Je viens de me rendre compte que je n'ai pas répondu à la question qui m'a été posée avant la suspension de la séance sur les OPA, plus particulièrement sur l'action spécifique, la fameuse golden share. Or je tiens à donner toutes les explications sur ce sujet.
La golden share est en général interdite et c'est normal. On ne peut pas imaginer que le détenteur d'une telle action puisse avoir les pleins pouvoirs sur des pans entiers d'une entreprise.
En revanche, à l'échelon européen, une action spécifique est admise dans certains cas, notamment lorsqu'un État entend défendre un intérêt stratégique. Cette action lui donne alors des pouvoirs particuliers.
Où se situent les intérêts stratégiques dans le domaine de l'énergie ?
La France a d'abord intérêt à disposer de terminaux méthaniers. Comment assurer les approvisionnements en gaz naturel liquéfié sans ces terminaux ? Que se passerait-il si ces terminaux étaient mis en vente ou utilisés pour autre chose ?
Elle a ensuite intérêt à disposer de stocks de gaz. Les installations souterraines, où le gaz est injecté et d'où il peut être retiré, sont évidemment stratégiques pour notre approvisionnement. Nous avons actuellement des stocks de gaz, qui représentent environ 25 % de la consommation nationale annuelle et qui nous permettraient de faire face à un problème de rupture d'approvisionnement d'un fournisseur.
Enfin, elle a intérêt à s'assurer de la disponibilité du réseau de transport qui alimente les réseaux de distribution, en tout cas de l'essentiel de ce réseau. En France, il en existe deux : celui dont dispose Gaz de France et celui, long de 5 000 kilomètres, appartenant au groupe Total, qui est un gazier important.
La golden share permet de protéger ces trois intérêts.
Lorsque nous avons informé le commissaire européen en charge du marché intérieur et des services que l'État français envisageait de détenir une action spécifique dans Gaz de France, car il ne serait plus majoritaire dans son capital, il nous a répondu qu'il était contre en général - il a raison -, sauf lorsqu'il s'agit de défendre des intérêts stratégiques, ce qui est le cas, les intérêts que nous évoquions étant déjà reconnus comme légitimes par les institutions européennes. Ainsi la Belgique détient-elle aujourd'hui des golden shares dans des filiales de Suez. D'autres pays en possèdent déjà. Compte tenu de cette jurisprudence, il est donc certain que notre demande sera acceptée.
Tels sont l'objectif de cette golden share et le contexte juridique européen dans lequel elle s'inscrit. Je tenais à vous rassurer sur ce point.