Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 15 octobre 2008 à 15h00
Loi de finances rectificative pour le financement de l'économie — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Il s'agira là d’un premier gage de votre bonne volonté, qui orientera la suite des débats menés entre l’opposition et la majorité.

En effet, nous sommes particulièrement sceptiques quant aux codes de bonne conduite généraux et aux conventions particulières qu’ils inspireraient.

Nous nous interrogeons aussi, comme l’a fait ce matin notre collègue Alain Lambert, dont nous aurions pu reprendre les propos à notre compte, sur ce que j’appellerai la « condition de territorialité ». À quel type d’établissements s’appliqueront ces conventions ? En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, les établissements bancaires qui se trouvent présents en France sont soit des filiales de grands groupes, soit des sociétés qui possèdent elles-mêmes des filiales, y compris dans des paradis fiscaux.

Or un grand groupe dont une filiale est implantée dans un paradis fiscal ou un établissement qui serait lui-même la filiale d’une société ayant son siège dans un tel pays auront-ils accès à ces financements s’ils les sollicitent ? Il s'agit là, me semble-t-il, d’une question importante.

Nous nous interrogeons également sur les actifs qui seraient apportés par les établissements ayant accès à la caisse de refinancement. On nous a affirmé que ces actifs devraient être « de qualité », ce qui nous amène à vous poser deux questions, monsieur le secrétaire d'État.

Tout d'abord, qu’appelle-t-on un « actif de qualité » à l’heure où les banques affirment ne pas forcément connaître tous les titres qu’elles détiennent en portefeuille, compte tenu des « pilules toxiques » qui ont irrigué l’ensemble de la finance mondiale ? Y a-t-il une liste de ces valeurs ?

Ensuite, s’il existe de bons actifs, il en reste de mauvais. Où sont-ils ? Cette mesure ne va-t-elle pas entraîner une dégradation de la cotation de l’établissement et, partant, de son accès au marché des capitaux ?

Nous nous interrogeons sur la gouvernance, sur le rôle que la Banque de France ou la Commission bancaire seraient appelées à jouer, et que vous devez clarifier, monsieur le secrétaire d'État.

Quelle sera la place de l’État ? Selon nous, il doit être très présent, car l’expérience montre qu’on ne peut s’en remettre aux seuls acteurs de marché.

Nous nous interrogeons enfin sur le vingtième alinéa de l’article 6, qui prévoit un cas de « super-urgence », dans lequel le ministre chargé de l’économie et des finances peut agir seul, immédiatement, sans passer par le mécanisme quelque peu complexe prévu par la loi. Cette clause de « super-urgence » peut parfaitement se comprendre compte tenu de la nécessité de faire face à la crise, mais elle n’est nullement encadrée et nous ne disposons d’aucun élément concernant sa mise en œuvre.

J’en arrive à ma conclusion. Monsieur le secrétaire d'État, allons-nous enfin être entendus quand nous soulignons qu’« il est temps de remettre l’économie dans le bon sens », une expression que j’emprunte à M. Michel Camdessus et qui se trouve dans un très intéressant entretien qu’il a accordé aux Échos. Voilà tout de même un an et demi que nous vous le répétons, et jusqu’à présent, nous n’avons pas été entendus !

Certes, l’urgence est financière. C’est vrai, sans financement, il n’y a pas d’économie. Mais la crise économique qui était déjà latente est désormais patente, et nous allons vers la récession.

La Commission européenne a revu de moitié les prévisions de croissance de la zone euro, notre pays traverse – ce n’est d'ailleurs pas une nouveauté – une grave crise sociale. Or vous ne changez rien aux choix que vous avez opérés voilà dix-huit mois. Aucune annonce ne nous donne à penser, non pas que vous allez renier ce que vous avez fait – vous aviez pris des engagements, nous le comprenons, et vous suiviez votre logique –, mais que cette crise sert au moins à rectifier les erreurs qui ont été commises.

Monsieur le secrétaire d'État, on ne peut pas continuer de cette façon ! Voilà dix-huit mois que, de loi de finances en projet de loi, vous persistez dans cette voie. J’ai encore dans les oreilles notre discussion du mois de juillet dernier sur la loi de modernisation de l’économie. Vous nous proposiez à cette époque, qui n’est pas lointaine, un texte visant, selon vous, à « libérer les énergies ».

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