Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 12 octobre 2006 à 9h30
Secteur de l'énergie — Articles additionnels avant le titre ier

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Voilà quelques mois, l'échec des négociations du Round de l'Organisation mondiale du commerce nous laissait penser que nos craintes à propos de l'application de l'accord sur les services s'éloignaient pour quelque temps.

Or, selon un entrefilet paru dans la presse, il semble que les négociations se poursuivent en coulisse et que certains souhaitent la conclusion d'un accord a minima sur l'agriculture permettant la mise en oeuvre, en particulier, de l'accord sur les services, que bon nombre d'entre nous récusent.

Si nous laissons faire, c'est la spécificité de certains services administratifs, éducatifs, de santé et de gestion de l'énergie qui seront remis en cause.

C'est la première raison qui motive cet amendement visant à demander un moratoire d'une durée indéterminée sur l'Accord général sur le commerce des services, l'AGCS. Il est important de nous prononcer de façon préalable sur cette question, car il y va de l'avenir de notre compétence législative.

Si l'AGCS est entériné, nous ne pourrons plus légiférer sur des pans entiers de l'organisation de notre pays et l'essentiel de nos services publics disparaîtra.

Est-ce alors un hasard si c'est le moment que choisit le Gouvernement pour nous demander de privatiser GDF ? Nous ne le pensons pas !

Certes, la déréglementation du secteur énergétique est une décision européenne, que le Gouvernement avait déjà entérinée avant même de consulter la représentation nationale.

Mais ces décisions dites de libéralisation, en fait de déréglementation, qui sont prises depuis des années par la Commission européenne, s'inscrivent dans un contexte plus global. Celui-ci est marqué par la progression de mesures ultra- libérales mises en place à l'échelle mondiale sous la pression de lobbies, d'intérêts financiers très puissants, qui s'avèrent même plus puissants que les États.

Partout dans le monde et dans tous les domaines d'activité, il y aurait du business à faire, des profits à dégager. Que ce soit dans l'enseignement, l'énergie, les médicaments, tout doit être fait pour dégager la place au profit d'investisseurs en mal de rentabilité rapide et significative

C'est ainsi que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui sur ce projet de loi qui offre à un groupe privé fragile, endetté, la puissance d'une entreprise nationale efficace, en excellente santé, apte à dégager très rapidement des profits considérables.

Peu importe qu'il s'agisse là d'énergie, soit une ressource qu'il faut gérer avec économie et sur le long terme. Peu importe qu'il s'agisse là d'un bien indispensable à la vie, qui doit donc être accessible à tous. Pourtant, chacun s'accorde à reconnaître que l'énergie n'est pas un produit, et que sa distribution n'est pas un service comme les autres.

C'est pourquoi nous refusons cette perspective. Telle est la seconde raison qui motive cet amendement.

Si nous récusons le projet qui nous est aujourd'hui soumis et si nous souhaitons pouvoir mettre en oeuvre d'autres solutions en France et en Europe pour sauvegarder les intérêts du plus grand nombre dans ce secteur essentiel de l'énergie, il nous faut mettre en échec les négociations actuelles au niveau de l'OMC et obtenir un moratoire sur les services.

Il est du devoir des femmes et des hommes politiques que nous sommes de protéger ce secteur. Nous n'y parviendrons pas si nous laissons se mettre en place des règles commerciales internationales sur lesquelles nous ne pouvons agir actuellement et qui s'imposeront ensuite à nous. Une fois promulguées, ces règles nous interdiront toute législation différente au niveau national comme à l'échelle européenne, même si cette volonté de réforme répond à nos besoins et aux choix de nos concitoyens.

Alors, n'acceptons pas de nous lier les mains et de nous rendre finalement inutiles, ne pouvant plus maîtriser notre propre avenir.

Nous vous proposons cet amendement, car il est urgent que se mette en place un moratoire, pour une période indéterminée, sur les négociations relatives à la libéralisation des services dans le cadre de l'AGCS.

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