Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 12 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

La République considère tous ses citoyens de façon égalitaire. C'est inscrit, et pas dans une simple loi.

Le service public de l'énergie, c'est l'assurance d'une tarification mutualisée pour favoriser cette égalité entre tous les citoyens français.

Comme nous le savons tous, les deux variables d'ajustement principales de l'amélioration des résultats financiers de Gaz de France sont les tarifs, d'une part, la masse salariale, d'autre part.

Or, dans le cadre de la privatisation de GDF et de sa fusion avec le groupe Suez, il apparaît inconcevable que ce groupe soit durablement contraint par des tarifs administrés inférieurs de 30 % à ceux du marché libre, comme c'est le cas actuellement.

Par ailleurs, GDF est le seul concessionnaire des collectivités locales et, à ce titre, il est titulaire d'un monopole de fait sur les concessions de distribution publique de gaz de son territoire de desserte.

Or la Constitution interdit tout monopole de fait pour une entreprise privée. Ainsi, une fois privatisée, GDF devra-t-elle abandonner sa position monopolistique ainsi qu'une partie des contrats de concession signés du temps où elle était entreprise publique.

Par extension, et puisque aucune entreprise privée en France ne dispose d'un monopole de fait, sur des contrats de gestion d'actifs appartenant à des collectivités territoriales, le groupe privé GDF-Suez sera nécessairement soumis à la mise en concurrence des concessions.

En d'autres termes, monsieur le ministre délégué, vous commencez par casser la complémentarité entre EDF et GDF. Cela entraînera la disparition du distributeur mixte EDF-GDF distribution et la mise en concurrence frontale de ces deux entreprises. Dès lors, comment imaginer un seul instant que cette mise en concurrence n'aura pas d'incidences sur le maintien de la péréquation tarifaire que je viens d'évoquer, qui est pourtant au centre de la solidarité entre les territoires et entre les citoyens, et qui caractérise justement le service public ?

Faut-il rappeler à ce Gouvernement et à cette majorité la situation actuelle de la Poste, pour qu'ils puissent enfin se rendre à l'évidence ?

Tout comme la Poste supprime aujourd'hui des services de proximité, parce qu'elle est concurrencée sur les segments les plus rentables de ses activités, demain EDF, concurrencée par le groupe privé GDF-Suez, ne pourra plus garantir les services rendus actuellement. Je pense, en tout premier lieu, à nos territoires ruraux, à ceux de nos concitoyens qui y vivent et aux entreprises qui tentent de s'y développer, parfois dans les plus grandes difficultés.

Mais le Gouvernement, figé dans son dogmatisme le plus étroit, n'en a cure : le patriotisme économique, la défense de la valeur travail, la cohésion sociale même résonnent désormais comme de vagues concepts vides de sens.

Avec ce texte dangereux, il ne sera plus question, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002, de répercuter les gains de productivité réalisés sur le prix de l'électricité.

Dans la logique libérale qui est la vôtre, vous mettez la recherche de l'efficacité au service non plus de l'intérêt général, mais exclusivement des actionnaires et de leur quête de profit.

Oui, je crois que le principe d'égalité de traitement et de prix qui fonde les services publics ne pourra pas résister à cette privatisation et à cette mise en concurrence. C'est pourquoi il est plus que jamais impératif de donner naissance à un pôle public de l'énergie, tel que nous l'avons évoqué les uns et les autres, seul garant de l'égalité entre tous les citoyens français.

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