Intervention de Richard Yung

Réunion du 9 octobre 2007 à 16h30
Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens. — Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Richard YungRichard Yung :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur la question que nous examinons aujourd'hui est passionné depuis de nombreuses années. C'est en effet en 1999 que Christian Pierret, alors secrétaire d'État à l'industrie, a pris l'initiative de convoquer, à Paris, la conférence intergouvernementale qui fut à l'origine du protocole de Londres.

Vous permettrez au dixième orateur, seul socialiste inscrit dans la discussion générale, d'exprimer le point de vue du groupe socialiste du Sénat. Je rappelle d'ailleurs que nous avions déjà déposé, en décembre 2006, une proposition de loi de ratification du protocole de Londres, qui, malheureusement, n'avait pas abouti.

Le point le plus marquant de ce débat concerne la place de la langue française. Des divers aspects du texte, dont je dirai un mot ultérieurement, c'est celui qui provoque, légitimement, le plus de doutes et d'hésitations.

De nombreux arguments ont été avancés. Pour ma part, j'en développerai deux, sous un angle nouveau.

Comme cela a été dit, l'accord de Londres confirme - on dit aujourd'hui : « grave dans le marbre », formulation sans doute un peu lourde - la place du français en le consacrant comme l'une des trois langues de l'Office européen des brevets, et donc du système européen des brevets. Or cette disposition n'est pas nouvelle puisqu'elle date de 1973.

Corollaire, sur lequel j'attire votre attention, le système européen des brevets - voire le système communautaire des brevets, si on élargit un peu la perspective - n'acceptera pas d'autres langues que ces trois langues officielles.

À cet égard, je pense à la revendication légitime exprimée par nos amis espagnols et portugais, qui possèdent, eux aussi, des langues internationales, et aux Italiens, dont l'industrie nationale est forte, qui demandent tous pour quelle raison ils ne font pas partie du scénario. C'est là que réside, au fond, l'une des causes fondamentales des difficultés rencontrées par le brevet communautaire.

Avec le protocole de Londres, nous répondons aux revendications émanant des pays qui veulent faire reconnaître leur langue. On peut, bien sûr, imaginer un système communautaire des brevets comprenant vingt-deux langues, ce qui supposerait que l'on dépose un brevet dans une langue, puis que l'on traduise le texte dans les vingt et une autre langues. Mais si on procède ainsi, le système est mort.

On a dit aussi que l'accord de Londres représentait un avantage pour les déposants français puisque leur brevet serait valable dans tous les autres États l'ayant ratifié. D'ailleurs, les États qui ne le ratifieront pas se poseront très rapidement des questions.

En effet, le déposant consultera la liste des États qui auront ratifié l'accord de Londres et pour lesquels une langue suffira, alors que les États qui ne l'auront pas ratifié exigeront toujours une traduction de l'intégralité du brevet dans leur langue officielle. Croyez-vous qu'un déposant fera traduire son brevet dans la langue officielle de pays comme la Lituanie ou la Grèce, sauf si le marché de ces pays présente un intérêt fort pour lui ?

Les États qui n'auront pas ratifié l'accord de Londres vont donc se trouver « en dérivation » du système européen de brevets. Ils recevront de moins en moins de demandes de dépôt de brevet, ce qui est déjà inquiétant mais, en outre, ils ne percevront plus les taxes annuelles, qui représentent la recette principale des offices de brevets. Ils y réfléchiront donc à deux fois, croyez-moi !

Pour répondre à notre collègue Legendre, je me considère aussi comme un bon Français et je suis également convaincu que nous devons défendre notre langue - tout en pratiquant les autres, d'ailleurs. Je tiens seulement à rappeler le fond du problème : les traductions de brevets sont inutiles et inutilisées.

Elles sont inutiles parce qu'elles arrivent trop tard, près de cinq ans après le dépôt de la demande : dans la plupart des domaines, cette période correspond à un cycle technologique complet. Par conséquent, l'accès au contenu technique du brevet n'apporte plus rien aux tiers qui en ont eu connaissance dès le dépôt de la demande.

Ces traductions sont également inutiles en raison de leur mauvaise qualité qui les rend inexploitables, notre collègue Jean-Léonce Dupont l'a montré. Soit la traduction n'a pas été réalisée par des professionnels, parce qu'elle est souvent sous-traitée à des doctorants ou à des étudiants rémunérés au lance-pierres - il faut le reconnaître -, soit les revendications elles-mêmes sont rédigées de manière incompréhensible par le déposant. Vous connaissez la fameuse boutade d'Alan Greenspan : « Si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé ! »

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