Intervention de Hélène Luc

Réunion du 17 janvier 2006 à 10h00
Questions orales — Service des transports aériens

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à dire que l'absence de M. Perben me déçoit. J'aurais souhaité, en effet, qu'il se libère pour répondre en personne à une question d'une telle importance, d'autant que celle-ci lui a été adressée depuis longtemps déjà. C'est, de surcroît, la deuxième fois qu'il n'est pas présent pour répondre à l'une de mes questions.

Chacun s'en souvient avec émotion, la série noire des catastrophes aériennes qui ont endeuillé l'été 2005 et notamment coûté la vie à 152 compatriotes de Martinique nous a laissés sous le choc et a tragiquement mis en lumière l'inadaptation et l'insuffisance des législations et des réglementations nationales et internationales en matière de sécurité du transport aérien de voyageurs.

Il devient urgent et indispensable d'en tirer toutes les conséquences dans le contexte d'accélération de la déréglementation du transport aérien. La sécurité est un problème majeur qui dépasse la simple problématique des compagnies charters et concerne non seulement les compagnies dites « à bas coût », mais aussi les lignes aériennes régulières.

Tout le transport aérien subit les conséquences de l'exacerbation de la concurrence, qui amène les transporteurs à réduire leurs coûts de gestion pour baisser leurs tarifs. La recherche effrénée des tarifs les plus bas s'accompagne obligatoirement de mesures drastiques de réduction des coûts, au premier rang desquels figurent ceux qui sont liés à la sécurité et à l'emploi.

Notre pays n'échappe malheureusement pas à cette règle impitoyable. J'en veux pour preuve la politique de réduction des effectifs menée au nom de la compétitivité et de la productivité par notre compagnie nationale Air France. C'est précisément dans le secteur sensible de l'entretien et de la révision des appareils qu'Air France Industries envisage de supprimer 2 000 emplois d'ici à cinq ans.

C'est d'autant moins admissible qu'Air France-KLM affiche aujourd'hui, comme on peut le lire dans un journal du soir, une forme olympique sur le plan financier avec une progression du cours en bourse de 40 % depuis le 1er janvier 2005 et un bénéfice net de 829 millions d'euros, en hausse de 17 %, ce qui a conduit le président d'Air France-KLM à dire que l'exercice en cours, qui s'achèvera le 31 mars 2006, devrait constituer la meilleure année en termes de marge. Pour le deuxième mois consécutif, la compagnie aérienne a enregistré une croissance supérieure à 10 % en passager kilomètre transporté au mois de décembre et une hausse de 6, 6 % d'avril à décembre. Le même journal ajoute que ces chiffres sont d'autant plus appréciables qu'ils mettent en avant la forte compétitivité de la société par rapport à la concurrence.

Cette situation de course au profit risque encore d'empirer avec la récente signature de l'accord transatlantique « ciel ouvert ».

Les dangers générés par la déréglementation du transport aérien sont aggravés par le développement de la sous-traitance, qui, parce qu'elle utilise des salariés moins bien payés, moins qualifiés et aux garanties sociales inférieures, a des répercussions directes sur la sécurité des vols.

Il est donc impératif de renforcer les mesures de sécurité existantes pour faire face à la croissance du transport aérien et à l'augmentation du nombre de compagnies charters et « à bas coût ».

Les mesures qu'avait annoncées M. Perben à la suite des différentes catastrophes de l'été dernier étaient nombreuses : projet de labellisation des compagnies, publication d'une liste de toutes les compagnies interdites, compléments d'information sur la validité des autorisations des compagnies, contrôles inopinés et plus fréquents sur les aéronefs, ou bien encore obligation pour les tour-opérateurs d'informer les passagers sur les compagnies qu'ils emprunteront.

À ma connaissance, ces mesures, qui me paraissent de toute façon insuffisantes, ne sont pas encore réellement mises en oeuvre. Quel calendrier se fixe le Gouvernement pour qu'elles soient appliquées ?

Sans attendre l'aboutissement des négociations relatives à un renforcement de la sécurité aérienne sur le plan européen ou sur le plan international au niveau de l'Organisation de l'aviation civile internationale, nous devrions prendre rapidement nous-mêmes, en France, quelques dispositions pour exercer un meilleur contrôle des compagnies desservant notre territoire. Dans cette optique, je ferai, sans être exhaustive, trois propositions.

À l'instar de ce qui existe dans la marine marchande, il conviendrait d'abord de créer une banque de données, une sorte de « carte d'identité » des aéronefs, rassemblant tous les éléments ayant trait à la sécurité et permettant de vérifier la traçabilité des appareils ainsi que leur conformité aux normes internationales.

Il s'agirait ensuite de modifier radicalement les procédures des contrôles effectués par les agents de la direction générale de l'aviation civile, contrôles qui sont trop courts et qui se bornent à une vérification de documents administratifs et au contrôle visuel de quelques éléments des avions, et de faire procéder à des contrôles techniques plus approfondis en augmentant le nombre des points de contrôle sur un avion, le nombre de contrôleurs et la fréquence de leurs opérations.

Enfin, il faudrait rendre plus stricte la réglementation concernant la sous-traitance sur les opérations de maintenance des appareils.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en oeuvre de telles mesures et quel rôle entend-il jouer sur le plan international, non seulement pour réglementer les normes de sécurité mais aussi pour en assurer l'application ?

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