », qui définit le champ de la propriété industrielle, sera obligatoirement traduite en français, ce qui garantit la possibilité pour nos entreprises de se tenir au courant des innovations de leurs concurrents. En cas de litige, la traduction de l'intégralité du brevet restera obligatoire devant le juge français.

Par ailleurs, la simplification du brevet européen ne constitue à nos yeux qu'une première étape. L'entrée en vigueur du protocole de Londres doit s'inscrire dans le cadre d'une politique ambitieuse de soutien à la recherche et à l'innovation, dans le prolongement des mesures déjà prises, telles que le crédit d'impôt recherche ou la gratuité du premier brevet. Il est plus que jamais indispensable de développer en France une culture de la propriété industrielle, car nos entreprises investissent moins que leurs concurrentes étrangères en matière de recherche et développement, comme l'a clairement rappelé Mme Pécresse tout à l'heure. Ne l'oublions jamais, le dépôt et l'exploitation d'un brevet par une PME se traduisent, dans les cinq ans, par une augmentation très forte du chiffre d'affaires et par la création de nombreux emplois.

Enfin, dernier point sur lequel je souhaite insister, le brevet communautaire, comme M. le rapporteur l'a rappelé, est une question essentielle. À nos yeux, en effet, la ratification par la France de l'accord de Londres ne doit pas entraîner le blocage durable, voire l'abandon du brevet communautaire, ces deux types de brevets étant complémentaires.

Nos partenaires ayant eu satisfaction sur le brevet européen, il est aisé d'imaginer qu'ils ne soient plus guère incités à accepter des compromis sur le dossier du brevet communautaire. Dès lors, si nous préconisons la ratification de l'accord de Londres, nous estimons qu'elle doit avoir comme corollaire complémentaire et inséparable le déblocage du brevet communautaire. Sur ce point précis, monsieur le secrétaire d'État, nous comptons énormément sur votre action.

Il ne faut en aucun cas opposer brevet européen et brevet communautaire. Je le répète, ils sont en réalité complémentaires, dans la mesure où ils répondent à des besoins différents. Certaines entreprises ont besoin d'une protection couvrant l'ensemble du territoire de l'Union européenne : elles choisiront alors en priorité le brevet communautaire, qui constitue un instrument unitaire garantissant une protection identique dans l'ensemble de l'Union. D'autres n'ont besoin de se protéger que dans quelques États seulement : elles choisiront alors le brevet européen, qui permet de ne désigner qu'un nombre réduit d'États.

En tout état de cause, il convient d'organiser la coexistence des deux systèmes de brevets en Europe. À cette fin, nous demandons au Gouvernement, à l'appui des arguments qui ont été développés, notamment par M. Haenel, de trouver la manière la plus efficace de relancer le brevet communautaire, afin d'imbriquer les deux systèmes. Un compromis est possible et, selon nous, souhaitable, la France étant en position de force avec la présente ratification.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP, dans sa très grande majorité, votera avec enthousiasme en faveur du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Londres, tout en soulignant l'importance des recommandations que je viens de présenter concernant le brevet communautaire. Cela permettra à la France, comme l'a si bien souligné Mme la ministre tout à l'heure, de continuer à faire entendre sa voix, c'est-à-dire la voix de ses chercheurs et de ses entreprises.

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