Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 15 octobre 2008 à 15h00
Loi de finances rectificative pour le financement de l'économie — Adoption définitive d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre :

C’est un travail que je souhaite mener, dans les prochains jours, en liaison avec les commissions des finances des deux assemblées.

Je souhaite à présent aborder la question de la garantie de l’État.

D’autres pays ont choisi de garantir directement l’intégralité de la dette de toutes leurs banques. Nous avons fait, en France, le choix d’une solution tout aussi efficace, mais plus protectrice des intérêts du contribuable.

Le contribuable français bénéficiera en effet de deux protections.

En premier lieu, je l’ai dit, cette société de refinancement lèvera des fonds sur les marchés avec la garantie de l’État, bénéficiant ainsi de taux d’intérêt faibles. Cette garantie de l’État a un prix, nous la facturerons.

En second lieu, les prêts que la société de refinancement fera aux banques seront assortis d’un gage, sous la forme d’actifs de bonne qualité, dont la Banque de France assurera le contrôle. Cela signifie que, si la banque emprunteuse ne parvient pas à rembourser la société de refinancement, pour quelque raison que ce soit, celle-ci pourra liquider les actifs déposés en gage par la banque défaillante pour se rembourser.

Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas d’instaurer une structure de défaisance. Il ne s’agit pas non plus pour l’État d’acquérir des actifs comme le prévoient le plan Paulson ou le plan espagnol. L’État n’acquerra pas de titres, l’État n’allégera pas les bilans des banques sous prétexte de les remettre en état de fonctionnement. L’État donnera sa garantie à une société qui, ayant emprunté à taux bas, prêtera à un taux plus élevé, la différence entre les deux taux constituant la rémunération de l’État, en contrepartie de la garantie qu’il consent.

Voilà pour ce qui est en quelque sorte le premier guichet, celui du refinancement nécessaire pour réamorcer la pompe à liquidités, aujourd'hui totalement bloquée.

Nous vous proposons de créer par ailleurs un deuxième guichet, destiné à renforcer les fonds propres des organismes financiers qui le souhaitent et bénéficiant, lui aussi, de la garantie de l’État.

Au cours des récentes réunions internationales que j’ai évoquées, qu’elles soient européennes ou mondiales, nous avons tous constaté que les États devaient se donner les moyens, en cas de nécessité, de renforcer les fonds propres de leurs organismes financiers afin de rétablir la confiance. Cela est si vrai que les États-Unis – vous l’aurez constaté à la lecture de la presse ce matin –, qui avaient envisagé de ne réamorcer la pompe et de ne restaurer la confiance que par le biais d’une structure de défaisance, ont renoncé, en tout cas partiellement et temporairement, à l’institution d’une telle structure et décidé, eux aussi, de mettre en place deux guichets : un guichet de refinancement et un guichet de recapitalisation.

Je vous le dis très clairement : les fonds propres des banques françaises excèdent aujourd'hui largement les minima réglementaires. Pour autant, compte tenu des démarches entreprises outre-Manche et ailleurs, la France ne doit pas être en reste. Nous devons disposer des mêmes moyens que nos partenaires pour renforcer les fonds propres de nos établissements financiers, s’ils le souhaitent. Ce sera leur décision, en fonction de la stratégie qu’ils auront arrêtée.

Ce dispositif viendra compléter l’engagement pris par l’État d’intervenir pour stabiliser la situation de toute banque qui connaîtrait des difficultés.

Premier cas de figure : une banque décidera, dans le cadre de sa stratégie et compte tenu de la concurrence internationale, de demander à l’État de renforcer ses fonds propres. Second cas de figure : l’État pourra intervenir au plus haut niveau du bilan en prenant une participation dans le capital d’un établissement de crédit en difficulté.

Ces dispositifs sont la mise en œuvre des engagements solennels du Président de la République : l’État ne laissera tomber aucune des banques françaises et aucun déposant français n’aura à souffrir de la défaillance d’un établissement financier opérant sur le territoire français.

Pour ce qui est du renforcement des fonds propres – participation au capital ou participation en titres subordonnés immédiatement en dessous du capital –, nous envisageons un plafond de 40 milliards d’euros.

La troisième garantie que le Gouvernement vous propose d’adopter aujourd'hui, c’est celle que nous avons mise en œuvre pour le sauvetage du groupe Dexia. Il fallait stabiliser cette banque belge, française et luxembourgeoise, car elle représentait un risque systémique. Par ailleurs, cette banque est un financeur des collectivités locales. L’État a donc pris ses responsabilités en intervenant aux côtés des gouvernements belge et luxembourgeois.

L’urgence étant réglée, il nous fallait évidemment assurer la pérennité de l’activité. C'est la raison pour laquelle chacun des trois États a également consenti une garantie au groupe Dexia, à proportion de la part qu’il détient dans le capital du groupe, au niveau de la société de tête.

J’en viens maintenant au montant du plafond de ces garanties.

Je rappelle qu’il s’agit de garanties et non pas d’engagements. Il ne faut pas se laisser aveugler par l’impression que des milliards valsent dans tous les sens. Il est non pas question de décaisser des milliards, mais d’assortir de la garantie de l’État des mécanismes d’emprunts et de prêts, d’emprunts et de participation aux fonds propres des banques.

Il est hautement probable que ces garanties ne seront jamais mobilisées dans leur intégralité. Pour autant, il était nécessaire de prendre une mesure forte afin de restaurer la confiance.

La garantie pouvant être accordée par l’État, pour un refinancement d’un établissement de crédit ou une prise de participation au capital d’un établissement de crédit, si cela s’avère nécessaire, sera plafonnée à 360 milliards d’euros.

Ces 360 milliards d’euros se répartissent de la manière suivante : 40 milliards d’euros serviront à renforcer les fonds propres des banques et 320 milliards d’euros seront affectés au refinancement.

Ces mesures permettront bien sûr de réamorcer utilement la « pompe à finance » et de stabiliser les établissements financiers, mais nous ne réaliserions pas de grands progrès si nous ne modifiions pas le comportement des acteurs. C'est la raison pour laquelle nous demanderons aux établissements de crédit qui solliciteront soit une recapitalisation, soit un refinancement, de prendre des engagements, que nous appellerons des contreparties, dans le cadre de conventions qui, seules, permettront l’octroi de la garantie de l’État.

Nous ne pouvons pas en effet tolérer que l’État, alors qu’il s’impliquerait en permettant soit une recapitalisation, soit un refinancement, cautionne des pratiques – nous les connaissons tous – que nous n’approuvons pas.

Nous imposerons donc aux banques, dans le cadre de ces conventions, deux catégories de contreparties : des contreparties d’ordre économique, d’une part, parce que nous souhaitons contrôler l’usage qui sera fait des financements, et des contreparties éthiques, d’autre part, parce que nous ne supporterons pas la poursuite de comportements prédateurs.

Dans le cas des banques en difficulté et au capital desquelles nous entrerions au plus haut niveau, nous appliquerions tout simplement la doctrine qui a prévalu dans le cas Dexia. Les dirigeants et les actionnaires doivent supporter le fardeau de leurs erreurs et les conséquences d’une intervention de l’État au capital. Cela signifie dilution des actionnaires en place et départ des dirigeants qui ont fauté.

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