Intervention de Odette Terrade

Réunion du 15 octobre 2008 à 15h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 1er

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er porte sur la mobilisation des acteurs du logement. Il ouvre donc un chapitre essentiel du projet de loi, chapitre dont l’intitulé, pour le moins positif, attire immédiatement l’attention.

Le rapport au fond de la commission des affaires économiques ne s’y trompe d’ailleurs pas, en soulignant le caractère volontariste de cet article. Le volontarisme dont il est question est pour nous assez largement teinté d’autoritarisme. En effet, l’article 1er vise à faire de ce qui était facultatif, c’est-à-dire les conventions globales de patrimoine, une impérieuse obligation des organismes bailleurs sociaux.

Au motif que ces organismes, sous des formes diverses, disposent d’aides publiques, de manière directe ou indirecte, nous serions en droit de leur demander des comptes et de mesurer la qualité de leur intervention, dans leur champ de compétence. S’il fallait commencer par là, madame la ministre, nous n’aurions pas fini de nous interroger sur la juste allocation de la ressource publique en matière de logement.

Car enfin, faut-il rappeler que la dépense publique pour le logement a profondément évolué ces dernières années et que cette évolution – hélas ! mille fois hélas ! –, pour les gouvernements auxquels vous avez apporté votre soutien, a privilégié le soutien à l’investissement locatif privé en lieu et place d’une véritable politique de maintien et de développement du logement social ?

Faut-il rappeler combien coûte aujourd’hui, dans les faits, un logement locatif privé réalisé sous l’empire du dispositif « Robien », ou même « Borloo », abusivement appelé « populaire », au regard de ce que l’État consacre au financement des logements PLA d’intégration, des logements PLUS et a fortiori des logements PLS ?

Quels paramètres d’évaluation a-t-on prévu pour les logements ainsi réalisés, le fait qu’ils gaspillent, dans certaines zones tendues du territoire, les faibles capacités foncières existantes pour les couvrir de logements de médiocre qualité environnementale, et promis à la vacance dans de nombreux endroits ?

Si l’incitation à l’investissement locatif privé a fait le bonheur de quelques contribuables avisés, elle fait aujourd’hui le malheur de certains autres, plus naïfs, qui ont acheté sur plans des programmes immobiliers soit invendables, soit impossibles à louer ?

Quels critères d’évaluation oppose-t-on aujourd’hui aux opérateurs spécialisés dans la vente à la découpe dont les agissements, dans certaines grandes villes du pays, ont précédé puis accompagné le mouvement général de hausse des prix et des loyers, assorti d’une spéculation foncière qui rend pratiquement impossible la réalisation de logements sociaux en centre-ville ?

Nous, parlementaires du groupe CRC, sommes convaincus, de manière générale, qu’avant de demander des comptes aux organismes bailleurs, même s’ils ne sont pas toujours exempts de reproches, il conviendrait que l’État s’interroge sur les formes actuelles de l’aide publique au logement et sur l’efficacité économique et sociale de cette aide.

La transformation des conventions globales de patrimoine pose d’ailleurs une autre question, que le rapport au fond évoque à notre sens un peu trop rapidement. Cette question, évaluation pour évaluation, c’est que le dispositif des conventions globales n’a pas encore fait l’objet de la moindre évaluation. On nous demande aujourd’hui d’abandonner un dispositif facultatif – sur lequel nous avions formulé à l’époque des réserves, faut-il le rappeler ? – dont on n’a mesuré ni les incidences ni l’efficacité sociale et économique.

Sait-on si les organismes signataires ont relancé la construction de logements, s’ils ont conduit une politique de cession de logements dynamique, quelle évolution ont connu les quittances des locataires à compter du classement de ces immeubles ? Non, on ne le sait pas !

On savait que les conventions existaient, qu’elles avaient été mises en œuvre, mais on n’a pas encore cherché à savoir comment, pourquoi, et jusqu’où. Et l’on nous propose de passer aujourd’hui à autre chose, de beaucoup plus coercitif et d’arbitraire, les indicateurs étant renvoyés à un décret en Conseil d’État, tandis que certains des acteurs du logement, collectivités locales, locataires, sont soigneusement tenus à l’écart ou faiblement intéressés au déroulement des opérations !

Pour ces motifs, mes chers collègues, nous n’acceptons pas cet article 1er.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion