Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 12 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Transparence, responsabilité, accessibilités : ces trois principes fondent le service public de l'énergie. Par certains aspects, ils peuvent être embarrassants pour les partisans de ce projet de loi.

S'agissant du secteur de l'énergie nucléaire - l'entreprise fusionnée EDF-GDF sera gestionnaire de l'énergie nucléaire -, l'exigence de transparence paraît essentielle. Elle doit être de mise pour les procédés de fabrication du kilowattheure comme pour la phase avale, si importante, qui concerne la gestion des déchets.

Nous savons bien que la mise en oeuvre des principes de libéralisation dans le secteur énergétique entraîne, par nature, un déficit de transparence et que, en matière nucléaire, les impératifs du marché sont difficilement compatibles avec ceux de la sûreté.

L'existence de précédents en la matière n'est malheureusement pas faite pour nous rassurer. Il n'est qu'à citer les incidents de centrales nucléaires survenus aux États-Unis ou en Suède et rappeler que ces structures étaient sous le contrôle de groupes privés. Or c'est bien un manque de sûreté des installations qui a été à l'origine de ces graves dysfonctionnements.

Le groupe socialiste a déjà exigé l'application de ce principe de transparence lors des débats sur la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.

C'est la revendication de cet impératif qui, du moins, a rendu possibles l'adoption d'un Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables et la mise en oeuvre d'un cadre permettant le provisionnement sécurisé et le financement du démantèlement futur des centrales.

Quelle garantie de transparence offre le Gouvernement face à ce risque majeur que constitue la gestion du nucléaire par des intérêts privés ? Aucune.

La transparence est-elle de mise quand nous savons que, dès l'ouverture totale du marché pour les ménages, la privatisation de GDF entraînera très certainement une forte hausse des tarifs ? Certes, non. C'est l'opacité qui domine.

Ainsi, lorsque le président de POWEO réclame à EDF la livraison de kilowattheures nucléaires à prix coûtant, personne ne sait quel prix de revente il fixera.

Quant à la responsabilité, si elle est au centre de l'action de service public, nous savons tous que, dans le cadre de cette privatisation-fusion, elle dépendra naturellement des exigences des actionnaires. Croyez-vous que ces derniers accepteront de faire une croix sur leurs dividendes parce que les impératifs de sécurité et de continuité du service nécessiteront le réinvestissement direct des bénéfices ?

Enfin, s'agissant de l'accessibilité, si elle est encore garantie par nos services publics, le sera-t-elle toujours dans ce secteur ? Le Gouvernement est en effet, aujourd'hui, dans l'incapacité de dire ce qu'il fera des infrastructures de GDF si la Commission européenne exige - comme elle peut le faire - la cession d'une partie de ses actifs.

Si une société privée venait à prendre le contrôle de nos réseaux de transport de gaz et de nos centres de stockage - pas nécessairement français d'ailleurs -, sa priorité sera-t-elle d'assurer cette sécurité ? Personne ne le croit !

En termes d'aménagement du territoire, il était déjà particulièrement difficile d'obtenir de Gaz de France un certain nombre d'extensions. Avec une entreprise privée, ce sera naturellement encore moins facile, pour des raisons évidentes de rentabilité.

Dès lors, la responsabilité de l'État en matière d'approvisionnement et de sécurité des installations sera réduite à néant, tout comme le sera l'accessibilité.

Monsieur le ministre délégué, parce que nous considérons que l'énergie n'est pas un bien comme les autres - nous l'avons dit et redit ; malheureusement, cet avis n'est pas partagé par tous -, parce que les principes de transparence, de responsabilité et d'accessibilité s'inscrivent dans un système et ne sont pas seulement affaire de volonté, parce que l'article 1er de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique dispose que « la politique énergétique repose sur un service public de l'énergie » assuré par des « entreprises publiques nationales et locales », nous attendons que votre gouvernement - je pense particulièrement au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque - ne renonce pas à ses engagements et consacre le maintien de l'énergie dans le secteur public.

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